Monday, January 12, 2015

Le 12 janvier 2015. Je suis Alfred, Emile, Jacques, Dieudonné, Omar, Raif…



Aux armes, etc.
- Serge Gainsbourg.

RATONNADE
nom féminin;
Familier et péjoratif. Expédition punitive ou brutalités exercées contre des Maghrébins ; par extension, brutalités exercées contre un groupe social.


Que d'émouvantes manifestations hier en France-Dimanche, couronnées par le spectacle télévisé animé par le sentimental Nagui. Tous les Charlies de France et de Navarre ont maintenant bonne conscience après avoir défilé dans les rues et embrassé leurs CRS. Que de nobles paroles de la classe politique en faveur de la liberté de parole et de l'égalité et de la fraternité dues aux Français de souche maghrébine.Fi des amalgames. Tel est le plus digne hommage que l'on peut rendre au héros malien musulman, Lassana Bathily, une évidence manifestement inconcevable pour les ordures qui viennent de vandaliser une cinquantaine de mosquées.

Tout cela est bel et bien, mais il faudrait peut-être rappeler que si l'Etat français, au cours de son histoire, a fini par renoncer à faire des feux de joie des hérétiques, il a souvent eu recours aux bûchers judiciaires pour faire taire les mal pensants.

La France est le pays où fut condamné pour trahison le juif Alfred Dreyfus, victime d'une "youpinade" militaro-juridique; où fut condamné et contraint à l'exil Emile Zola qui avait eu l'insolence d'exposer la pure et simple vérité, c'est-à-dire, la crapulerie politico-judiciaire française; où fut condamné le polémiste Jacques Laurent pour déicide, c'est-à-dire injure au général de Gaulle dans son pamphlet Mauriac sous de Gaulle; où naguère Alain Peyrefitte faisait un subtil distinguo entre la "critique" du chef de l'Etat et l'"insulte"…

La France ne pourra pas régler du jour au lendemain les problèmes sociaux qui constituent le terreau de la vermine terroriste.

Par contre, les autorités françaises compétentes devraient penser à balayer devant leur porte. Elles peuvent même prendre les armes, c'est-à-dire les stylos, et, pour commencer, adopter en un seul jour les mesures libertaires suivantes :

- Abolir la stalinienne (ou maoïste) loi Gayssot, qui réprime le délit de négationnisme.
- Abolir l'article 434-25 du code pénal qui confère aux magistrats français le statut de divinités.
- Rendre, notamment, à Dieudonné sa complète liberté de parole.

Il n'est pas rare que les ministères publics (peut-être moins encore au pays de Jean Valjean) cèdent à la tentation d'affecter leurs maigres ressources judiciaires à la répression des auteurs de grotesques élucubrations et des voleurs de poules (sans oublier les occasionnels acharnements contre les innocents), au lieu de trier et de viser les vrais malfrats. Les gesticulations médiatiques entretiennent mieux l'illusion de l'action aux yeux d'un corps électoral crédule.

La vie continue... Il n'a pas fallu 24 heures pour que l'Etat français révèle ses vraies couleurs et trahisse la mémoire des martyrs de Charlie-Hebdo! Comment?

Par l'annonce de l'ouverture d'une enquête visant M. M'bala M'bala en raison de sa dernière provoc' (on veut jésuitiquement arracher une "apologie du terrorisme" de l'aphorisme "je me sens Charlie Coulibaly") et par l'annonce de mesures administratives d'annulation de ses prochains spectacles. (La double peine est une spécialité bien française.).

(Faut-il vraiment voir un paradoxe dans la persécution d'un (pseudo-?) humoriste d'esprit, justement, on ne peut plus charliehebdoesque?  Pas si l'on se souvient que, surtout en France, nul n'est prophète en son pays…)

Dans cet ordre d'idées, on relèvera aussi que, aujourd'hui lundi 12 janvier, à Toulouse, 3 jeunes paumés viennent d'être condamnés et emprisonnés immédiatement pour "apologie de terrorisme" relativement à des invectives relatives à la tragédie qui s'est déroulée du 7 au 9 janvier, que deux d'entre eux ont éructées en état… d'ébriété (curieux djihaddistes…). Un beau spectacle, mais leurs avocats ont eu droit à un week-end (entier!) pour préparer leurs plaidoiries… Les droits de la défense en France...

Ne peuvent se réjouir que les vrais criminels (terroristes, parrains du trafic de drogue, fraudeurs fiscaux millionnaires…) qui continuent d'avoir le champ plus ou moins libre, puisque la maréchaussée ne peut être à la fois au four et au moulin…

Et puisque l'on parle aussi du respect dû au respect et à la dignité due aux Musulmans, pourquoi ne pas, d'un autre trait de plume, proclamer officiellement l'innocence d'Omar Raddad? Dreyfus, lui, fut complètement réhabilité en 1906. Cependant, même si le pauvre Omar a bénéficié d'une partielle grâce régalienne, il n'est toujours pas innocenté. Pour lui, la "ratonnade" judiciaire continue.

Enfin, entendrons-nous "Je suis Raif Badawi" au cours des 19 prochaines semaines? Il ne faudrait peut-être pas oublier que les autorités saoudiennes ont décidé d'exécuter ce blogueur (beaucoup moins drolatique que Charlie-Hebdo, c'est peut-être son tort), mais non pas instantanément, par une rafale de Kalachnikov ou par un coup de cimeterre. On a opté pour la mort à petit feu, avec 50 coups de fouet chaque vendredi, après les prières. Chose certaine, les cris de douleur du condamné, eux, s'intensifieront au fil des vendredis.

Les Cabu, les Wolinski ne reviendront plus, mais il est encore temps d'agir pour Raif : il reste encore 950 coups.

Evidemment, il faut y penser à deux fois avant d'offenser un pays fournisseur de pétrole ami.

Voilà qui pourrait vraiment être de mauvais goût.

LP



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