Le 28 juillet 2023.
Fight the real enemy.
- Sinead O’Connor.
Quel extraordinaire parcours spirituel
que celui de Eric-Emmanuel Schmitt, exposé dans l’édifiant entretien accordé au
“Monde” le 23 juillet dernier à l’occasion de la sortie de son livre “Le
Défi de Jérusalem” dans toutes les bonnes librairies.
Son point de départ fut l’athéisme
familial. Voici la première étape de sa conversion :
Mais un jour, le jeune homme de 28 ans que
j’étais est parti en voyage ; entré dans le désert athée, j’en suis
ressorti croyant. Je me suis perdu pendant trente-deux heures dans les montagnes
du Hoggar, et la nuit que j’ai passée sous les étoiles s’est muée en expérience
mystique... Néanmoins, si cette nuit dans le
désert m’a donné la foi, cette dernière n’était
déposée dans aucun cadre religieux. C’était une foi en Dieu, en l’Absolu. Je
suis ressorti croyant mais pas chrétien, j’avais foi dans le Dieu de toutes les
religions et d’aucune en particulier.
Le Hoggar fut une amorce de chemin de
Damas. Le désert est, paradoxalement, un terrain fertile en matière de mysticisme
et de révélation, le terrain de jeu préféré des forces supérieures : pensons à
l’Exode, à Jésus qui y fit 40 jours de jeûne (rien de tel pour stimuler les
neurones) en compagnie des anges et de Satan, et à Mohamed, fondateur de l’Islam,
qui y reçut de Jibrail l’odre de “réciter”. Schmitt est en bonne compagnie.
Pourtant, à ce stade, il s’en tenait
à un absolu pur et simple, sans l’appareil de miracles, de récits merveilleux, etc.
Mais il n’était pas arrivé à
destination.
Par la suite, il vit dans les témoignages
des mystiques la confirmation de son sentiment ressenti dans le dessert. (On
peut penser qu’avoir fait sa thèse de doctorat, même sur l’athée Diderot, sous
l’aile de Jacques Derrida, au langage ésotérique inimitable, explique cette réceptivité...)
Puis, les choses se précisent :.
Quelques années plus tard, je lis au cours d’une
nuit les quatre Evangiles à la suite, ce que je n’avais jamais fait. Cela me
bouleverse pour deux raisons : à mon expérience du désert venait s’ajouter
l’importance de l’amour, les Evangiles nous invitant à modifier notre rapport à
l’autre, lequel ne doit plus se jouer sur le mode de la peur et de l’intérêt
mais de l’amour. Avant le christianisme, aucune religion n’avait eu autant
d’audace. Dans le judaïsme, il s’agit de remplacer la crainte par le respect –
ce qui est déjà énorme. Mais la folie du christianisme, le romantisme du
christianisme, c’est de remplacer le respect par l’amour.
D’aucuns objecteront qu’une doctrine
religieuse totalitaire (“celui
qui n'est pas avec moi est contre moi”) n’est peut-être pas vraiment de nature à évoquer l’amour.
En outre, puisque selon la bande des
4, le Christ s’est fait homme, il a manifesté opté pour l’incarnation en un
maniaco-dépressif, capable de prononcer de mièvres béatitudes un jour (ou une
nuit : “mon royaume n’est pas de ce monde”), d’entrer dans une rage folle l’autre
(cf. la malédiction du figuier, les marchands du Temple), et enfin d’appeler à
la guerre sainte : “Ne
croyez pas que je sois venu apporter la paix sur la terre : je ne suis pas venu
apporter la paix, mais le glaive. Oui, je suis venu séparer l’homme de son
père, la fille de sa mère, la belle-fille de sa belle-mère : on aura pour
ennemis les gens de sa propre maison.” (apparemment, plus question de tendre la joue gauche?).
Vaste et rassurant programme, mais, sur le plan du respect, voire de l’amour
(surtout familial), on a vu plus convaincant.
Schmitt ajoute, sans rire :
Je pense que les chrétiens sont des juifs
sentimentaux (sic).
(Au passage, les juifs vous saluent bien,
M. Schmitt).
En effet, l’histoire regorge d’exemples
de sentimentalisme et d’amour chrétiens : 2000 ans de persécutions contre les
juifs déicides, les bûchers de l’Inquisition, les guerres de religion opposant
catholiques et protestants, les prêtres sodomites, etc.
