Wednesday, May 10, 2023

À Saint-Denis (France) : Sera-ce le lycée “Angela Davis” ou “Rosa Parks”?

 

Le 10 mai 2023.

No Good Deed Goes Unpunished
(So Shines a Good Deed in a Naughty World)
- Franklin P. Adams.

Le fait qu'aucun Etat d'Europe occidentale n'ait été en mesure d'assurer la défense des droits élémentaires du peuple juif et de le protéger contre la violence des bourreaux fascistes explique les aspirations des juifs à établir leur propre Etat. Il serait injuste de ne pas en tenir compte et de nier le droit du peuple juif de réaliser cette aspiration.
- Discours prononcé par le ministre soviétique des Affaires étrangères Andrei Gromyko devant le Conseil spécial de l'ONU Comité sur la Palestine (14 mai 1947).
 

Une polémique fait rage en Seine-Saint-Denis (93) au sujet du nom que devra porter officiellement l’actuel “Lycée de la Plaine”. Pour l’instant, il ne porte qu’officieusement le nom de l’icône américaine de la lutte pour les droits civiques, Angela Davis, mais ce choix des autorités locales irrite la présidente du conseil régional d'Île-de-France, Valérie Pécresse, qui aura le dernier mot en la matière; elle propose plutôt “Rosa Parks”.

Il est exact que Mme Davis fut persécutée par l’Etat américain pour ses opinions politiques. La disciple de Marcuse perdit son poste de professeure à l’université de Californie sur ordre du gouverneur Ronald Reagan en raison de son appartenance au parti communiste; son appartenance aux Black Panthers lui fut aussi reprochée.

(À noter que certains de leur membres patrouillaient leurs quartiers munis d’armes à feu en toute légalité; détail piquant, vu la récente actualité américaine, ce “non sens” (sic) incita le gouverneur Reagan à faire adopter vers 1967 une des premières lois de contrôle des armes en Californie, lois en vigueur depuis des décennies dans de nombreux états du Deep South, mais visant exclusivement les Noirs... )

Davis a aussi pleinement droit à la qualité de prisonnière politique car elle fut incarcérée dans l’attente de son procès pénal lorsqu’elle dut répondre à des accusations mensongères de complicité dans l’affaire du meurtre d’un juge californien. Ce procès résulta en 1972 en un acquittement, hypocritement invoqué par la communauté redneck pour soutenir que le système judiciaire marche après tout, ce à quoi Mme Davis répondit, avec justesse : “A fair trial would have been no trial”.

Le ministre français de l’éducation, Pap N’Diaye, a décliné l’invitation à intervenir lancée par Mme Pécresse, notant, correctement, que cette question ne relevait pas de sa compétence.

D’une part, il signale toutefois, toujours correctement, que des lieux publics peuvent porter le nom de personnalités controversées, loin de faire l’unanimité. Le ministre souligne en outre l'attachement profond” pour la France d'Angela Davis, dont le séjour à Paris en 1963 fut décisif dans son engagement politique ultérieur” (sic).

D’autre part, Mme Pécresse estime malséantes les accusations de racisme lancée contre la France par Mme Davis, laquelle, il est vrai, a montré son ignorance crasse de la notion de laïcité en voyant (ou feignant de voir) dans celle-ci une attitude hostile aux Musulmans, alors qu’elle vise au contraire notamment à protéger des femmes orientales de la tyrannie religieuse (une tautologie) trop souvent imposée par des familles arriérées et inadaptées; on pense en particulier à la geôle textile qu’est le voile islamiste.

Cela dit, il semble que tant le ministre, éminent spécialiste de l'histoire sociale des États-Unis et des minorités, que la présidente font abstraction des éléments quelque peu plus discutables du parcours de Mme Davis.

Si est admirable son action sociale en faveur des laissés pour compte aux Etats-Unis, à l’occasion, elle n’a jamais hésité à faire la promotion de la violence comme solution aux problèmes sociaux de l’Amérique, ou plus récemment de la Palestine, prenant ainsi quelques distances avec la démarche de Martin Luther King.

Avec Mme Davis, il y a 2 poids 2 mesures en matière de lutte contre l’oppression. On parle beaucoup, à bon droit (n’en déplaise à l’Aryen honoraire Eric Zemmour), de repentance en ce qui concerne le racisme et le colonialisme à la française. Cela dit, Mme Davis demeure une marxiste impénitente, apparemment peu impressionnée par les horreurs staliniennes. Son soutien aux dictatures communistes (une autre tautologie), quoique peu bienveillantes envers les personnes plus ou moins basanées, n’a jamais fléchi. Le sort des prisonniers politiques en Europe de l’Est n’a jamais suscité sa vindicte au sujet du système judiciaire soviétique, qui comportait des lacunes sur le plan des droits de la défense.

Est particulièrement instructive cette déclaration datant de 1972 : “The situation of Jews in Russia has been totally blown out of proportion by the bourgeois press because they’re going to do everything they can to discredit socialism.'”. Il y a mieux.

Ou pire.

Peu après son acquittement, l’avocat Alan Dershowitz (par la suite défenseur de Claus von Bülow et de O.J. Simpson), qui l’avait soutenue, avait sollicité un modeste retour d’ascenseur, c’est-à-dire son intervention auprès des autorités soviétiques en faveur de dissidents juifs. Il fut vertement éconduit en ces termes : 

“Several days later, I received a call back from Ms. Davis’ secretary informing me that Davis had looked into the people on my list and none were political prisoners. ‘They are all Zionist fascists (apparemment une tautologie dans l’esprit de Mme Davis) and opponents of socialism.’ Davis would urge that they be kept in prison where they belonged.”

Noble “engagement politique ultérieur”, en effet.

Mme Davis ignorait superbement les panthères noires d'Israël, mouvement fondé en 1971 par les juifs mizrahim, au teint parfois plus hâlé que celui des citoyens ashkénazes, sur le modèle du parti éponyme américain, qui prôna le dialogue avec les Palestiniens.

On invitera les professeurs d’anglais du lycée en cause à lire le livre d’Alan Dershowitz, “Chutzpah” et au besoin de traduire cet édifiant extrait (et les citations) à leurs collègues, surtout au dirlo, qui nourrira leur réflexion. (Pour Chutzpah, mot yiddich, on consultera  Wikipedia).

Sous réserve d’autres suggestions, somme toute, il est permis de conjecturer que nul ne sera déshonoré d’étudier, ou d’enseigner, au lycée Rosa Parks.

LP

 


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