Sunday, December 31, 2023

Friday, December 1, 2023

Disparition du grand vizir centenaire Henry Kissinger.

Le 1er décembre 2023.

Peace is at hand.
Henry Kissinger (1972).
 
We want to help, not undermine you. You did a great service to the West in overthrowing Allende.
Henry Kissinger à Pinochet (1976).
 
Only The Good Die Young.
Billy Joel.

 

Evidemment, n’étant pas un Américain “natural born”, ce réfugié ayant fui la tyrannie nazie ne pouvait prétendre devenir un jour calife à la place du calife, mais on peut quand même voir en lui le digne disciple d’Iznogoud, au service d’un souverain quelque peu plus sinistre que Haroun El Poussah.

 

Il est inutile de rappeler ici les faits historiques bien connus quant à son rôle dans la détente pendant la guerre froide, mais vu la philosophie à géométrie variable de celui qui fuit le nazisme en 1938 en matière de droit (national et international), la transparence (la publication des “Pentagon Papers” par Daniel Ellsberg n’emporta pas sa claire approbation) et les droits de l’homme en général, il n’est pas étonnant qu’il fut le modèle du glacial et germanique “Doctor Strangelove”. On retiendra notamment sa planification du coup d’état au Chili et donc de l’élimination, avec extrême préjudice, du président démocratiquement élu Salvador Allende en 1973 (qui aboutit à une sanglante dictature). Détail piquant, le (très antisémite) président Nixon, élu notamment sur le thème de la “Vietnamisation”, ordonna aussi les bombardements du Cambodge et du Laos (où l’“agent orange” n’avait que peu à voir avec le Grand Marnier qu’il savourait avec le gratin washingtonien).

 

Il faut admettre, avec Mr. K., que des élections libres donnent des résultats parfois irritants. Tel fut le cas avec la victoire électorale de Sheikh Mujibur Rahman, chef de la “East Pakistani nationalist Awami League (AL) en 1970, qui donnait à ce nationaliste bengali en principe le droit de gouverner tout le Pakistan. Au Pakistan occidental, Yahia Khan refusa de se plier au verdict des urnes et une guerre s’ensuivit; la libre Amérique fournit en armes les troupes pakistanaises qui se livrèrent à un génocide en règle : massacres, viols, etc. bref, la routine...

 

(Mais baste! Même le Maroc, par exemple, soutint alors le Pakistan au nom de l’hégémonie islamique mise en péril par ces insolents rebelles bengalis...)

 

Son amitié pour la Chine communiste totalitaire resta indéfectible.

 

Une riche carrière au service de l’Etat, et de certains états; son juteux carnet d’adresses profita à “Kissinger Associates” (une désignation qui évoque un “Syndicate”...)

 

Christopher Hitchens notamment le qualifia de criminel de guerre et, de fait, sa liberté de circulation à travers le monde dut être soigneusement planifiée par son agent de voyage afin d’éviter une désagréable arrestation, notamment en France. Fut de bon conseil à ce sujet son disciple, Augusto Pinochet.

 

Alors, Kissinger, grand vizir, ou Kaiserjude?

 

De toute manière, Henry a gagné son aller simple pour Jahannam, ou la géhenne. Au choix. Qu’il brûle pour l’éternité chez Satan. He will love the smell of napalm...

 

LP

Saturday, November 25, 2023

L'assassinat de JFK : Radio-Canada décode.

Le 25 novembre 2023.

 
I haven’t shot anybody, I am just a patsy.
Lee Harvey Oswald.
 
Chacun son métier, les vaches seront bien gardées.
Jean de La Fontaine.

En notre époque de fake news, des émissions comme “Les décrypteurs” sont d’une grande utilité. Mais hélas, les décrypteurs de bonne volonté peuvent se transformer en "en"crypteurs. Tel fut le cas à l’occasion d’un segment diffusé le 18 novembre dernier consacré à l’assassinat du président Johm F. Kennedy, où les présentateurs, Jeff Yates et Alexis de Lancer, ont fait des pieds et des mains pour discréditer la thèse du complot.

Précisons que les rumeurs selon lesquelles JFK, Sr. et JFK, Jr sont toujours en vie, ainsi qu’Elvis, appellent, sans aucun doute, un certain scepticisme. Par contre, les complots politiques, parfois mortels, sont une réalité confirmée depuis des millénaires : Jules César confirmerait. Quelques exemples un peu plus récents : les tentatives d’assassinat contre De Gaulle; l’assassinat du sénateur Grigoris Lambrakis en Grèce par la gendarmerie nationale le 27 mai 1963; de Benigno Aquino le 21 août 1983 par le dictateur Ferdinand Marcos aux Philippines; le coup d’Etat ourdi par la CIA qui a renversé le président Allende au Chili en 1973, etc.. 

 

Alors quid du président Kennedy?

 

Première maladresse de M. Yates : il qualifie John Connally de "sénateur" du Texas, alors qu’il était gouverneur. Les documentalistes de Radio-Canada doivent en prendre pour leur grade.

 

Puis, en ce qui concerne la tentative d’assassinat du général Edwin Walker, activiste d’extrême-droite, du 10 avril 1963, M. Yates a présenté comme un fait établi la culpabilité dOswald alors qu’aucune source policière indépendante ne s’était prononcée en ce sens. Ce “fait”, “magique” (comme une certaine balle) ne fut invoqué que par la seule commission Warren, dont la propre crédibilité est, précisément, en cause. Un raisonnement circulaire.

