Saturday, October 19, 2024

Miracles, stigmates, et sinistres plaies d'Egypte au XXIe siècle.

Le 19 octobre 2024.

On peut même penser que la fin du monopole des professionnels de la religion sur le religieux a libéré l'irrationnel et généré une plus grande profusion de sacré, de religiosité et de soumission généralisée à la déraison.
- Michel Onfray (Traité d’Athéologie).

Le Québec moderne, post-Duplessis, de 2024, peut être fier : c’est avec une immense émotion que l’on apprend que sera canonisée, le 20 octobre prochain, Mère Marie-Léonie, fondatrice des Petites Sœurs de la Sainte-Famille de Sherbrooke, Notre Saint-Père le pape Francesco ayant confirmé le 2e miracle nécessaire.

Peu après son décès en 1912, elle s'était promptement mise à l'oeuvre en opérant la guérison d'une des petites soeurs tuberculeuse de sa propre congrégation; sur le fondement de ce premier miracle, elle avait été béatifiée en 1984 par Notre-Non-Moins-Saint-Père Jean-Paul II. (À noter qu’elle n’avait pas jugé bon d’intercéder en faveur du juif Franz Kafka, disparu en 1924 après une atroce agonie en raison de cette même maladie). Une intervention médicale ultérieure au profit d’un enfant a bouclé le dossier.

Il faut préciser que ces cas n’avaient rien d’unique, mais le Vatican a préféré ne pas se disperser et s’en tenir à ces deux seuls événements : s’il fallait recenser tous les authentiques miracles, on n’en finirait plus!

On aura compris que les procédures ont été instruites avec une impitoyable rigueur scientifique par le « Dicastère pour les causes des Saints », suivant une tradition qui compte deux millénaires.

Cela dit, l’inscription de la bienheureuse à la liste des saints était prévisible, elle confirme même la doctrine augustinienne de la prédestination : elle était née sous le patronyme de « Paradis ».

La région de Sherbrooke peut être reconnaissante au Vatican pour les retombées économiques de l’industrie du pèlerinage qui lui profiteront. Une manne qui sera fort appréciée.

Par ailleurs, à signaler, au Royaume- Uni, la récente condamnation à deux ans d’emprisonnement avec surpris et aux dépens (9000 livres) d’un certain Adam Smith-Connor, pour avoir pénétré une zone « tampon » d’une clinique dispensant des services d’avortement, contrairement à une ordonnance visant à protéger les femmes des manœuvres d’intimidation, et y avoir prié, refusant de quitter les lieux pendant plus d’une heure et demi.

La « lecture » catholique de cet incident est édifiante.

Le député conservateur Sir Edward Leigh, et, incidemment, catholique, a dénoncé cette condamnation ces termes : «  It is disgraceful that in Britain in 2024 someone can be put on trial for praying silently in his head ». De manière générale, il soutient que le message chrétien fait l’objet d’entorses répétées à la liberté de parole au royaume de Charles III  

To offer a prayer silently in the depths of your heart cannot be an offence. The Government must clarify urgently that freedom of thought is protected as a basic human right…. [a court] has decided that certain thoughts – silent thoughts – can be illegal in the United Kingdom… That cannot be right. All I did was pray to God, in the privacy of my own mind – and yet I stand convicted as a criminal…. It troubles me greatly to see our freedoms eroded to the extent that thought-crimes are now being prosecuted in the UK.

Nul doute que ces éléments sur l’introspection de M. Smith-Connor sont directement inspirés de la doctrine augustinienne : on voit généralement dans « Les confessions » de l’évêque d’Hippone le texte fondateur de la psychologie moderne. Et les soutiens du condamné insistent, en effet, de manière très prolixe et laborieuse, sur sa parfaite insonorité pour critiquer une criminalisation orwellienne de la pensée, toute intérieure.

On n’avait vu rien de tel depuis Néron.

Pour autant, ces bons apôtres font étrangement abstraction de la communication non verbale.

Nul doute que M. Smith-Connor n’a prononcé aucune syllabe, n'a émis aucun son. Cependant, voici les éléments matériels constatés par la Cour : il était un intrus dans la zone tampon et se tenait devant la clinique avec la tête penchée avec les mains jointes. Sa posture constituait une prière sinon audible, mais bel et bien visible. Une citation de l’immortel philosophe existentialiste du XXe siècle, Marcel Gotlib s’impose : « Il y a des silences qui en disent long, même si tel n’est pas le cas ».

Puisque nous évoquons les doctrines chrétiennes, une remarque est de mise en ce qui concerne les récents et dévastateurs ouragans (Helene et Milton) qui ont dévasté le sud des Etats-Unis, en particulier la Floride. Certaines personnalités républicaines, comme la délicieuse Marjorie Taylor Greene, alliées de Donald J. Trump, se déclarent horrifiées par une manipulation des éléments naturels par les démocrates, ce qui vaut des menaces de mort à plusieurs météorologues.

Les humanistes s’en offusquent, mais, pour être juste, ce genre de théorie s’inscrit dans une millénaire et respectable tradition chrétienne : les catastrophes naturelles (tremblements de terre, raz-de-marée, épidémies, etc…). constituent souvent des châtiments divins. La médaille a, malheureusement, un revers : Belzébuth dispose d’armes semblables. Un simple exemple suffira : nul n’ignore que la peste noire de 1346 avait résulté d’une commande du peuple déicide.

En l’an de grâce 2024, les rednecks fondamentalistes consanguins inféodés à l’agent Orange, auxquels on ne la fait pas, savent repérer les suppôts de Satan, quelque puisse être leur forme d’incarnation.

LP

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