Il poursuit :
L’autre élément qui m’interpelle, c’est que les
quatre Evangiles ne racontent pas la même chose. J’y vois un facteur
d’authenticité – dans un procès, les faux témoins sont toujours d’accord.
On constate ici la reprise d’un classique
et spécieux argument d’ecclésiastiques qui aiment jouer à l’avocat. On répondra
simplement que des témoignages fiables, rendus devant un tribunal et scrupuleusement
sténographiés, seront, en substance, concordants. Rien de tel en l’espèce : plus
que des divergences, des fossés inconciliables. Un simple exemple : le ministère de
Jésus a-t-il duré 1, ou 3 ans? L’homme de lettres devrait consulter un avocat plaideur qui l’éclairera sur le droit processuel.
En outre, à cette époque, dans cette
région du monde, des messies et évangiles, il en circulait 13 à la douzaine. Schmitt prête foi (au sale comme au figuré) à
des documents relatant des soi-disant événements s’étant produits un (demi-)siècle
avant leur rédaction, triés et compilés par Irénée Saint-Irénée (promu docteur
de l’Eglise par le pontife François en 2022, halleluyah), dans son magistral “Contre les
hérésies” (titre éminemment humaniste), écrit
vers 180 de notre ère. On recommandera au dramaturge de solliciter les lumières
d’un historien quant à la méthode historique, notamment à la critique externe
des documents.
(Parlant de procès, celui de Jésus, Daniel-Rops
disait avec aplomb : “on peut suivre les événements minute par minute”... Bien
avant CNN).
Nous arrivons au (sacré)coeur de la
pensée schmittesque :
J’observe que depuis que nos sociétés ne croient
plus en Dieu elles croient en n’importe quoi : astrologie, numérologie, et
j’en passe. Il y avait au moins une bonne chose dans la domination des Eglises
chrétiennes : elles indiquaient (sic) en quoi croire –
les quatre Evangiles – plutôt qu’en n’importe quoi.
(Petite rectification : il n’y a
jamais eu “indication”, mais bel et bien “prescription” ou “obligation”, sous
peine de la géhenne éternelle, qui englobait aussi les actes des apôtres, l’apocalypse,
etc.)
Mais, en effet, ces textes journalistiques et quasi notariés
exposent des faits purement historiques : résurrections, guérisons, multiplication
des pains et des poissons, la fable
du recensement romain qui expliquerait la naissance du messie nazaréen à
Bethléem... Tout ça n’est évidemment pas “n’importe
quoi”. C'est du costaud. Du philosophique.
En conclusion, il y a quand même une troublante
fausse note chez le philosophe :
Et puisque le récit n’est pas figé, qu’il est
vivant, il y a une place pour une autre lecture – la mienne –, une place pour
un cinquième évangile – le mien : un évangile critique, personnel.
Sauf erreur, nous sommes en pleine
hérésie protestante : la parole divine est immuable et chaque mot, chaque iota,
vaut son pesant de cacahuètes, et Notre Sainte Mère l’Eglise en conserve le
monopole d’interprétation.
LP
PS. NIOUZE FLACHE!
Parlant de prescriptions rituelles, on apprend que la
joueuse d’échecs iranienne Sara Khadem, qui a eu l’effronterie de jouer sans porter
son hijab au cours d’une compétition internationale à Almaty (Kazakhstan) en décembre 2022, au mépris
de la loi de son beau pays, vient d’obtenir par faveur spéciale la nationalité
espagnole, où elle a établi sa résidence. Il va sans dire que, pour ce crime
inqualifiable, un mandat d’arrêt avait été promptement lancé contre cette vicelarde
tentatrice. Cette naturalisation est le comble de l’insulte pour l’honneur iranien.
Les vrais croyants attendent maintenant le lancement d’un mandat d’arrêt international
visant aussi le premier ministre espagnol Pedro Sanchez pour entrave à la
justice divine. Pour l’instant, que ce répugnant impie et sa protégée brûlent en
effigie à Téhéran dans l’attente (trop longue) de leur décapitation!
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