Ignorance is bliss.
- Robert Mugabe.
Il n'y a pas de vieux messieurs. Il n'y a que
des femmes maladroites.
- Georges Clemenceau.
N'attendez
pas le Jugement dernier. Il a lieu tous les jours.
- Albert Camus, dans La chute.
Ces jours-ci, au Québec, le 25e anniversaire
de la tragédie de l'Ecole polytechnique stimule, et pour cause, la discussion
du féminisme.
Quand on pense féminisme, il faut aussi penser
tiers-monde, en particulier l'Afrique.
Saluons surtout une personnalité qui est déjà
au service de ses compatriotes : la première dame du Zimbabwe, Grace Mugabe.
Un peu d'histoire.
Il y a 34 ans naissait le Zimbabwe des cendres
de la Rhodésie blanche rebelle, aux termes d'un sanglant conflit. Par la suite,
Robert Mugabe, le premier, et unique, président du nouveau pays connut quelques
mineurs incidents de parcours, comme les massacres du Matabeleland de 1982 à 1987, pendant
lesquels tombèrent ou furent torturés des dizaines de milliers de personnes (des
chiffres qui relativisent les pertes causées par l'armée rhodésienne lors de la
"Bush War" de 1965 à 1979), un simulacre d'élections en 1990, l'assassinat et la
torture d'agriculteurs blancs dépouillés de leurs exploitations, résultant en
des famines que la population noire n'avait jamais connues jusqu'alors, la neutralisation plus ou moins musclée des opposants politiques, etc.).
Mais… bref, pas de quoi fouetter… un chat,
comme le révèle le silence des élites intellectuelles bien-pensantes qui
avaient été beaucoup plus audibles avant 1980, et qui le restèrent en ce qui
concerne l'Afrique du Sud jusqu'en 1994. (On relèvera au passage que ce dernier
pays, gouverné à l'heure actuelle par un président polygame et où un bon tiers
des femmes ont été victimes de violences sexuelles en tous genres, n'est
peut-être pas, par les temps qui courent, un paradis féministe.)
Au Zimbabwe, donc, Robert Mugabe accorda
l'honneur à Grace Marufu (elle-même encore mariée) de lui donner deux enfants
pendant que son épouse, Sally, se mourait d'un cancer, au prix, toutefois, d'épuisants
allers et retours entre l'unité de soins palliatifs et la maternité. Il faut
lui rendre cet hommage : contrairement à son homologue zoulou, il sait que si
un vrai monarque, pieux catholique de surcroît, peut avoir des favorites, il n'a droit qu'à une seule reine à
la fois. Il eut d'ailleurs la noblesse d'attendre 4 ans après
le décès de Sally en 1992 pour convoler en secondes noces -célébrées, cela va
de soi, par un prêtre.
Un homme de principes.
Et alors que l'on évoque le premier
anniversaire du décès du grand démocrate Nelson Mandela, dans la foulée de la
triomphale réélection du président Mugabe à la tête du parti au pouvoir (ZANU-PF), sa tendre épouse actuelle vient d'être élue présidente de son aile féminine. On l'aura
compris, madame Grace Mugabe est un symbole d'espoir, un modèle, pour les
Zimbabwéennes, ayant fait ses preuves comme femme d'affaires, notamment en
s'appropriant les fermes d'agriculteurs blancs "nationalisées", en dépensant
120 000$ lors d'un voyage à Paris; en outre, seule une femme de caractère peut tabasser
un photographe qui a l'audace de la prendre en photo lors d'achats dans une
boutique de luxe à Hong Kong.
Mais voici la pièce de résistance.
Elle a obtenu un doctorat en sociologie de
l'université du Zimbabwe, et a reçu lors de la collation des grades en
septembre dernier son parchemin des mains du chancelier, Robert Mugabe, comme naguère
Joséphine sa couronne de Napoléon.
On s'étonne cependant de ne pas entendre les
félicitations des universitaires du monde entier. Sans doute parce que, nul n'a
encore eu le temps de lire (et de comprendre) sa thèse de 1450 pages (sans
compter les renvois) probablement consacrée à la genèse des théories de Durkheim.
Si l'on relève qu'elle n'a été inscrite à la faculté que 2 ou 3 mois, Simone de
Beauvoir fait pâle figure aux côtés du docteur (pardon, de la docteure) Grace Mugabe.
D'aucuns pensent que cette intellectuelle
accomplie est maintenant la mieux placée pour succéder à son époux comptant 90
printemps. Il est difficile d'en douter, vu ses prouesses scientifiques, même
si, en principe, la vice-présidente, qui vient d'être limogée,
D'une manière ou d'une autre, l'ex-Rhodésie
reste entre de bonnes griffes. Il n'y pas que le SIDA qui y soit transmissible
sexuellement depuis 1980, mais le pouvoir politique.
Le sort de millions de Zimbabwéens, et surtout
de Zimbabwéennes, est scellé.
LP
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