 

Mais le comble est que M. Yates a déclaré, avec aplomb, que, pour la police de Dallas, la culpabilité d’Oswald était établie par des preuves accablantes le soir même du 22 novembre. Sans tests ballistiques, scientifiques, rien. Une affirmation émanant d’une source plus qu’intéressée. Un autre exemple de raisonnement circulaire. En effet, l’assassinat providentiel du présumé tueur Oswald par le truand Jack Ruby, dans les locaux même de la police, rend plus que probable la propre (si l’on ose dire) participation de celle-ci à l’élimination du président. À moins, évidemment, de prêter foi à la thèse, censée être beaucoup moins farfelue, portant que le sentimental Ruby, a commis son geste sponte sua afin d’épargner à la pauvre veuve éplorée Jacquie la douleur d’un procès. En effet, sont notoires les propriétaires de “strip joints” pour leur incurable sentimentalisme “fleur bleue”. Surtout quand ils sont étroitement liés à deux institutions (d’ailleurs connues pour leur porosité) : la pègre et une police corrompue jusqu’à l’os et infiltrée par le Ku Klux Klan.

 

On notera aussi l’intervention dans l’émission en question de la professeure Karine Prémont, de l’université de Sherbrooke. Elle soutint alors, pour nier implicitement la possibilité du complot, que 98% des documents relatifs à l'assassinat de JFK ont été rendus publics. Cette éminente universitaire a omis de précisé qu’ils sont très caviardés et il y a regrettable confusion entre la quantité et la qualité.

 

Quant aux possibles commanditaires, on ne peut exclure aucun scénario, mais quiconque prétend s’exprimer au sujet de la tragédie du 22 novembre 1963 doit commencer par le commencement :  compulser le magistral livre de Mark Lane : “Rush to Judgment: A Critique of the Warren Commission's Inquiry into the Murders of President John F. Kennedy, Officer J.D. Tippit and Lee Harvey Oswald. Aussi fascinant qu’un roman policier, sauf qu’on est dans le vécu. Chose remarquable, l’auteur n’apporte aucun élément externe et ne désigne aucun coupable : il décortique méticuleusement, rationnellement, sobrement, le rapport Warren “tel quel”, sans en sortir, en en faisant ressortir les incohérences et les absurdités : ce torchon se démolit lui-même. Mark Lane se borne à constater que la culpabilité d’Oswald, au minimum comme tireur unique, était une impossibilité matérielle. 

 

Même si le FBI et surtout la commission Warren ne faisaient pas partie du complot de l’assassinat à proprement (si l’on ose dire) parler, il y eut complot du silence par la suite. Ils ont dit ce que tout le monde voulait entendre, sur ordre du président Lyndon Johnson (qui n'a d’ailleurs jamais cru à la thèse du tireur unique). En 1963-1964, dans l’encore innocente Amérique pré-Watergate, les politiciens ne mentaient pas, les policiers, tous disciples du preux Eliot Ness au petit écran, ne commettaient pas de crimes... 

 

En fait, la preuve la plus spectaculaire du non-sens de la déjection pondue par la commission Warren est qu’un parfait crétin comme Gerald Ford y siégeait.  Pour citer le suave Texan Lyndon B. Johnson : “Gerald Ford played football without a helmet for too long and he is so dumb he can't fart and chew gum at the same time." 

 

(N.B. Cette citation fut ainsi édulcorée par les médias au nom de la décence : “(Ford) can’t walk and chew gum at the same time.” Un triste exemple de désinformation...)

 

En conclusion, on saurait trop recommander l’émission “Les décrypteurs” sur le plan de l’information technologique : de chevronnés experts, mais habiles vulgarisateurs y savent dénoncer, par des analyses d’une impressionnante finesse, avec rigueur, avec brio, les sournois et insidieux pièges informatiques qui polluent l’esprit du consommateur et troublent l’agora. Cela dit, en matière historique et de techniques policières, il y a du travail.

 

LP

 

Friday, November 17, 2023

Les éminences grises qui ont du flair au Canada et en Argentine.

 Le 17 novembre 2023.

 
Plus je vois les hommes, plus j’admire les chiens.
Madame de Sévigné.
 
“Z’avez pas vu Mirza?”
- Nino Ferrer.
 

La planète est riche en personnalités politiques hors du commun. Se sont particulièrement illustrés Donald Trump et Jair Bolsonaro; ils ont fait leurs preuves.

Vient s’ajouter le candidat à l’élection présidentielle Argentine Javier Milei, qui semble avoir de bonnes chances de l’emporter au deuxième tour de dimanche prochain,. Économiste ultralibéral, il se qualifie d’anarcho-capitaliste, et prône, par exemple, la dollarisation de l’économie, l’abolition de la banque centrale, etc..

A noter que c’est le Christ en personne (de concert avec les deux autres?) qui lui a confié sa mission : devenir “el presidente”, ce qui ne l’empêche pas d’avoir été tenté par une conversion au judaïsme, à laquelle il a finalement renoncé vu les contraintes du Shabbat, peu compatibles avec les pressions de la fonction présidentielle (incidemment, on ne sait pas si cette démarche aurait appelé en l'espèce la délicate intervention préalable d’un urologue).

En tout état de cause, Notre Seigneur a eu recours à un canal de transmission ingénieux : Conan, son chien adoré, décédé en 2018. Que l’électeur argentin se rassure : Meili continue à le consulter depuis régulièrement : la mort ne saurait interrompre des liens affectifs aussi forts avec le compagnon qu’il abreuvait de son vivant de champagne et qu’il traitait comme un membre de la famille à part entière, un fils de substitution. Ses chiens, tant défunts que vivants, sont d’ailleurs ses conseillers en matière de stratégie politique, les meilleurs du monde, selon ses propres termes. On l’aura compris.

