Monday, February 25, 2019

La France, pays de la deuxième chance.




Le 25 février 2019.

Je vous ai compris!
- Charles de Gaulle.
               
J'y pense et puis j'oublie, c'est la vie, c'est la vie.
- Jacques Dutronc.

Le repris de justice Alain Juppé, jadis condamné pour "prise illégale d'intérêts"  reconnaît que sa nomination au Conseil constitutionnel français soulève des questions sinon strictement juridiques, en tout cas morales, mais invoque, à l'instar des internautes et autres utilisateurs des réseaux sociaux ayant commis d'embarrassantes erreurs de jeunesse,  un "droit à l'oubli" puisqu'il a "purgé" sa peine.

De surcroît, il déclare pouvoir dégager "une forme de pardon" dans ses réélections successives à la mairie de Bordeaux.

Enfin, par une audacieuse interprétation de l'arrêt de la cour d'appel de Versailles, il décrète que cette juridiction lui a "en grande partie rendu son honneur" en 2004 en jugeant "expressément" qu'il ne s'était "rendu coupable d'aucun enrichissement personnel".

Cet helléniste a manifestement puisé dans "La rhétorique" d'Aristote pour trouver les mots justes qui convaincront les sceptiques, voire les cyniques.

On notera d'abord que "purgé" est joli en l'occurrence vu que, en ce qui concerne la peine d'emprisonnement, il a eu droit au sursis.

L'histoire confirme les vertus aseptisantes du suffrage populaire. L'Allemagne des années 1930 et l'élection de Kurt Waldheim à la présidence autrichienne en 1986 en sont l'éloquente démonstration (et ce dernier fut un éminent bénéficiaire du droit à l'oubli…).

Bien entendu, nul n'est plus habilité à absoudre l'auteur de malversations commises au détriment de la population parisienne que l'électeur bordelais lambda, d'autant plus que celui-ci  dû accueillir avec sérénité le rapport de 2018 de la Chambre régionale des comptes (CRC) de Nouvelle-Aquitaine qui fait état de nombreux artifices comptables utilisés par l'administration municipale afin de masquer l’endettement croissant - et préoccupant - de la ville de Bordeaux.

Et en effet, quoi de plus honorable, de plus altruiste, que d'assurer l'enrichissement d'autrui, de son propre parti politique en l'occurrence?

Mais là où Alain Juppé fait mouche, c'est lorsqu'il observe : "Vu de l’extérieur, il me semble au contraire que la diversité des parcours professionnels de ses membres constitue une richesse pour le Conseil".

D'aucuns sourcillent à l'idée de voir le Conseil compter un membre n'ayant pas suivi de formation juridique classique complète, alors que le nouveau sage peut faire état d'une expérience "sur le tas" qui va au-delà des connaissances purement livresques, trop souvent privilégiées en France où sévit le culte exagéré des peaux d'âne.

Les baux immobiliers n'ont plus de secrets pour lui, surtout sur le plan de la fixation des loyers; il est versé dans les libéralités envers les enfants (puisées dans le patrimoine public, mais c'est un détail); les emplois fictifs sont riches d'enseignements en matière de droit du travail.

Enfin, ses connaissances de droit et de procédure pénale ne sont plus à démontrer.

Bref, la mentalité de tour d'ivoire, le platonisme éthéré, très peu pour cet esprit aristotélicien.

Sortons furtivement de l'oubli, pour leur rendre hommage, le juge Jean-Pierre Munier, expert ès pièces antidatées, qui a fait une très belle carrière, et surtout Fabrice Burgaud, dont une instruction fut quelque peu ternie par la mort d'un trouble-fête d'innocent en prison, qui a été promu avocat général référendaire à la Cour de cassation.

Alain Juppé, Solon des temps modernes, qui n'a pas de sang sur les mains, peut donc logiquement entrer au Conseil la tête haute.

Son casier judiciaire lui colle moins à la peau qu'un tatouage.

LP


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