Le 14 septembre 2018.
Le
plagiat humain auquel il est le plus difficile d'échapper, pour les individus
(et même pour les peuples qui persévèrent dans leurs fautes et vont les
aggravant), c'est le plagiat de soi-même.
- Marcel Proust.
Sur le plan des
programmes politiques, rien de nouveau n'a filtré du premier débat du 13
septembre, ponctué de quelques cacophonies occasionnelles.
On savait déjà que le
bilan du gouvernement libéral sur le plan du système de santé est un désastre; que
M. Legault feint de croire qu'on l'accuse de vouloir expulser du Québec des citoyens
canadiens qui auraient échoué à un examen des valeurs; que Mme Massé déclare
correctement que le changement climatique est le problème du siècle pour toute
l'humanité, tout en jouant la carte rurale en défendant le système
scandaleusement anticoncurrentiel, et donc anticonsommateur, qu'est la gestion
de l'offre, suivi en ce sens par M. Lisée, etc..
Par contre, on apprend que le grand vizir du Québec, "sheikh" Philippe
Ibn-Couillard, n'est pas toujours très original dans ses réparties bien
planifiées. Il n'est pas le seul politicien à ne pas vouloir réinventer la roue
: les ancêtres parmi les lecteurs se souviendront que, pendant la campagne des
primaires aux Etats-Unis de 1987-8, Joe Biden, futur vice-président, fit cet
émouvant plaidoyer en faveur de la justice sociale :
"Why is it that
Joe Biden is the first in his family ever to go a university? Why is it that my
wife... is the first in her family to ever go to college? Is it because our
fathers and mothers were not bright? ...Is it because they didn't work hard? My
ancestors who worked in the coal mines of northeast Pennsylvania and would come after 12 hours
and play football for four hours? It's because they didn't have a platform on
which to stand."
Il suivait ainsi les brisées de Neil Kinnock
qui expliquait, quelques semaines auparavant, lors d'une conférence du parti
travailliste du pays de Galles :
"Why am I the
first Kinnock in a thousand generations to be able to get to university? Was it
because our predecessors were thick? Does anybody really think that they didn't
get what we had because they didn't have the talent or the strength or the
endurance or the commitment? Of course not. It was because there was no
platform upon which they could stand."
Et voilà que
"sheikh" Philippe, aussi de nationalité française, lance à M. Lisée au
cours d'un affrontement consacré aux failles du système de santé québécois, que
ce dernier n'avait pas le "le monopole de la compassion". Voilà qui
ressemble fort à la réplique de Valéry Giscard d'Estaing visant François
Mitterrand lors du débat présidentiel de l'entre-deux-tours télévisé du 10 mai
1974 : "Vous n'avez pas le monopole du cœur". En ce qui concerne
"sheikh" Philippe, on suppute une répartie jaillie de sa mémoire
plutôt que de son coeur. Les analystes pensent que la petite phrase assassine de
VGE assura alors son élection. Jouera-t-elle le même rôle sacramentel en 2018
pour le grand vizir au Québec? Les paris sont ouverts. Inch'Allah.
Enfin, il faut relever
le sirupeux :
"Je vais être obligé de vous expliquer un peu, là (on notera ce tic
de langage bien québécois), écoutez-moi"
adressé à la seule
femme sur le plateau, Manon Massé, sur l'attendrissant ton
de rigueur chez les gentils instituteurs pleins de compassion envers les
fillettes atteintes de difficultés d'apprentissage, ou encore chez les
instructeurs d'auto-école. D'aucuns en dégageront des relents de
machisme sexiste.
Cependant, "sheikh"
Philippe a droit à l'indulgence. Quand on a le titre de gloire d'avoir passé 4
ans en Arabie saoudite - où il fut dispensé de ponctions fiscales écrasantes - et
d'y avoir contribué, avec une immense compassion, à l'amélioration d'un système
de santé spectaculairement plus performant que celui du Québec, et quand le cœur
y est encore un peu (un peu seulement car le roi n'a sûrement pas le monopole
du cœur du grand vizir), il y a certains automatismes, certains acquis
culturels, dont il est difficile de se débarrasser.
On peut alors avoir
tendance à oublier que les femmes québécoises ont, depuis un certain temps, le
droit de sortir seules, de prendre le volant et qu'elles ne sont plus tenues de
se couvrir la tête en public, même pour aller à l'église.
LP
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