Tout cela est fort rationnel si l’on considère que Milei suit une recette bien éprouvée : il est le digne disciple d’un homme politique de l’hémisphère nord : Mackenzie King, premier ministre canadien de 1921 à 1948 (pendant trois mandats non-consécutifs). Les ressemblances sont trop frappantes pour n’être que simples coïncidences.

Comme Milei, King était un célibataire endurci et plutôt misanthrope. Il adopta un terrier irlandais qu’il baptisa affectueusement du nom de “Pat”; il lui faisait d’édifiantes lectures et était convaincu que l’esprit de sa défunte mère habitait cette enveloppe canine. Lors d’une maladie en 1940, King dut reporter une réunion du cabinet de guerre afin de prodiguer les soins nécessaires à son plus proche conseiller quadripédique. Lors du trépas de son bien-aimé clébard, le premier ministre entonna le cantique “Safe in the Arms of Jesus”.

Il y eut une succession de “Pats”, mais, à son tour, King resta lui-même fidèle à ses petits canidés disparus, ayant pris la saine habitude de solliciter, par boule de cristal, leurs judicieux conseils concernant les grands enjeux politiques du pays. Quant aux toutous bien vivants, ils savaient s’exprimer directement au sujet des nouvelles de l’heure par le frétillement modulé de leur queue.

De là à conclure que Mackenzie King s’est réincarné chez Milei, il n’y a qu’un pas, et même une papatte.

Impossible de nier désormais l’évidence : dans les deux hémisphères, on sait que Médor est le meilleur ami de l’homme politique célibataire.

LP

 

Sunday, October 15, 2023

“Liberté” d’expression en France : la langue fourchue de Gérald Darmanin.

Le 15 octobre 2023.

Chaque fois qu'une voix libre s'essaiera de dire, sans prétention, ce qu'elle pense, une armée de chiens de garde de tout poil et de toute couleur aboiera furieusement pour couvrir son écho.
- Albert Camus.

Jeudi matin dernier, le ministre de l’intérieur faisait cette déclaration de simple bon sens en ce qui concerne les demandes de manifestations d’associations pro-palestiniennes : 

“Si c'est pour la cause palestinienne, c’est une cause respectable. D’ailleurs la France a toujours considéré et je considère qu’il faut deux états, un israélien et un palestinien. Mais si c’est une manifestation de soutien au Hamas, ou de soutien à l’action qu’ont faite une partie des Palestiniens contre Israël, c’est non".

Manifestement, à l’intérieur de son crâne, il avait l’esprit encore embrumé de sommeil, n’ayant pas eu le temps de prendre son petit café, car, en fin d’après-midi, il renversait la vapeur et donnait l’ordre d’interdire toutes les manifestations propalestiniennes prévues pour le lendemain! La cause n’était donc plus respectable et elles étaient devenues (par sortilège maléfique d’un djinn sorti de sa lampe?), “susceptibles de générer des troubles à l’ordre public”. Avant même cette consigne, l’autorité judiciaire avait d’ailleurs systématiquement interdit de telles manifestation en France, refusant chaque fois de constater “une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d’expression, de réunion et de manifestation” vu les “risques de violence”.

Deux poids, sans mesures : l’amalgame était ainsi fait entre le Hamas et la totalité de la population civile palestinienne, en dépit, notamment, des objurgations du président américain Biden : 

“We can't lose sight of the fact that the overwhelming majority of Palestinians had nothing to do with Hamas, and Hamas's appalling attacks. And they're suffering as a result as well.”

(On notera que les manifestants, prétendus “fauteurs de trouble”, qui ont bravé ces interdictions, l’ont fait pacifiquement, ce qui a évidemment mis en rage le prophète de malheur et prétendant au trône de Macron premier, Darmanin).

Les observateurs nord-américains qui s’étonneront de la docilité des tribunaux administratifs français face à une flagrante violation de la liberté d’expression se souviendront que, en matière de libertés publiques, ce pays est très retardataire et peu voltairien; nul n’est prophète en son pays. En outre (et on ne le répétera jamais assez), la France est la patrie du juge Fabrice Burgaud, d’Alain Mafart et de Dominique Prieur, et des suicidés maladroits qui ont besoin de 5 balles.

Ce même vendredi, sur l’autre rive de l’Océan atlantique, au Québec, quel contraste. Le ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, et la ministre de l’Enseignement supérieur, Pascale Déry, ont reconnu l’évidence : le droit des partisans de la cause palestinienne à manifester librement, tant qu’il n’y a pas incitation à la haine et à la violence.

Et nul drapeau du Hamas ne fut brandi à Montréal.

Qui dit mieux?

Mais si seulement la ministre des affaires étrangères canadienne Mélanie “Clint” Joly avait pu darder de son regard au laser (qui a récemment foudroyé son homologue chinois) le chef du Hamas, Ali Qadi... Le cours de l’histoire en eût été changé.

LP

 

Tuesday, October 10, 2023

Avant-goût d’apocalypse à Gaza.

 Le 10 octobre 2023.

Le processus de paix ressemble à une nuit de noces dans un champ de mines.
- Shimon Peres.
 
Dis : Ainsi parle le Seigneur : Les cadavres des hommes tomberont sur la face de la terre comme du fumier, et comme les javelles derrière le moissonneur, et il n'y aura personne pour les relever.
- Jérémie 9 : 22. 


Samson dit : Que je meure avec les Philistins!
- Juges 16 : 30.

