Les
penseurs, ça pense. Y en a plein la Sorbonne. Plein le Collège de France.
-
Louis-Ferdinand Céline.
The American people are suckers.
- Richard Nixon.
Gebt mir vier Jahre Zeit, und ihr
werdet Deutschland nicht wiedererkennen.
(Donnez-moi quatre ans, et vous ne reconnaîtrez plus
l’Allemagne).
- Adolf Hitler (le 30 janvier 1033).
Vendredi prochain a lieu l'intronisation de
Donald Trump et il faut rendre hommage à l'universitaire d'origine canadienne,
Francis H. Buckley, qui eut l'honneur de se joindre à sa garde prétorienne à
titre de conseiller pendant la campagne électorale.
http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/484362/un-sauveur-pour-une-amerique-corrompue#
Cet ex-étudiant de la faculté de droit de
l'université McGill y revint à titre d'enseignant par la suite.
Il était le héraut de la "méthode
socratique" instaurée à l'université Harvard en 1870 par le professeur
Christopher Colombus Langdell, un illuminé qui aurait voulu vivre dans
l'Angleterre des Plantagenets, rat
de bibliothèque et avocat médiocre, qui supprima le cours
magistral classique au profit d'une "méthode" antiscientifique,
consistant à forcer l'étudiant à réinventer la roue en lui imposant la
fastidieuse lecture d'une jurisprudence souvent désuète et théorique, et à
poser des questions sans réponses, alors que 95% du droit est parfaitement
clair, sinon nulle vie en société ne serait possible.
(L'apprenti-philosophe
n'avait, hélas, pas compris que les dialogues socratiques sont en fait des
discours magistraux d'un genre spécial, ce qui prouve qu'il y a pire qu'un
Américain inculte : celui qui a l'illusion d'avoir de la culture.)
Par mimétisme, cette
"méthode" se répandit, comme une maladie honteuse contagieuse, aux
Etats-Unis et au Canada anglais et elle continue de produire des diplômés
désarmés face à des textes législatifs.
L'approche
(pseudo-)socratique est l'alibi commode des enseignants n'ayant pas la
compétence de donner un cours magistral, trop nombreux à McGill. (Ne soyons pas
trop durs, dans ce bouillon d'inculture, on se rattrapait aux branches grâce
aux professeurs qui n'étaient originaires ni des Etats-Unis, ni du Canada
anglais).
Voilà pour la
pédagogie. Mais quid de l'idéologie
régnant dans la Royal Institution for the
Advancement of Learning et qui a formé, et formaté, le sieur Buckley?
Qu'il nous soit permis une (nécessaire) parenthèse. Un certain Nelson Mandela, dans son autobiographie, a évoqué son expérience d'étudiant à partir de 1943 :
"The English-speaking
universities of South Africa
were great incubators of liberal values. It was a tribute to these institutions
that they allowed black students. For the Afrikaans universities, such a thing
was unthinkable.
Despite the university's liberal
values, I never felt entirely comfortable there. Always to be the only African…
is not a congenial experience. most of the whites at Witwatersrand
were not liberal or colour-blind…their hostility was more muted but I felt it
just the same.
Voilà pour l'ambiance générale. Qu'en fut-il d'un de ses professeurs?
Our law professor, Mr. Hahlo, was a
strict, cerebral sort, who did not much tolerate much independence on the part
of his students. He held a curious view of the law when it came to women and
Africans : neither group, he said, was meant to be lawyers. His view was
that law was a social science and that women and Africans were not disciplined
enough to master its intricacies. He once told me that I should not be at Witwatersrand but studying for my degree through at UNISA
(Note: UNISA est
une université par correspondence, mais conférant des diplômes reconnus).
On se réjouira d'apprendre que ce modèle humaniste - surtout aux yeux des femmes noires-, un juriste allemand arrivé en Afrique du Sud quelques années plus tôt à titre de réfugié politique, fut accueilli à bras ouverts par l'université McGill (vers 1967 semble-t-il).
Les professeurs Hahlo et Buckley ont aussi cohabité harmonieusement notamment avec un ineffable professeur de droit constitutionnel, the one and only Irwin Cotler, chantre autoproclamé des droits de l'homme, fort rétif à la notion de cours magistral, et qui consacrait la moitié de l'année scolaire à se livrer à une (pas très subtile) propagande fielleuse : un infatigable traqueur de nazis imaginaires au Québec, moins audible sur les rednecks albertains.
