Sunday, March 31, 2019

Laïcité au Québec : le législateur opte pour un "combisme" édulcoré.



Le 31 mars 2019.

The medium is the message.
- Marshall McLuhan.

Sémiotique.. Théorie générale des signes et de leur articulation dans la pensée… Théorie des signes et du sens, et de leur circulation dans la société.
- Le Petit Robert.

Le gouvernement québécois a tenu parole : il a déposé son Projet de loi n°21 : Loi sur la laïcité de l’État. Ce texte interdira aux fonctionnaires "en position d'autorité", ce qui inclut les enseignants, le port de signes religieux au travail.

(Une fois encore, il faut déplorer une formule tautologique : par définition, tout fonctionnaire est l'instrument de l'Etat, mais passons).

Louons le législateur pour sa cohérence : il se débarrasse parallèlement du crucifix, surplombant le siège du président de l'assemblée nationale, un symbole porteur d'une promesse d'épuration, concrétisée avec un certain succès en Europe au cours des années 1940, de manière plus industrielle, après 19 siècles de ravages divers plus ou moins localisés.

Personne ne sera surpris des réactions défavorables à cette timide évolution. Les enragés utilisent déjà des mots clés, comme "racisme", "discrimination", "exclusion" "deux poids deux mesures"… et on évoque des recours devant la justice nationale, et même devant les Nations Unies.

(Il faut prendre très au sérieux l'activité de l'ONU en matière des droits de l'homme. Pour mémoire, relèvent du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'homme (HCDH) :
- le Conseil des droits de l'homme, dont le titre de gloire est d'avoir élu en 2015 l'Arabie saoudite à la présidence de son panel; il a pour but principal de nommer les cinq hauts fonctionnaires qui édictent les standards internationaux, de choisir les personnes qui vont occuper plus de 77 postes relatifs à la défense des droits de l’homme dans différentes régions du monde et d’informer sur les violations perpétrées en matière de droits de l’Homme; en outre, le 18 mars dernier, au cours d'un débat concernant un rapport accusant Israël de crimes de guerre, Anne Bayefsky, directrice de Human Rights Voices NGO et du Touro Institute and Human Rights and the Holocaust, a tenté de répondre au témoignage du professeur Michael Lynk, mais le président, Coly Seck, l'a interrompue deux fois, et finalement lui a coupé le micro. Vive la règle audi alteram partem!;
- la Commission de la condition de la femme où siègera l'Arabie saoudite jusqu'en 2022;
- le Comité des droits de l'homme, quant à lui, compte parmi ses membres notamment la Mauritanie, où l'on trouve toujours des marchés d'esclaves.
La saisine du Comité par des plaideurs québécois n'est pas pour demain, mais on espère qu'à ce moment, en sera membre le sultanat de Brunei, qui a démontré qu'il possède toutes les qualifications requises en venant de rendre l'homosexualité passible de la peine de mort, et le vol de l'amputation d'une main ou d'un pied).

Il ressort de la réaction à chaud du premier ministre canadien, ex-roi de la glisse et docteur ès surf des neiges: « Pour moi, c'est impensable qu'une société libre légitimiserait la discrimination contre quiconque, basée sur la religion », qu'il n'est visiblement pas au courant des sages mesures d'interdiction complète dans toute la fonction publique prises par l'Etat français qui ont été avalisées par le Cour européenne des droits de l'homme. Mais il faut être indulgent pour le petit Justin (dont le bon goût en matière d'habillement exotique n'est d'ailleurs plus à démontrer depuis son triomphal voyage en Inde).

Quand on est à la tête d'un parti politique financé indirectement par des dictatures, notamment par le truchement de sociétés d'ingénieurs qui reversent à sa caisse électorale une partie des profits tirés, par exemple, de la construction de prisons dernier cri comportant des salles de torture, et qui veut assurer sa réélection avec la création de "bons emplois" (d'une grande utilité sociale) par les commandes de vente d'armes à des monarchies où le sable, le pétrole et le sang se mêlent, on a des obligations de loyauté. Le client est (doublement) roi.

Dans toute cette cacophonie hystérique, les médias devraient peut-être utilement donner plus de visibilité à des racistes, des suprémacistes, bref, des islamophobes aussi virulentes que Fatima Houda-Pépin, Djemila Benhabib et Nadia El Mabrouk et que beaucoup d'autres femmes orientales marchant maintenant librement au Québec cheveux au vent, qui pourraient dévoiler la réelle connotation du hijjab, et décrypter la duplicité des dévots.

Pour l'instant, l'opération de propagande de la fondation Templeton effectuée, par le truchement de leur lobbyiste canadien, le chanoinesque - et millionnaire - Charles Taylor, auprès de Québec solidaire, a porté fruit. Là plus qu'ailleurs, on ne comprend pas, ou pire, on feint souvent de ne pas comprendre, que deux segments de droite perpendiculaires sont beaucoup plus qu'une simple figure géométrique, mais une croix, porteuse d'une idéologie mortifère depuis deux millénaires; de même qu'un vêtement peut constituer un signe de ralliement et un outil de promotion religieuse silencieux, mais tout aussi éloquent qu'un badge portant le logo d'un parti politique.

On imagine difficilement une administration publique tolérer sereinement le port, par un fonctionnaire, de la swastika, simple croix composée de quatre potences prenant la forme d'un gamma grec. Sa hiérarchie accueillerait avec un certain scepticisme ses protestations fondées sur l'immémoriale spiritualité jaïniste ou bouddhiste. Elle y verrait plutôt la synthèse concise de tout un programme politique fort contemporain.

Mais heureusement qu'il y a le dr Gaëtan Barrette pour remettre les pendules à l'heure. Il a gagné ses galons de sémioticien attitré du PLQ lorsque, le 5 décembre dernier, il a vertement critiqué l'accoutrement relativement décontracté de la députée Catherine Dorion au nom du décorum à l'assemblée nationale : "L'habillement demeure une forme de message et, à Québec solidaire, on est toujours prêt à envoyer des messages" (sic). Il a même parlé de "provocation" (sic)…

La conclusion s'impose a fortiori pour la salle de classe, où se trouve un jeune public captif.

(Détail cocasse : le nouveau texte interdit même le port de signes religieux dissimulés par les vêtements. Cependant, le ministre Simon Jolin-Barrette assure le public qu'il n'y aura pas de fouilles à nu destinées à démasquer les contrevenants. En pratique, parmi les fonctionnaires visés par la loi, les membres de l'Opus Dei pourront donc continuer à porter le cilice au travail et tirer jouissance de leurs démangeaisons.).

Les tartuffes québécois, crachant parfois le feu, expectorant le fiel ou bavant le miel, mais sentant toujours l'huile rance, se déchirent la chemise, pardon, le niqab et la soutane, jouant les martyrs à l'instar des pharisiens français jadis horrifiés par les lois Jules Ferry de 1882-1886 qui instaurèrent "l'école sans Dieu" et la Loi concernant la séparation des Églises et de l’État en 1905.

Mais les chiens aboient, la caravane passe.

LP

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