Tuesday, September 26, 2023

Justin Trudeau, le grand Mamamouchi canadien.

Le 26 septembre 2023.

 

Les affaires sont les affaires.
- Pièce de théâtre d’Octave Mirbeau.
 
Canada is back!
- Justin Trudeau.
 

L’élimination, avec extrême préjudice, d’opposants politiques, en exil ou au pays, orchestrée par les plus hautes autorités étatiques, est une vieille tradition. Quelques exemples en vrac.

Trotski eu le crâne fracassé au piolet à Mexico sur ordre du petit père des peoples Staline en 1940; le sénateur grec Lambrakis en 1963; l’ex-ministre de la défense de Salvador Allende, Orlando Letelier, désintégré dans sa voiture piégée en 1976 à Washington; Ninoy Aquino abattu à l’aéroport de Manille en 1983; Jamal Khashoggi, interrogé, torturé, puis découpé en pièces détachées dans l’ambassade saoudienne à Istanboul par un médecin ayant une interprétation très personnelle du serment d’Hypocrate, lesquelles finirent dissoutes dans l’acide.

On signalera aussi l’attaque terroriste de 1985 visant le navire Rainbow Warrior en Nouvelle-Zélande, approuvée personnellement le président français François Mitterand; une affaire qui aurait pu servir de matériau comique à la saga parodique OSS 117 (surtout qu’elle fut baptisée “Opération Satanique", sans rire), n’eût été la noyade du photographe Fernando Peirera. Souvenir, souvenirs...

Et voilà que le paisible et gentil Canada, semblerait devenir le théâtre d’un règlement de comptes politiques exotiques : il est annoncé que Hardeep Singh Nijjar, activiste sikh faisant la promotion du Khalistan, aurait été assassiné en Colombie-Britannique en juin dernier sur ordre du gouvernement indien. 

(Allégations fort étonnantes à première vue : l’Inde est dirigée par un premier ministre hindou, Narendra Modi, dont l’oecuménisme envers les minorités sikh, musulmanes et chrétiennes n’est plus à démontrer, qui lui a sans doute valu de recevoir le 14 juillet dernier du président français Macron la grand-croix de la Légion d'honneur, rien que ça).

La chose était sur le point d’être dévoilée par les médias suite à des fuites, on ne saurait reprocher au premier ministre canadien, Justin, fils de Pierre, Trudeau, d’avoir pris les devants en la rendant lui-même publique, mais il est permis de subodorer une instrumentalisation par son choix, comme tribune, de la chambre des communes, histoire de se donner l’aura d’un chef d’État, surtout quand les sondages sont défavorables. On reconnaît l’ex-professeur d’art dramatique au secondaire sachant ménager ses effets (et voir plus bas à ce sujet).

Mais il est permis de conjecturer que l’indignation canadienne finira par s’estomper : un marché économique de 1,4 milliards d’habitants, ça ne se trouve pas sous le pas d’un cheval. A signaler les réactions timides et mesurées de la communauté internationale... Pas de précipitation. On veut des preuves...

Faut-il rappeler que le président américain Joe Biden fit un chaleureux poing-à-poing (“fist bump” en v.o.) avec son allié saoudien Mohammed Ben Salman?

Là encore, est emblématique l’affaire Rainbow Warrior.

Suite à la condamnation du commandant Alain Mafart et de la capitaine Dominique Prieur à 10 ans de prison, la Nouvelle-Zélande, en raison de fortes pressions de nature économique, conclut un accord prévoyant le transfert des deux tueurs sur l'atoll de Hao en Polynésie française où ils devaient occuper un poste de gratte-papier pendant quelques années. Mais ils furent rapidement rapatriés en métropole. D’abord la grossesse de Prieur: ce que l’on appelle en principe un “heureux événement” fut alors qualifiée, par le premier ministre Chirac (le bien connu amateur de tête de veau) de “graves raisons familiales”, alors que les Polynésiennes accouchent depuis des millénaires dans le Pacifique. Quant au pauvre Mafart, il devait faire soigner ses maux d’estomac, et, manifestement, on ne pouvait confier son délicat tube digestif aux soins des ignares gastro-entérologues de Papeete. Au final, pour assurer ses ventes de beurre en Europe, et en mettre plus dans ses propres épinards, les Kiwis ne déchirèrent pas leur chemise et firent preuve de realpolitik, laquelle l’emporte toujours. Et les spadassins français firent de très belles carrières; en 1991, Mafart fut même fait chevalier dans l'ordre national du Mérite pour bons et loyaux services rendus à la patrie. Qui dit mieux?

(Rappel pour les caves : nous sommes au pays du juge Fabrice Burgaud).

A fortiori, le premier ministre Narendra Modi et ses patriotiques sbires sont peu susceptibles d’être impressionnés par les gesticulations de Justin le petit. A moins, bien sûr, que sa ministre des affaires étrangères, Mélanie “Clint” Joly, puisse les rencontrer en personne et les menacer du regard.

Par ailleurs, le président de la chambre des communes du parlement canadien, Anthony Rota, présente ce lundi ses excuses pour avoir fait ovationner vendredi dernier, par erreur, en présence du président ukrainien, un grand Canadien, Yaroslav Hunka, ancient SS ukrainien résidant dans sa circonscription. Deux jours avant Yom Kippour, il fallait le faire. Only in Canada. L'ambassadeur polonais au Canada, Witold Dzielski évoque de possibles lacunes en matière de culture générale.

Laissons le dernier mot à un homme de lettres qui s'est illustré dans le roman d’espionnage impeccablement documenté, et candidat malheureux à l’admission à l’Académie française, le regretté Gérard de Villiers, qui faisait une sobre appréciation du Canada au temps de la guerre froide, toujours d’actualité mutatis mutandis.

Les Canadiens ne peuvent faire la différence entre un espion soviétique et un ours polaire.

LP


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