Frank Buckley avait donc tout le bagage intellectuel pour servir un jour un Donald Trump, la truculente idole des femmes et des personnes à pigmentation bistre, même si "au départ, [il en avait] une vision négative" (paraît-il). Nul doute qu'il a évolué lorsque furent retenus ses services de scribe.
Et surtout, on
n'attendait pas moins de ce fin dialecticien qu'il acceptât le poste de…
"collabo" du fondateur de la célèbre Trump
University, roi-philosophe à la pensée tout en nuances! Les traditions
péripatéticiennes (philosophiques, bien sûr…) perdurent.
(Pourtant, en invoquant purement et simplement "Clinton Cash", un livre bourré d'erreurs, il y a eu défaillance sur le plan du questionnement socratique).
Chose curieuse, il ignore que la crainte du déclin américain n'est pas nouvelle : elle a eu pour point de départ la crise pétrolière de 1973; cependant, il n'a pas manqué de démagogues pour décréter périodiquement depuis : It's morning again in America…
Qu'il est réconfortant de voir ce jurisconsulte officier à la "Antonin Scalia law school", ainsi nommée en mémoire du défunt juge de la Cour suprême des Etats-Unis, un catholique intégriste, qui estimait notamment que la constitution des Etats-Unis, contrairement à celle de l'Iran, sanctionne la peine de mort pour les mineurs, l'enfant chéri de la National Rifle Association grâce à l'arrêt District of Columbia v. Heller de 2008. Une pestilentielle ordure, dont le discours raciste était soigneusement "codé".
Mais voici la pièce de résistance de la pensée politique buckleyesque. Il fut demandé au grand ponte de quelle manière un milliardaire champion de l'évasion fiscale peut prétendre au titre de sauveur de la classe moyenne saignée à blanc :
En 1935… quand Roosevelt a nommé Joseph Kennedy… à la tête de la commission de contrôle des marchés financiers, tout le monde a rappelé qu’il était un corrompu. Le président a répondu qu’il en fallait un pour en attraper un.
Pour assurer la justice fiscale, la solution était simple, mais il fallait un Canadien devenu citoyen américain en 2014 "on Tax Day" (ça ne s'invente pas…) pour y penser. Voilà, sans nul doute, un "magistral" constat socratique, qui vaut son pesant de caramels mous, et qui explique le dosage du corps professoral de la faculté de droit de l'université McGill.
En matière de discrimination raciale et de libertés publiques, tous les espoirs sont donc également permis avec la nomination au Department of Justice du good ole boy Jeff Sessions, un (feutré) compagnon de route du KKK - qui aspire à la restauration de la grandeur d'une certaine Amérique - et ennemi juré de la NAACP et de la ACLU, qui se fit refuser un poste de juge fédéral en 1986.
Et quoi de mieux qu'une contemptrice de l'école publique, Betsy DeVos, pour diriger le Department of Education? Quoi de plus rassurant que l'allié des pollueurs, Scott Pruitt, pour être à la tête de la Environmental Protection Agency?
Le nouveau
président a de la suite dans les idées. En émule d'Alexandre le grand, il a mis
en œuvre la solution trouvée par son Aristote canadien, ce dernier ayant sans
doute aussi puisé son inspiration en partie dans la doctrine professée en 1970
par le sénateur Roman Hruska à l'appui de la nomination à la Cour suprême du juge
Harrold Carswell : There are a lot of mediocre judges and people
and lawyers. They are entitled to a little representation,
aren't they, and a little chance?
Sont définitivement clos des millénaires de spéculation philosophique politique.
Seul le renard peut ramener à l'ordre le poulailler.
Le 20 janvier prochain s'ouvre donc une ère quasi-messianique nouvelle, qui devrait durer mille ans, marquée par l'abolition des apories, rendue possible par la contribution d'un enseignant (en titre) répugnant à donner des réponses en classe.
En effet, il a fallu se demander quels étaient les véritables enjeux et quel gouvernement nous voulions en janvier 2017. Les Etats-Unis ont la réponse.
Ils auront un vice-président créationniste, et
est déjà d'excellent augure la nomination de Steve Bannon, naguère directeur de
Breitbart News - le successeur
américain de Der Stürmer -, au poste
de conseiller spécial. Se multiplient, dans The
land of the free (comme par hasard au Canada aussi), les poétiques graffitis
: fuck niggers Trump, swastikas…
De "Chancellor Day Hall" à la "Trump University" en passant par la "Scalia School of Holy Inquisition", la boucle est bouclée pour Frank Buckley.
LP
Membre du barreau de New York.
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