Monday, April 15, 2019

Laïcité au Québec : l'"autorité pédagogique" selon le professeur Gérard Bouchard.



Le 15 avril 2019.

Rejetons le fez, qui est sur nos têtes comme l'emblème de l'ignorance et du fanatisme… et adoptons le chapeau, coiffure du monde civilisé ; montrons qu'il n'y a aucune différence de mentalité entre nous et la grande famille des peuples modernes!
- Mustapha Kémal Atatürk.

Ce qui n'était pas raciste en 2008 l'est "honteusement" devenu en 2019.

Tel est le sens de l'anathème jeté par l'apprenti-prophète Charles Taylor sur l'ensemble du projet de loi 21 : Loi sur la laïcité de l'État. Les voies de l'hérésie sont mystérieuses.

Le prof. Bouchard demeure fidèle à lui-même, tout en voyant du "radicalisme" dans l'élargissement de l'interdiction du port de signes religieux recommandée par le rapport Taylor-Bouchard aux enseignants, sous prétexte que leur "autorité pédagogique" n'aurait rien de coercitif.
                                                           
Dans une opinion publiée dans La Presse le 5 avril dernier, il déclare : "faute de données rigoureuses... Il n’a aucunement été démontré, par exemple, que le port du hidjab est une forme de prosélytisme, qu’il perturbe les enfants ou entrave la démarche pédagogique."

Il est utile de rappeler que, en effet, en 1950, "faute de données rigoureuses, il n’était aucunement été démontré" que des prêtres se livraient à des jeux fripons avec les enfants de chœur (et que tout baignait dans l'huile sainte), à l'abri des regards indiscrets dans la sacristie, et jamais on ne pourrait imaginer que des clercs eussent infligé de coquines privautés à des religieuses rétives. "Il n’était aucunement été démontré" que les 4 filles Shafia étaient en danger de mort, et "il n'est toujours pas démontré" que les petits hassidiques sont privés d'une scolarité normale. Quant à la multiplication des actes de harcèlement, sur leur lieu de travail, de femmes d'origine musulmanes ne portant pas de hijjab… soyons sérieux : on a beau être à l'ère de #METOO, en l'absence d'enregistrements et de vidéos, il n'y a que des racistes pour prendre au sérieux des conjectures aussi farfelues.

(Incidemment, quand on pense, par exemple, à la très belle expertise en matière de lavage de cerveau acquise dans le cadre des recherches commanditées à une certaine époque par la CIA à l'université McGill, il faudrait confier à cette institution la mission de rassembler les "données rigoureuses" pertinentes. Sinon, il y aurait un regrettable gaspillage de savoir-faire).

Pour autant, quant au prosélytisme, M. Bouchard persiste à (feindre d'?) ignorer que le signe religieux est intrinsèquement tout aussi porteur de message que le signe politique (celui-ci unanimement rejeté pour les fonctionnaires), même si l'enseignant ne s'exprime verbalement dans la salle de classe qu'au sujet de la seule physique nucléaire. M. Bouchard est un historien et un sociologue magistral, mais en matière sémiotique, il y a des trous dans ses lacunes. On ne peut que l'inviter à dialoguer avec des jeunes filles aspirant aussi, comme les sœurs Shafia, à la pleine intégration sociale. Elles lui exposeront mieux que quiconque leur perception des enseignantes hijjabées, et lui expliqueront que, à court terme au moins, le prosélytisme musulman ne vise pas vraiment les roumis, mais plutôt les musulmans de souche égarés, qu'on veut ramener au bercail et ainsi isoler de la société d'accueil.

Cela dit, vu l'étonnante affirmation du prof. Bouchard quant à l'"autorité pédagogique" de l'enseignant, faisons preuve de pédagogie avec les précisions suivantes.

Dans le système nord-américain, l'enseignant (qu'il porte ou non un voile) porte deux casquettes :

- communicateur de connaissances à l'étudiant (en principe…);
- certificateur des connaissances des étudiants par des examens.

Dans l'exercice de cette double mission, s'il ne peut, en effet, aller jusqu'à ouvrir le feu sur les élèves, il dispose d'un pouvoir disciplinaire quasi-judiciaire qui peut se traduire notamment par des sanctions (retenues, expulsion…). Cette autorité est même plus intense à l'égard des mineurs au primaire et au secondaire, où l'enseignant est in loco parentis.