Il n’y a pas de guerre propre, et le terrorisme apporte sa petite touche d’horreur supplémentaire aux conflits.

L’armée israélienne avait déplacé de nombreux pions de la bande de Gaza vers la Cisjordanie afin d’y prêter main-forte aux colons messianiques. On ne peut pas être à l’eau et au moulin.

Samedi dernier, le Hamas a profité de la brèche pour mener son attaque contre Israël. Les victimes des terroristes (ce serait un répugnant abus de langage de parler de “combattants”) sont surtout des civils; même les enfants et nourrissons deviennent des otages, capturés chez les familles kibboutzniks animées par des idéaux progressistes et comprenant mieux les souffrances des Palestiniens. Est particulièrement révélateur le massacre perpétré de sang froid au festival musical de Réim : 250 morts parmi les jeunes participants. La métaphore du chef des jeunesses hitlériennes, Baldur von Schirach, qui se vantait de sortir son pistolet au seul son du mot “culture”, est devenue réalité.

Cela dit, le ministre de la défense israélien de la défense Yoav Gallant décrète un blocus complet sur le township de Gaza : pas d’électricité, pas de nourriture, pas d’eau, pas de gaz pour toute la population. Cette mesure s’inscrit dans une classique et chirurgicale stratégie de représailles, qui constitue, incidemment, la meilleure publicité pour le Hamas dans ses campagnes de recrutement du Hamas chez les jeunes Gazaouis désoeuvrés; rien de mieux pour regarnir son stock de chair à canon. Le ministre justifie ainsi cette décision:  “Nous combattons des animaux”.

Il faut croire que cette catégorie englobe les 2,3 millions de Gazaouis englués dans ce cloaque à ciel ouvert.

Bien sûr, le Hamas est l’entreprise religieuse upstart, le Frankenstein soutenu à ses débuts par Israël, selon l’adage “diviser pour mieux régner”, afin de concurrencer et affaiblir la plus laïque OLP de Yasser Arafat de jadis : il était alors impensable de négocier avec des “terroristes”... Mais il serait malséant d’y puiser aujourd’hui une consolation, ou un argument quelconque.

Il est des sinistres jeux d’échecs politiques qui ne font que des perdants. La partie continue. Mais il y a une lueur d’espoir au bout des tunnels de Gaza.

Ramzan Kadyrov, président de la république tchétchène, lance un émouvant appel à l’arrêt de la guerre et se déclare prêt à dépêcher une force de maintien de la paix en Palestine.

LP

Tuesday, September 26, 2023

Justin Trudeau, le grand Mamamouchi canadien.

Le 26 septembre 2023.

 

Les affaires sont les affaires.
- Pièce de théâtre d’Octave Mirbeau.
 
Canada is back!
- Justin Trudeau.
 

L’élimination, avec extrême préjudice, d’opposants politiques, en exil ou au pays, orchestrée par les plus hautes autorités étatiques, est une vieille tradition. Quelques exemples en vrac.

Trotski eu le crâne fracassé au piolet à Mexico sur ordre du petit père des peoples Staline en 1940; le sénateur grec Lambrakis en 1963; l’ex-ministre de la défense de Salvador Allende, Orlando Letelier, désintégré dans sa voiture piégée en 1976 à Washington; Ninoy Aquino abattu à l’aéroport de Manille en 1983; Jamal Khashoggi, interrogé, torturé, puis découpé en pièces détachées dans l’ambassade saoudienne à Istanboul par un médecin ayant une interprétation très personnelle du serment d’Hypocrate, lesquelles finirent dissoutes dans l’acide.

On signalera aussi l’attaque terroriste de 1985 visant le navire Rainbow Warrior en Nouvelle-Zélande, approuvée personnellement le président français François Mitterand; une affaire qui aurait pu servir de matériau comique à la saga parodique OSS 117 (surtout qu’elle fut baptisée “Opération Satanique", sans rire), n’eût été la noyade du photographe Fernando Peirera. Souvenir, souvenirs...

Et voilà que le paisible et gentil Canada, semblerait devenir le théâtre d’un règlement de comptes politiques exotiques : il est annoncé que Hardeep Singh Nijjar, activiste sikh faisant la promotion du Khalistan, aurait été assassiné en Colombie-Britannique en juin dernier sur ordre du gouvernement indien. 

(Allégations fort étonnantes à première vue : l’Inde est dirigée par un premier ministre hindou, Narendra Modi, dont l’oecuménisme envers les minorités sikh, musulmanes et chrétiennes n’est plus à démontrer, qui lui a sans doute valu de recevoir le 14 juillet dernier du président français Macron la grand-croix de la Légion d'honneur, rien que ça).

La chose était sur le point d’être dévoilée par les médias suite à des fuites, on ne saurait reprocher au premier ministre canadien, Justin, fils de Pierre, Trudeau, d’avoir pris les devants en la rendant lui-même publique, mais il est permis de subodorer une instrumentalisation par son choix, comme tribune, de la chambre des communes, histoire de se donner l’aura d’un chef d’État, surtout quand les sondages sont défavorables. On reconnaît l’ex-professeur d’art dramatique au secondaire sachant ménager ses effets (et voir plus bas à ce sujet).

Mais il est permis de conjecturer que l’indignation canadienne finira par s’estomper : un marché économique de 1,4 milliards d’habitants, ça ne se trouve pas sous le pas d’un cheval. A signaler les réactions timides et mesurées de la communauté internationale... Pas de précipitation. On veut des preuves...

Faut-il rappeler que le président américain Joe Biden fit un chaleureux poing-à-poing (“fist bump” en v.o.) avec son allié saoudien Mohammed Ben Salman?

