Tuesday, November 9, 2021

“C’est juste une blague” : réponse au professeur Gérard Bouchard.

 Le 9 novembre 2021. 

Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu.

-     Marc 12, 17; Matthieu 22,21; Luc 20,25.

Dans un émouvant article publié dans “Le devoir” le 2 novembre 2021, Gérard Bouchard fait ce constat: “L’arrêt qui vient d’être rendu dans la cause Ward-Gabriel par la Cour suprême du Canada m’a estomaqué. Je n’aurais jamais cru ce temple de la sagesse capable de tels errements. À mes yeux, il a perdu beaucoup de crédit, et de très nombreux citoyens partagent sans doute mon sentiment.”

Le soussigné approuve sans réserve cette observation, mais ses motivations sont susceptibles de décevoir l’auteur.

On pardonnera volontiers à l’”historien, sociologue, écrivain” ses lacunes en matière de droit : on se souviendra que son expression “fonctionnaire en position d’autorité” est un déplorable pléonasme. Par contre, il est tout simplement scandaleux de voir dans la plus haute juridiction canadienne 4 juges sur 9 céder aux chants des sirènes du sentimentalisme, au mépris du droit. M. Ward aurait dû voir ses moyens accueillis par un arrêt unanime.

Les lecteurs du soussigné auront peut-être remarqué qu’il n’est pas toujours insensible aux charmes de l’humour noir. Cependant, il ne se permettrait jamais de se moquer d’une personnalité publique sur le fondement de son apparence physique ou de son handicap.

(Une exception notable : la vermine raciste, l’apprenti aryen Eric Zemmour, mais là encore, parce que l’apparence de ce gnome grimaçant traduit une horreur mentale; l’enveloppe charnelle de ce chantre de Pétain, mettant même en doute l’innocence d’Afred Dreyfus, abrite manifestement un dybbouk dépassant les pires cauchemards de Gershom Scholem lui-même.)

Cela dit, le professeur Bouchard, tout comme la bande des 4, sont incapables de comprendre cette vérité élémentaire : les juges ne sont pas les gardiens du bon goût et une personnalité publique doit assumer cette qualité jusqu’au bout, contre vents et marées. Il n’y aucun byzantinisme en la matière, mais le simple bon sens. En matière d’humour, presque tous les coups sont permis, à tout le moins quand la cible est une personnalité publique. On ne peut que leur recommander la lecture d’une historique jurisprudence de la Cour suprême américaine portant sur cette notion : New York Times Co. v. Sullivan, 376 U.S. 254 (1964).

Nul doute que l’“on peut difficilement aller plus loin dans le manque de décence et de sensibilité.”. Pour autant, Mike Ward est resté dans les limites du droit, tout comme Charlie-Hebdo chaque semaine en France, objet occasionnel de persécutions judiciaires (ainsi que Dieudonné), qui dénonce impitoyablement les contes de fées et les vices des religieux et politiciens, dont la dignité n’en sort pas forcément indemne.

L’indécence en l’espèce est que cette ridicule saga judiciaire, qui n’aurait jamais dû avoir eu lieu, a duré 10 ans. Mais, à quelque chose, malheur est bon : c’est une victoire pour la liberté d’expression. Très mince, cependant : les gardiens de la foi et autres inquisiteurs pourront peut-être, dans un avenir plus ou moins lointain, puiser dans l’opinion dissidente des munitions et ainsi instrumentaliser le système judiciaire dans leur impitoyable lutte contre le blasphème, sous le fallacieux prétexte de la défense de la dignité.

“Devant le tribunal populaire, celui du bon sens et du cœur, [Jérémie Gabriel] peut considérer qu’il a gagné sa cause et que le coupable va toujours porter l’odieux de la faute.” Si l’expression “tribunal populaire” est douteuse vu ses inquiétants relents maoïstes (il eût été plus judicieux de parler de “tribunal de l’opinion publique”), on abondera tout de même dans le sens de l’auguste historien sur le fond, à part le bon sens évidemment : ce tribunal a, en effet, sa propre compétence (vox populi, vox Dei), tandis que les juridictions civiles ont la leur.

C’est dans l’ordre des choses.

LP

PS. Parlant de laideur, d’indignité, d’indécence, de Dieu, et, bien sûr, de bon goût, Mgr de Moulins-Beaufort, président de la conférence des évêques de France, c’est-à-dire du C.A. de Vatican, S.A. (France), vient de mettre en scène une séance de prière de repentance en mémoire des victimes de la pédocriminalité ecclésiale au sanctuaire de Lourdes (en l’absence de la Sainte Vierge en cette occasion, probablement retenue ailleurs) ; l’on a alors demandé pardon à Dieu (et à lui seul...). Par ailleurs, Monseigneur prononce maintenant le mot sacramentel, jusqu’à récemment tabou, d’indemnisation” des victimes, qui sera... “individualisée”... On est curieux de connaître les modes de preuve (photos, lettres, traces d’ADN sur des étoles, rapports d’experts médicaux sur des traumatismes anaux mal cicatrisés, etc.) et surtout les barèmes de tarification : par exemple, sera-ce tant la sodomisation? Tant la fellation? Y aura-t-il des primes pour non-usage de lubrifiants, une gradation des perversités, etc.? Quant au financement, on ne fera pas appel aux deniers des fidèles, mais l’on peut compter sur l’expertise de la maison mère de l’entreprise vaticanesque en matière de recyclage de ressources de toutes provenances.

Pour information :

https://www.ledevoir.com/opinion/idees/644367/point-de-vue-c-est-juste-une-blague

https://www.scc-csc.ca/case-dossier/cb/2021/39041-fra.aspx


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