Les contacts entre la population ordinaire, d'une part et, d'autre part, les forces de l'ordre, la justice et surtout les institutions carcérales sont, heureusement, l'exception. Par contre, nul n'échappe au milieu scolaire.

A toutes fins pratiques, l'enseignant est certainement la figure la plus omniprésente,  la plus coercitive, et la plus déterminante du parcours social de l'individu. Si un casier judiciaire classique est souvent susceptible de suspension, le dossier scolaire est éternel : il détermine l'admission aux études supérieures, à certaines facultés, et constitue souvent un critère d'embauche en milieu professionnel. Une mauvaise note constitue une condamnation à perpétuité, et sans appel. Une carrière, une vie, peuvent se jouer sur un diplôme, un cours, voire un seul examen.

Par conséquent, l'enseignant québécois indélicat dispose d'un pouvoir quasi-absolu (la jurisprudence enseigne ad nauseam que le pouvoir judiciaire ne se mêle pas des affaires scolaires), donc celui de "vendre" des notes en contrepartie :

- de prestations sexuelles;
- de gages d'appartenance religieuse;
- de gages de moralité idéologique;
- All of the above.

L'étudiant(e) peut être contraint(e) d'avaler de nombreuses couleuvres gluantes, en toute discrétion.

Par contraste, l'étudiant français est un peu moins vulnérable, vu que son professeur ne porte que la seule casquette de communicateur.

En ce qui concerne le baccalauréat de l'enseignement secondaire (lequel est équivalent au DEC québécois, sans suivre le système de crédits cumulatifs, et consiste en une série d'examens de synthèse, "comprehensive" en anglais), et les diplômes universitaires de premier cycle, les examens sont obligatoirement conçus et notés par des examinateurs externes, afin d'éviter tout conflit d'intérêt. Pour le baccalauréat, en cas de conflit (pas forcément de nature sexuelle) avec un enseignant, à défaut de recours judiciaire efficace (et des ressources financières nécessaires), l'étudiant a au moins la possibilité de changer d'établissement, et même de se présenter aux examens à titre de "candidat libre". Cela dit, depuis Héloise et Abélard, la France est le paradis des cours privés. On signalera les cours très, très particuliers dispensés par Jean-Paul Sartre à une "groupie", Arlette Elkaim, qui réussit à intégrer la prestigieuse école normale supérieure. L'élève fut d'ailleurs officiellement adoptée par son mentor par la suite. Impossible de trouver mieux pour apprendre à disserter sur Oedipe. Bref, tout cela pour dire que, en France, les cours d'appoint peuvent être rémunérés selon des conditions et modalités variables, pas forcément limitées au versement d'espèces, mais que, au moins, les notes ne sauraient être monnayées.

Enfin, rendons hommage au philosophe Charles Taylor, qui a fait acte de présence lors d'une manifestation anti-projet de loi 21 à Montréal hier dimanche, réunissant un certain nombre d'intellectuels, parmi lesquels il y avait certainement des parents de fillettes de 9 ans porteuses volontaires de voile. Le récipiendaire des 1,5 millions US $ du prix Templeton assure un excellent service après-vente.

Et, coïncidence du calendrier : on annonce qu'en Iran, Vida Movahédi, qui avait été arrêtée en octobre pour être apparue tête nue au sommet du dôme au centre de la place Enghelab en agitant à bout de bras son voile et des ballons rouges; poursuivie pour "incitation à la corruption et à la débauche", Mme Movahédi a été condamnée le 2 mars à un an de prison.

Les juges iraniens sont d'un laxisme.

LP

PS. Il va sans dire que "faute de données rigoureuses… il n’a aucunement été démontré" qu'il existe, en 2019, des missionnaires batifolant avec les petites négresses et/ou les petits nègres sous les cocotiers.

1 comment:

  1. Les cerfs-volants sont beaux dans le ciel. Quand ils sont sur le plancher des vaches, ils perdent de leur majesté. Ils défendent leurs intérêts et justifient leurs préjugés.

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