Là encore, est emblématique l’affaire Rainbow Warrior.

Suite à la condamnation du commandant Alain Mafart et de la capitaine Dominique Prieur à 10 ans de prison, la Nouvelle-Zélande, en raison de fortes pressions de nature économique, conclut un accord prévoyant le transfert des deux tueurs sur l'atoll de Hao en Polynésie française où ils devaient occuper un poste de gratte-papier pendant quelques années. Mais ils furent rapidement rapatriés en métropole. D’abord la grossesse de Prieur: ce que l’on appelle en principe un “heureux événement” fut alors qualifiée, par le premier ministre Chirac (le bien connu amateur de tête de veau) de “graves raisons familiales”, alors que les Polynésiennes accouchent depuis des millénaires dans le Pacifique. Quant au pauvre Mafart, il devait faire soigner ses maux d’estomac, et, manifestement, on ne pouvait confier son délicat tube digestif aux soins des ignares gastro-entérologues de Papeete. Au final, pour assurer ses ventes de beurre en Europe, et en mettre plus dans ses propres épinards, les Kiwis ne déchirèrent pas leur chemise et firent preuve de realpolitik, laquelle l’emporte toujours. Et les spadassins français firent de très belles carrières; en 1991, Mafart fut même fait chevalier dans l'ordre national du Mérite pour bons et loyaux services rendus à la patrie. Qui dit mieux?

(Rappel pour les caves : nous sommes au pays du juge Fabrice Burgaud).

A fortiori, le premier ministre Narendra Modi et ses patriotiques sbires sont peu susceptibles d’être impressionnés par les gesticulations de Justin le petit. A moins, bien sûr, que sa ministre des affaires étrangères, Mélanie “Clint” Joly, puisse les rencontrer en personne et les menacer du regard.

Par ailleurs, le président de la chambre des communes du parlement canadien, Anthony Rota, présente ce lundi ses excuses pour avoir fait ovationner vendredi dernier, par erreur, en présence du président ukrainien, un grand Canadien, Yaroslav Hunka, ancient SS ukrainien résidant dans sa circonscription. Deux jours avant Yom Kippour, il fallait le faire. Only in Canada. L'ambassadeur polonais au Canada, Witold Dzielski évoque de possibles lacunes en matière de culture générale.

Laissons le dernier mot à un homme de lettres qui s'est illustré dans le roman d’espionnage impeccablement documenté, et candidat malheureux à l’admission à l’Académie française, le regretté Gérard de Villiers, qui faisait une sobre appréciation du Canada au temps de la guerre froide, toujours d’actualité mutatis mutandis.

Les Canadiens ne peuvent faire la différence entre un espion soviétique et un ours polaire.

LP


Tuesday, September 12, 2023

Les commémorations des 11 septembre.

Le 12 septembre 2023. 

Certain basics about human nature do not change. Man needs a certain moral sense of right and wrong. There is such a thing called evil.
- Henry Kissinger.

C’est dans le recueillement que les Etats-Unis se sont solennellement souvenus de la tragédie du 11 septembre 2001, jour où furent assassinées par Osama Binladen 2763 personnes, sans oublier, en outre, notamment, les secouristes malades, dont le parcours du combattant afin d’obtenir des indemnisations et des soins est loin d’être terminé. La procédurite, c’est aussi ça l’Amérique : les cancéreux, même héroïques, qui vomissent leurs lambeaux de poumons ensanglantés, n’impressionnent pas toujours les fonctionnaires chargés de l’instruction de leurs dossiers, et les émeuvent encore moins (cf. “Born on the 4th July”). Agiter les drapeaux et prononcer d’émouvants discours patriotiques, voilà qui obère nettement moins les finances publiques...

Dans l’hémisphère sud, le Chili, lui, s’est souvenu du 11 septembre 1973, jour où le président américain Richard Nixon et son dévoué exécuteur des basses oeuvres Henry Kissinger, mirent fin, avec extrême préjudice (à distance, évidemment), au mandat du président chilien démocratiquement élu, Salvador Allende, et instaurèrent un règne de terreur de 17 années, pendant lesquelles le Gauleiter Augusto Pinochet, put occire (ou faire “disparaître”) quelque 3200 personnes et en faire torturer environ 38 000. Mais, pour le conseiller alors chargé de la sécurité nationale (l’idole du Bangladesh depuis 1971), tel était le faible prix à payer pour protéger le territoire américain d’une imminente invasion ourdie à partir de Santiago...

Moralité : l’intensité et les modalités des conflits sont souvent fonction de la latitude et de la longitude. Les Yéménites confirmeront.

LP

 

Sunday, August 13, 2023

Le mysticisme islamique à la sauce sénégalaise.

Le 13 août 2023.

If you tell a lie to make a person better, then that is not a sin.
- Sun Myung Moon.
 
Les mensonges qui ont vécu 40 ans doivent être considérés comme des vérités.
- Article 17 de la Charte du Mandé (ou Charte de Kouroukan Fouga) de 1236.

L’oecuménisme n’est pas une simple aspiration, il est une réalité concrète.

Les gourous dominateurs constituent le point de rencontre de tous les mouvements propageant des doctrines comportant des éléments surnaturels. Il n’y a pas que les cathos qui sont enfoncés jusqu’au cou (pour ne pas dire ailleurs...) dans les scandales sexuels.

