Thursday, October 24, 2024

Québec : affrontement entre la députée Marwah Rizqy et l’imam Adil Charkaoui.

 Le 25 octobre 2024.

Le combat de la laïcité est compliqué, réclame patience et pédagogie. Mais il n’est pas perdu d’avance.
Michel Winock.

La situation de l’école Bedford dans le quartier Côte-des-Neiges à Montréal, (et, apparemment, d’autres écoles du quartier), suscite une certaine controverse au Québec.

Il semblerait que, depuis des années, 11 enseignants, pour l’instant suspendus, ont fait régner un climat de terreur dans leurs classes : brutalités au moins psychologiques infligées à des élèves en difficultés, séparation des garçons et filles, exclusion de celles-ci de la pratique du soccer, non-respect des programmes scientifiques incompatibles avec certains dogmes religieux, etc… Bref, le rapport d’enquête comptant 97 pages de la Direction des enquêtes Direction générale des affaires internes du Ministère de l’Éducation du Québec constate des manquements au principes de laïcité dans cette école publique, encore que l’on évite pudiquement le mot magique. Les autorités québécoises, craignant toujours les déchirures de chemise des cagots toujours prêts à hurler au racisme, demeurent timorées sur le plan terminologique; on s’en tient à de pudiques circonvolutions..

Dans un truculent prêche rendu public, le flamboyant clerc a mis en doute la gravité du problème, et notamment accusé la députée d’envenimer inutilement la situation, en la qualifiant de « Marocaine de service » (sic).

Quelques remarques liminaires sur les qualifications d’ « imam » de M. Charkaoui.

Dans les églises chrétiennes classiques, ou le judaisme, l’utilisation de l’étiquette de « prêtre, de « pasteur », de « rabbin » est, dans une certaine mesure, encadrée par des examens certifiant les connaissances scripturales des candidats à la dissémination de la parole divine organisés par les autorités compétentes. Par contre, il semble que, dans la mouvance idéologique de M. Charkaoui, il n’est pas rare de voir des imams autoproclamés : on s’en remet à l’autoréglementation. Le climat en est forcément un de confiance. Il ne revient pas aux non-musulmans de se prononcer sur l’étendue des connaissances de cet éloquent tribun, mais, étant partisan du libre choix du consommateur dans tous les domaines, le soussigné laisse aux membres de sa congrégation le droit le plus complet à leur appréciation; chaque fidèle est libre de lui remettre son obole si cela lui chante.

Cela dit, en ce qui concerne Mme Rizqy, il est judicieux de rappeler à M. Charkaoui (qui a cédé à la regrettable tentation de la facilité en ayant recours à une attaque ad hominem) quelques éléments de base. Pour sa gouverne, elle est une Canadienne de naissance (d’origine marocaine, bien sûr), qui, en qualité d’élue à l’assemblée nationale du Québec, est une Québécoise, non pas « de » service, mais bien « au » service des habitants de sa circonscription, et, plus généralement, de la province. Relève pleinement de ses attributions un œil vigilant sur les enjeux sociaux, notamment sur le (non-)respect de la laïcité, et il est légitime d’exposer et dénonccr les violations de la loi qui touchent la catégorie la plus vulnérable de la population : les enfants de toutes origines.

On peut conjecturer que la hargne du prêcheur à son égard est notamment dû à son affranchissement des lourdes injonctions religieuses ancestrales. [Note : le soussigné serait beaucoup plus troublé s’il devait apprendre qu’elle a renoncé aux traditionnels raisins dans le couscous marocain]. Il semble opiner que l’on n’est jamais trahi que par les siens, mais la réalité est que, pour elle, les Québécois de toutes races, de toutes croyances et sans croyances, ainsi que tous les êtres humains, sont « les siens ».

Dieu merci, si l’on peut dire, toute la classe politique québécoise soutient Mme Rizqy, même l’islamo-gauchiste Gabriel Nadeau-Dubois, porte-parole de Québec solidaire. Malheureusement, ce sincère appui est un peu terni par la déclaration suivante :

Les 11 enseignants suspendus à l'école Bedford ne portaient aucun signe religieux…Ce qui est garant d'une laïcité des institutions publiques au Québec, ce qui est garant d'une véritable laïcité de l'éducation nationale, ce n'est pas ce que les gens ont sur la tête, c'est ce que les gens ont dans la tête.

De manière œcuménique, M. Nadeau-Dubois a aussi un côté jésuitique. Il feint d’ignorer que certains oripeaux, notamment certains couvre-chefs, sont porteurs d’un message et constituent un mode de communication, une forme de propagande, fût-elle silencieuse, qui relève de la sémiologie. Cela dit, l’interdiction des signes religieux chez les enseignants est, certes, un progrès (partiel puisque les fillettes n’en profitent pas), mais, on vient de le constater à Bedford, elle n’empêche pas les tyrans des salles de classe déterminés à imposer des comportements correspondant à leurs idéologies obscurantistes personnelles, sans les verbaliser.

Comme on pouvait s’y attendre, sur la scène fédérale, les trudeauesques pantins du lobby ès-religions essaient de minimiser la gravité du problème.

Le ministre fédéral de l’immigration, Marc Miller, déclare : « Au Québec, le système d'éducation est laïc depuis fort longtemps [Note : si longtemps que ça ?] et [...] doit le rester [Note : ouf ! M. Miller est trop bon]. Mais il ajoute, sans rire :  « Le Canada est le pays le plus laïc du monde » (sic).

Manifestement, ne fait pas partie de sa culture juridique le droit public français.

En France, le système scolaire ne tolère aucune atteinte à la laïcité, dont la libre recherche scientifique est partie intégrante, ce qui aboutit parfois à des assassinats d’enseignants; les professeurs d’histoire-géographie et de lettres sont devenus les hussards de la Ve république : pensons à Samuel Paty et à Dominique Bernard, morts au champ d’honneur. Dans l’enceinte de l’école républicaine, la loi française libère les fillettes de 9 ans de la tyrannique obligation familiale du port du hijjab et elles peuvent jouer sans entraves avec leurs petit(e)s camarades dans la cour de récré. Mieux, il n’y a pas de prestation de serment pour les élus (président de la république, ministres, députés…) lors de leur entrée en fonction : la loi civile encadre leur action; nul besoin d’implorer à haute voix l’aide de Dieu, en caressant de la dextre un livre sacré (Bible, Coran, Guide Michelin, Kamasutra…).

En effet, la constitution française ne fait aucune référence à quelque divinité que ce soit. Selon l’article premier :

La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. (Je souligne).

Quel contraste avec le préambule de la Charte canadienne des droits et libertés qui fait, paradoxalement, cette menaçante proclamation :

Le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit.

Dans cet ordre.

Les athées canadiens apprécieront.

LP


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