Sunday, March 6, 2022

La guerre de Kiev n’aura pas lieu.

Le 6 mars 2022.

"When I use a word," Humpty Dumpty said, in rather a scornful tone, "it means just what I choose it to mean—neither more nor less."
"The question is," said Alice, "whether you can make words mean so many different things."
"The question is," said Humpty Dumpty, "which is to be master—that's all."
- Lewis Carroll, Through the Looking Glass.
 
Without censorship, things can get terribly confused in the public mind.
- General Westmoreland.

En effet, vient d’entrer en vigueur en Russie une loi interdisant la diffusion par les médias d’“informations mensongères”, un abominable crime passible de 15 ans de prison. Parmi ces mensonges, il y a la “guerre”, l’“invasion”, l’ “offensive ou même la “déclaration de guerre.  Selon le Kremlin, on ne peut aujourd’hui parler que d’une “opération militaire spéciale” en Ukraine (on n’ose imaginer ce que serait une opéation militaire générale), destinée au "maintien de la paix".

Ces corrections terminologiques, et leurs sanctions pénales, n’ont rien de novateur.

Les Etats-Unis savent mieux que quiconque ce qu’est une simple “police action” qui a qualifié les interventions (malencontreusement désignées par l’expression “banana wars”) en Amérique latine de la fin de la guerre hispano-américaine en 1898, à 1935, à Cuba, au Mexique, à Panama, en Haiti (1915-1935), en République dominicaine (1916-1924) et au Nicaragua (1912-1925 et 1926-1933).

Ultérieurement, le président Truman eut recours au même vocable en ce qui concerne la Corée... De surcroît, il joue pleinement, selon la lettre de la Constitution américaine, en l’absence de déclaration de guerre formelle par les Etats-Unis au Vietnam du Nord, qui n’impliqua que des conseillers militaires. Incidemment, le mot “mensonges” évoque Daniel Ellsberg et les “Pentagon Papers”. Et il n’y a pas si longtemps que résonnaient dans les rues de Washington, et sur le campus de la Kent State University, ces festifs slogans : “Hey, hey, LBJ, how many (black?) kids did you kill today?” et “Hell no, we won’t go”.

Souvenirs, souvenirs...

Était invoqué il y a peu dans la présente chronique l’acte de piraterie aérienne commis par l’armée française, qui détourna en 1956 l’avion amenant des dirigeants FLN du Maroc à Tunis à l’époque de la guerre d’Algérie.

Pardon, quelle guerre?

Il n’y eut nulle guerre en Algérie de 1954 à 1962, composée de 3 départements français faisant partie intégrante de la métropole : s’y déroulèrent des “opérations de maintien de l’ordre” ou “de pacification” relatifs aux “événements” qui agitaient la rive sud de la mer Méditerranée. Et les pouvoirs publics de la IVe République ne plaisantaient pas avec les insolents contestataires de leur message...

On rappellera, par exemple, les dénonciations, par Jean-Jacques Servan-Schreiber, dans son magazine L’Express, de certaines méthodes de l'armée, notamment de techniques d’interrogatoire pourtant bien éprouvées, quoique parfois controversées, comportant par exemple l’utilisation de gadgets électriques de nature à délier les langues rétives. JJSS fut d’ailleurs mobilisé en Algérie car il fallait faire taire ce fâcheux. Las! Son expérience fut relatée dans son livre “Lieutenant en Algérie”, dont la teneur fut confirmée par une lettre publiée dans ce média par Jacques Pâris de Bollardière (seul général français à avoir dénoncé publiquement la gégène), ce qui lui valut soixante jours de forteresse et la fin de sa carrière militaire. Un communiqué officiel du gouvernement dirigé par le très socialiste Guy Mollet parla alors (surprise...) d’« une campagne organisée par les ennemis de la France »... A toujours bon dos le coup de poignard dans le dos.

Ce n’est qu’en 1999 que fut adoptée par l’assemblée nationale une proposition de loi consacrant le terme sacramentel de “guerre” et accordant corrélativement la carte d’“ancien combattant” aux ex-bidasses concernés, laquelle leur vaut notamment quelques avantages fiscaux. Cependant, 37 ans après l’indépendance de l’Algérie, cette loi était caduque dès son entrée en vigueur en ce qui concerne le calcul des années donnant droit à la retraite. Globalement, on peut donc supputer que cette généreuse mesure linguistique n’a pas trop plombé les finances publiques de la patrie.

En matière de conflits, armés et nucléaires, chaque mot a toujours valu son pesant de caramels mous et de plutonium.

LP

                                    JEAN LASSALLE PRÉSIDENT!

"Mon cochon préféré ? C'est une petite cochonne... c'est mon épouse !"

 

 

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