Le Sénégal connaît ces jours-ci des scandales à répétition chez les maîtres coraniques, notamment à Keur Gol, quartier miséreux de Touba, la ville sainte de la confrérie musulmane des mourides, très influente dans ce pays. On évoque notamment plusieurs dizaines de viols commis par le Raël sénégalais, Serigne Khadim Mbacké, 34 ans, issu d’une des prestigieuses familles de ce mouvement. Le 5 juin, après une cavale de plusieurs semaines, il a été placé sous mandat de dépôt.

Une première pour les autorités judiciaires de ce pays, auxquelles l’on ne saurait reprocher un excès de zèle en matière de crimes familiaux et sexuels. (Contrairement à leurs intraitables homologues pakistanais et afghans, cela va de soi).

Et... quelle surprise. Un serviteur de Dieu respecté, aurait commis des viols (allégués) dans la maison du Seigneur même, à savoir dans une pièce de l’école coranique (pendant du presbytère/confessionnal catho) où il aurait attiré son gibier. Ces rapports intimes (allégués) imposés auraient été suivis (autre surprise) de menaces (alléguées). Selon les témoignages : 

“Chaque matin, il demandait à une élève – les garçons n’étaient pas choisis – de le suivre dans la pièce attenante à la salle de cours pour réciter des versets. Il leur faisait boire un breuvage, puis les agressait. A celles âgées de 10 ans, il imposait fellations et attouchements. Les plus âgées subissaient des viols avec pénétration. A toutes, il prétendait avoir le pouvoir mystique de savoir si elles le dénonçaient grâce à ses visions. Les plus âgées subissaient des viols avec pénétration.“

(On notera les grandes ressemblances avec les pratiques catholiques classiques, avec cette différence non négligeable : les garçons ne sont pas concernés en l’espèce).

Bien entendu, depuis que l’affaire est devenue publique, les “victimes” (alléguées) sont ostracisées et font même l’objet de menaces supplémentaires (alléguées) de la part de membres de la communauté. On tombe des nues.

(Autre détail, quant aux grossesses résultant des inoculations du maître, demeure exclu l’avortement. Le législateur sénégalais a ses priorités et ne plaisante pas avec la morale).

Pourtant ce genre d’événements ne suscite que peu d’échos chez certaines élites occidentales autoproclamées, islamo-gauchistes, comme La France Insoumise en France, ou promotrices du multiculturalisme à la canadienne. (Suite à l’agression récente de Salman Rushdie, elles ont observé un silence assourdissant). Ces bonnes âmes relativiseront et voudront y voir un complot ourdi par des xénophobes intolérants pour discréditer l’ouverture à l’altérité. Pour elles, c'est signé. Et puis, après tout, ces controverses ne sont-elles pas démesurées?

Certaines “victimes” (alléguées) de Mbacké auraient été des gamines de 8 ans? Mais puisque l'âge de nubilité est de 9 ans selon la charia, cette expérience prénuptiale est une excellente préparation sur le terrain pour le mariage, qui épargnera aux futures épouses des tâtonnements maladroits et inutiles lors de la nuit de noces, que n’apprécierait pas le jeune marié de 75 ans, éleveur (de) bovin(s) de son état, qui en veut pour son argent.

Et le viol n’est un crime au Sénégal que depuis 2020. Une loi adoptée sur un coup de tête?

La solution évidente à première vue eût été que ce saint homme épousât ses "victimes" (alléguées). Malheureusement, la charia impose une limite de 4 épouses, nettement trop restrictive.

Chose certaine, Serigne Khadim Mbacké a eu son acompte, un "à valoir", sur les 72 vierges qui l'attendent au paradis avec “les trente-six filles de Touba”. Il conserve la moitié de son capital.

Puisque les Canadiens, surtout au Québec, se sont détournés du christianisme (il faut rappeler cette regrettable corrélation statistique entre le déclin des contes et légendes et l’accès des populations à l’éducation, et donc à la pensée rationnelle), quand auront-ils enfin suffisamment de civilisatrices madrassas, financées par le contribuable au nom de l'intérêt public, pour confier à leurs bons soins leurs enfants, surtout leurs filles?

LP

Saturday, August 5, 2023

Sur la scène internationale, grand triomphe (et menus revers) de Justin Trudeau.

 Le 5 août 2023.

 

De la musique avant toute chose.
- Paul Verlaine.

 

Qui a dit que le premier ministre canadien ne peut changer les choses? Grâce à son efficace intervention, il a obtenu un succès inespéré, de nature à bouleverser la vie de l’électeur canadien lambda.

Bien sûr, cet extraordinaire développement a fait l’objet d’un consensus de la classe politique canadienne, mais il fallait un chef de gouvernement d’envergure comme “Blackface” Trudeau pour réussir à unifier les diverses forces politiques du pays autour d’un enjeu crucial.

On l’aura compris, on ne parle pas de n’importe quelle “scène” : la chanteuse américaine Taylor Swift s’est rendue aux déchirants appels de Justin et se produira finalement au Canada en 2024, dans la capitale économique du pays, Toronto. Et on ne fait pas dans la demi-mesure : il y aura 6, oui, 6 concerts.

Le prochain été n’aura rien de cruel pour les Swifties canadiens.

Cet immense succès diplomatique fait presque oublier la frustration éprouvée par le gouvernement canadien suite au récent coup d’état militaire au Niger, (“fermement” condamné, comme il se doit), sans oublier les 3 décennies d’appui financier et institutionnel consacré en pure perte à la sécurité d’Haïti.

