Tuesday, December 9, 2014

Le 9 décembre 2014. Une sociologue féministe bientôt au pouvoir au Zimbabwe?


Ignorance is bliss.
- Robert Mugabe.

Il n'y a pas de vieux messieurs. Il n'y a que des femmes maladroites.
- Georges Clemenceau.

N'attendez pas le Jugement dernier. Il a lieu tous les jours.
- Albert Camus, dans La chute.

Ces jours-ci, au Québec, le 25e anniversaire de la tragédie de l'Ecole polytechnique stimule, et pour cause, la discussion du féminisme.

Quand on pense féminisme, il faut aussi penser tiers-monde, en particulier l'Afrique.

Saluons surtout une personnalité qui est déjà au service de ses compatriotes : la première dame du Zimbabwe, Grace Mugabe.

Un peu d'histoire.

Il y a 34 ans naissait le Zimbabwe des cendres de la Rhodésie blanche rebelle, aux termes d'un sanglant conflit. Par la suite, Robert Mugabe, le premier, et unique, président du nouveau pays connut quelques mineurs incidents de parcours, comme les massacres du Matabeleland de 1982 à 1987, pendant lesquels tombèrent ou furent torturés des dizaines de milliers de personnes (des chiffres qui relativisent les pertes causées par l'armée rhodésienne lors de la "Bush War" de 1965 à 1979), un simulacre d'élections en 1990, l'assassinat et la torture d'agriculteurs blancs dépouillés de leurs exploitations, résultant en des famines que la population noire n'avait jamais connues jusqu'alors, la neutralisation plus ou moins musclée des opposants politiques, etc.).

Mais… bref, pas de quoi fouetter… un chat, comme le révèle le silence des élites intellectuelles bien-pensantes qui avaient été beaucoup plus audibles avant 1980, et qui le restèrent en ce qui concerne l'Afrique du Sud jusqu'en 1994. (On relèvera au passage que ce dernier pays, gouverné à l'heure actuelle par un président polygame et où un bon tiers des femmes ont été victimes de violences sexuelles en tous genres, n'est peut-être pas, par les temps qui courent, un paradis féministe.)

Au Zimbabwe, donc, Robert Mugabe accorda l'honneur à Grace Marufu (elle-même encore mariée) de lui donner deux enfants pendant que son épouse, Sally, se mourait d'un cancer, au prix, toutefois, d'épuisants allers et retours entre l'unité de soins palliatifs et la maternité. Il faut lui rendre cet hommage : contrairement à son homologue zoulou, il sait que si un vrai monarque, pieux catholique de surcroît, peut avoir des favorites, il n'a droit qu'à une seule reine à la fois. Il eut d'ailleurs la noblesse d'attendre 4 ans après le décès de Sally en 1992 pour convoler en secondes noces -célébrées, cela va de soi, par un prêtre.

Un homme de principes.

Et alors que l'on évoque le premier anniversaire du décès du grand démocrate Nelson Mandela, dans la foulée de la triomphale réélection du président Mugabe à la tête du parti au pouvoir (ZANU-PF), sa tendre épouse actuelle vient d'être élue présidente de son aile féminine. On l'aura compris, madame Grace Mugabe est un symbole d'espoir, un modèle, pour les Zimbabwéennes, ayant fait ses preuves comme femme d'affaires, notamment en s'appropriant les fermes d'agriculteurs blancs "nationalisées", en dépensant 120 000$ lors d'un voyage à Paris; en outre, seule une femme de caractère peut tabasser un photographe qui a l'audace de la prendre en photo lors d'achats dans une boutique de luxe à Hong Kong.

Mais voici la pièce de résistance.

Elle a obtenu un doctorat en sociologie de l'université du Zimbabwe, et a reçu lors de la collation des grades en septembre dernier son parchemin des mains du chancelier, Robert Mugabe, comme naguère Joséphine sa couronne de Napoléon.

On s'étonne cependant de ne pas entendre les félicitations des universitaires du monde entier. Sans doute parce que, nul n'a encore eu le temps de lire (et de comprendre) sa thèse de 1450 pages (sans compter les renvois) probablement consacrée à la genèse des théories de Durkheim. Si l'on relève qu'elle n'a été inscrite à la faculté que 2 ou 3 mois, Simone de Beauvoir fait pâle figure aux côtés du docteur (pardon, de la docteure) Grace Mugabe.

D'aucuns pensent que cette intellectuelle accomplie est maintenant la mieux placée pour succéder à son époux comptant 90 printemps. Il est difficile d'en douter, vu ses prouesses scientifiques, même si, en principe, la vice-présidente, qui vient d'être limogée, Joice "Spill Blood" Mujuru était jusqu'à récemment la dauphine désignée (quoique rivale du ministre de la Justice, Emmerson "The Crocodile" Mnangagwa); hélas, elle aurait comploté l'assassinat de son président, une accusation dont le sérieux est confirmé par la révélation qu'il était question de recours à la sorcellerie.

D'une manière ou d'une autre, l'ex-Rhodésie reste entre de bonnes griffes. Il n'y pas que le SIDA qui y soit transmissible sexuellement depuis 1980, mais le pouvoir politique.

Le sort de millions de Zimbabwéens, et surtout de Zimbabwéennes, est scellé.

LP

No comments:

Post a Comment