En ce qui concerne ce dernier pays, il est permis de douter de l’efficacité d’une intervention multinationale dirigée par le Kénya comportant notamment l’envoi de 1000 policiers kényans. Trop peu, trop tard. (Incidemment, on ne peut pas dire que les interventions de ce pays en République démocratique du Congo et en Somalie aient donné des résultats particulièrement impressionnants). Le nettoyage des écuries d’Augias haïtiennes serait plutôt, en principe, une mission relevant, par exemple, du 2e régiment étranger parachutiste de la légion étrangère. À défaut, Justin doit abattre sa carte maîtresse.

Que sa ministre des affaires étrangères, Mélanie “Clint” Joly prononce une allocution télévisée destinée aux intervenants de ces deux pays. Seul son regard au laser, qui a donné des sueurs froides à son homologue chinois il y a quelques semaines, est susceptible d’y rétablir l’ordre.

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Que de charmes dans ton amour, ma soeur, ma fiancée! Comme ton amour vaut mieux que le vin, Et combien tes parfums sont plus suaves que tous les aromates!
- Cantique des Cantiques, 4:10.

Cependant, ce triomphe Justinien a été assombri, par l’annonce, qui bouleverse le monde entier (et surtout la presse pipole), de la fin du conte de fées entre l'ex-professeur d'art dramatique et roi de la glisse sur neige et son épouse, Sophie Grégoire, jadis animatrice de télévision. Après s’être copieusement mis en scène, ainsi que leurs enfants, dans leur intimité, sur les réseaux sociaux, au fil des ans, les époux en froid demandent maintenant, cela va sans dire, le respect de leur vie privée.

(Cependant, vu qu'il ne s'agit que d'une "séparation", il est toujours permis d'espérer une réconciliation).

Une consolation, on assiste à une nouvelle chronique romantique, aux Etats-Unis cette fois. Il faut avoir foi en le pouvoir de l’amour.

On apprend que Howard Hubbard, qui fut évêque d’Albany dans l’État de New York, et actuellement évêque “émérite” (sic), qui a étouffé pendant 25 ans des affaires d’abus sexuels, et qui est personnellement accusé de tels abus sur des mineurs, vient de convoler en justes noces, à l’âge de 86 ans.

On attend le numéro spécial de Gala et l’émission de Stéphane Bern.

Il faut croire que la sève remontait de manière irrépressible (que voulez-vous, il faut que jeunesse se passe) car il n’a pas attendu que le Vatican approuve son renvoi de l’état clérical, qui aurait mis fin à son obligation de célibat, sa demande ayant été suspendue en mars; il lui était conseillé de faire preuve d’un peu de patience dans l’attente de la résolution définitive des procédures judiciaires séculaires le concernant. Mais l’intéressé fait valoir que, selon son calendrier, cette conclusion pourrait arriver alors qu’il aura atteint l’âge de 91 ou 92 ans... La charité chrétienne appelle l’indulgence (au sens propre...) quant à ce manquement mineur au code de droit canonique qu’est un mariage civil, non reconnu par Notre Sainte Mère l’Église.

Élément intéressant pour un ancien prélat catholique : il a uni sa destinée avec une femme. Cela dit, on peut penser que les jeunes mariés ne feront pas face à de trop graves problèmes sur le plan de la contraception et de l’avortement et qu’ils respecteront intégralement et scrupuleusement la doctrine de l’Église en la matière.

On souhaite beaucoup de bonheur aux deux tourtereaux!

LP

 

Friday, July 28, 2023

Eric-Emmanuel Schmitt est chrétien! Qu’on se le dise!

Le 28 juillet 2023.

Fight the real enemy.
- Sinead O’Connor.

Quel extraordinaire parcours spirituel que celui de Eric-Emmanuel Schmitt, exposé dans l’édifiant entretien accordé au “Monde” le 23 juillet dernier à l’occasion de la sortie de son livre Le Défi de Jérusalem dans toutes les bonnes librairies.

Son point de départ fut l’athéisme familial. Voici la première étape de sa conversion :

Mais un jour, le jeune homme de 28 ans que j’étais est parti en voyage ; entré dans le désert athée, j’en suis ressorti croyant. Je me suis perdu pendant trente-deux heures dans les montagnes du Hoggar, et la nuit que j’ai passée sous les étoiles s’est muée en expérience mystique... Néanmoins, si cette nuit dans le désert m’a donné la foi, cette dernière n’était déposée dans aucun cadre religieux. C’était une foi en Dieu, en l’Absolu. Je suis ressorti croyant mais pas chrétien, j’avais foi dans le Dieu de toutes les religions et d’aucune en particulier.

Le Hoggar fut une amorce de chemin de Damas. Le désert est, paradoxalement, un terrain fertile en matière de mysticisme et de révélation, le terrain de jeu préféré des forces supérieures : pensons à l’Exode, à Jésus qui y fit 40 jours de jeûne (rien de tel pour stimuler les neurones) en compagnie des anges et de Satan, et à Mohamed, fondateur de l’Islam, qui y reçut de Jibrail l’odre de “réciter”. Schmitt est en bonne compagnie.

Pourtant, à ce stade, il s’en tenait à un absolu pur et simple, sans l’appareil de miracles, de récits merveilleux, etc.

Mais il n’était pas arrivé à destination.

Par la suite, il vit dans les témoignages des mystiques la confirmation de son sentiment ressenti dans le dessert. (On peut penser qu’avoir fait sa thèse de doctorat, même sur l’athée Diderot, sous l’aile de Jacques Derrida, au langage ésotérique inimitable, explique cette réceptivité...)

Puis, les choses se précisent :

Quelques années plus tard, je lis au cours d’une nuit les quatre Evangiles à la suite, ce que je n’avais jamais fait. Cela me bouleverse pour deux raisons : à mon expérience du désert venait s’ajouter l’importance de l’amour, les Evangiles nous invitant à modifier notre rapport à l’autre, lequel ne doit plus se jouer sur le mode de la peur et de l’intérêt mais de l’amour. Avant le christianisme, aucune religion n’avait eu autant d’audace. Dans le judaïsme, il s’agit de remplacer la crainte par le respect – ce qui est déjà énorme. Mais la folie du christianisme, le romantisme du christianisme, c’est de remplacer le respect par l’amour.

D’aucuns objecteront qu’une doctrine religieuse totalitaire (“celui qui n'est pas avec moi est contre moi”) n’est peut-être pas vraiment de nature à évoquer l’amour.

En outre, puisque selon la bande des 4, le Christ s’est fait homme, il a manifesté opté pour l’incarnation en un maniaco-dépressif, capable de prononcer de mièvres béatitudes un jour (ou une nuit : “mon royaume n’est pas de ce monde”), d’entrer dans une rage folle l’autre (cf. la malédiction du figuier, les marchands du Temple), et enfin d’appeler à la guerre sainte : Ne croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour ennemis les gens de sa propre maison.” (apparemment, plus question de tendre la joue gauche?). Vaste et rassurant programme, mais, sur le plan du respect, voire de l’amour (surtout familial), on a vu plus convaincant.

Schmitt ajoute, sans rire :

Je pense que les chrétiens sont des juifs sentimentaux (sic).

(Au passage, les juifs vous saluent bien, M. Schmitt).

En effet, l’histoire regorge d’exemples de sentimentalisme et d’amour chrétiens : 2000 ans de persécutions contre les juifs déicides, les bûchers de l’Inquisition, les guerres de religion opposant catholiques et protestants, les prêtres sodomites, etc.

Il poursuit :

L’autre élément qui m’interpelle, c’est que les quatre Evangiles ne racontent pas la même chose. J’y vois un facteur d’authenticité – dans un procès, les faux témoins sont toujours d’accord.

On constate ici la reprise d’un classique et spécieux argument d’ecclésiastiques qui aiment jouer à l’avocat. On répondra simplement que des témoignages fiables, rendus devant un tribunal et scrupuleusement sténographiés, seront, en substance, concordants. Rien de tel en l’espèce : plus que des divergences, des fossés inconciliables. Un simple exemple : le ministère de Jésus a-t-il duré 1, ou 3 ans? L’homme de lettres devrait consulter un avocat plaideur qui l’éclairera sur le droit processuel.

En outre, à cette époque, dans cette région du monde, des messies et évangiles, il en circulait 13 à la douzaine. Schmitt prête foi (au sale comme au figuré) à des documents relatant des soi-disant événements s’étant produits un (demi-)siècle avant leur rédaction, triés et compilés par Irénée Saint-Irénée (promu docteur de l’Eglise par le pontife François en 2022, halleluyah), dans son magistral “Contre les hérésies” (titre éminemment humaniste), écrit vers 180 de notre ère. On recommandera au dramaturge de solliciter les lumières d’un historien quant à la méthode historique, notamment à la critique externe des documents.

(Parlant de procès, celui de Jésus, Daniel-Rops disait avec aplomb : “on peut suivre les événements minute par minute”... Bien avant CNN).

Nous arrivons au (sacré)coeur de la pensée schmittesque :

J’observe que depuis que nos sociétés ne croient plus en Dieu elles croient en n’importe quoi : astrologie, numérologie, et j’en passe. Il y avait au moins une bonne chose dans la domination des Eglises chrétiennes : elles indiquaient (sic) en quoi croire – les quatre Evangiles – plutôt qu’en n’importe quoi.

(Petite rectification : il n’y a jamais eu “indication”, mais bel et bien “prescription” ou “obligation”, sous peine de la géhenne éternelle, qui englobait aussi les actes des apôtres, l’apocalypse, etc.)

Mais, en effet, ces textes journalistiques et quasi notariés exposent des faits purement historiques : résurrections, guérisons, multiplication des pains et des poissons, la fable du recensement romain qui expliquerait la naissance du messie nazaréen à Bethléem... Tout ça n’est évidemment pas “n’importe quoi”. C'est du costaud. Du philosophique.

En conclusion, il y a quand même une troublante fausse note chez le philosophe :  

 Et puisque le récit n’est pas figé, qu’il est vivant, il y a une place pour une autre lecture – la mienne –, une place pour un cinquième évangile – le mien : un évangile critique, personnel.

Sauf erreur, nous sommes en pleine hérésie protestante : la parole divine est immuable et chaque mot, chaque iota, vaut son pesant de cacahuètes, et Notre Sainte Mère l’Eglise en conserve le monopole d’interprétation.

LP

PS. NIOUZE FLACHE!

Parlant de prescriptions rituelles, on apprend que la joueuse d’échecs iranienne Sara Khadem, qui a eu l’effronterie de jouer sans porter son hijab au cours d’une compétition internationale à Almaty (Kazakhstan) en décembre 2022, au mépris de la loi de son beau pays, vient d’obtenir par faveur spéciale la nationalité espagnole, où elle a établi sa résidence. Il va sans dire que, pour ce crime inqualifiable, un mandat d’arrêt avait été promptement lancé contre cette vicelarde tentatrice. Cette naturalisation est le comble de l’insulte pour l’honneur iranien. Les vrais croyants attendent maintenant le lancement d’un mandat d’arrêt international visant aussi le premier ministre espagnol Pedro Sanchez pour entrave à la justice divine. Pour l’instant, que ce répugnant impie et sa protégée brûlent en effigie à Téhéran dans l’attente (trop longue) de leur décapitation!