Thursday, February 23, 2017

Le port des signes religieux au Québec : la commission Bouchard sans Taylor.

Le 23 février 2017.


Philosophia theologiae ancillans
( La philosophie est la servante de la théologie)
- Roger Bacon.

Le très chrétien philosophe Charles Taylor, aujourd'hui éminence grisâtre du premier ministre québécois, "sheikh" Philippe, prônait, en 2008, en compagnie de Gérard Bouchard, une interdiction du port de signes religieux limitée aux seuls fonctionnaires "en position d'autorité", disposant d'un "pouvoir de coercition", à savoir les juges, les procureurs de la Couronne, les policiers et les gardiens de prison. Il y renonce aujourd'hui. Quelle est la portée réelle de cette nouvelle profession de foi?.
                        
Ces expressions sont malheureuses car c'est ignorer que tout fonctionnaire, au service de l'Etat, dispose, par définition, d'un pouvoir de coercition sur tous les administrés, dont l'intensité varie simplement selon son champ de compétence.

En fait, les commissaires s'en tenaient aux seuls dépositaires de l'autorité publique habilités à faire usage de la violence physique, ce qui n'allait pas loin. Et là encore, va pour les policiers et les gardiens de prison. Mais quid du procureur et du juge?

Contrairement aux policiers, ils ne sont pas sur le terrain. Ils ne manient ni matraque, ni grenade lacrymogène, ni arme à feu, mais une simple plume. Le rôle du procureur consiste à décider d'engager, ou non, des poursuites et à défendre ses thèses devant le juge; la mission de celui-ci est de dire le droit à l'occasion des affaires qui lui sont déférées, et ses jugements ne sont que vœux pieux en cas d'inaction de la part de la force publique.

(On ne saurait mettre en cause l'immense érudition des deux commissaires canadiens au seul motif qu'ils ne connaissaient probablement pas le drame des propriétaires de logements en région parisienne incapables d'expulser leurs locataires indélicats après jugement définitif; par contre, est plus troublante leur ignorance manifeste des deux jugements, rendus en 1892 et en 1909 déclarant anticonstitutionnel l'unilinguisme anglais au Manitoba et qui, jusqu'en 1985, demeurèrent lettre morte face au refus déclaré de l'exécutif d'obtempérer.)

Par contraste, si l'on se place sur le seul plan de la coercition directe, même sans "violence", il y a, par exemple, le contrôleur fiscal, ou le fonctionnaire d'assurance-emploi auquel sa hiérarchie impose des quotas de rejet, qui sont en mesure de prendre des mesures drastiques avec effet immédiat, que l'intéressé aux faibles ressources financières n'est pas toujours en mesure de contester devant le juge. (Tel n'est pas le cas du titulaire d'un compte bancaire à Jersey…). Leur plume est un ustensile plus rapide que celle du procureur et du juge.

La "solution" retenue en 2008 par la commission Bouchard-Taylor n'était donc, au final, ou plutôt au départ, qu'une coquille symbolique presque vide. La marche arrière de Charles Taylor, spectaculaire pour le vulgaire, relève plutôt de l'enculage de mouches, très prisé des théologiens médiévaux, comme Saint-Thomas d'Aquin (s'il n'y avait eu que les mouches…); cela dit, le ponte Taylor a fait cadeau d'un magnifique sophisme à l'ex-laquais du pouvoir wahhabite, "sheikh" Philippe, qui feint de croire que le juge obligé de revêtir la toge, mais… interdit de voile, de kippa, de turban, ou de signes d'appartenance politique est victime de discrimination "vestimentaire".

Le très catholique Charles Taylor, bien introduit, non seulement dans les mouches, mais aussi dans les cercles feutrés vaticanesques, qui, manifestement, n'a toujours pas digéré le rejet des tribunaux religieux en Ontario, fait maintenant mention d'"événements" de stigmatisation des Musulmans qu'il attribue notamment à la proposition de charte des valeurs du PQ de 2014. (Deux semaines après la tragédie de Québec, on ne saurait évidemment imaginer de sa part et de "sheikh" Philippe une insidieuse tentative de récupération politique des morts).
                          
On notera au passage qu'il susurre sur les ondes de RDI, avec une onctuosité chanoinesque, en 2017, son respect du nationalisme modéré de René Lévesque et du poète Gérald Godin.

Pourtant, la propagande de nazisme était monnaie courante dans certains milieux fédéralistes dans les années 1970 et l'hystérie atteignit un sommet en 1976 lorsqu'il fut affirmé que "Demain nous appartient", composée par Stéphane Venne, entendue au centre Paul-Sauvé le 15 novembre était la reprise d'une chanson nazie (fictive d'ailleurs); ce canard fut véhiculé notamment par d'éminents collègues de Charles Taylor de l'université McGill, puis par le romancier de talent, polémiste confirmé, et mercenaire journalistique, à la fois contempteur du Québec et antisémite (pas de jaloux!), le très goebbelsien Mordecai Richler. Pierre Elliott Trudeau, lui, qualifiait le projet de souveraineté du Québec de "crime against the history of mankind" (avec quelle horreur le grand ami de Castro a dû vivre par la suite l'effondrement du multinational empire soviétique…). En désespoir de cause, d'aucuns extirpaient parfois des oubliettes Adrien Arcand, nazi confirmé et… anglophile, admirateur inconditionnel de l'empire britannique, soutenu au Québec par trois pelés et un tondu; ses torchons, notamment Le Goglu, ne survécurent qu'un temps que grâce aux généreuses subventions en provenance de cercles conservateurs de Toronto et de Londres.

Mais Dieu nous garde de reprocher à l'universitaire Charles Taylor un révisionnisme historique. Sa défaillance de mémoire appelle la compassion : à l'âge de 85 ans, après des décennies de spéculations doctrinales effrénées, on n'échappe pas toujours à l'érosion de son capital de neurones.

Au jour d'aujourd'hui, les actualités lui apportent quelques éléments de réconfort.

Le Congrès du comité national des jeunes du Parti québécois a rejeté, le 19 février, l'idée d'interdire le port des signes religieux dans l'ensemble de la fonction publique. Vu les lacunes en matière d'histoire, même canadienne, des jeunes Québécois, victimes d'un enseignement médiocre, il ne pouvait venir à la plupart des participants l'idée de suivre l'exemple de Kemal Atatürk, émancipateur de ses compatriotes féminines, mais dont l'héritage est en péril; en Turquie, le dernier bastion de la laïcité, l'armée, vient de… capituler : elle accepte désormais le port du voile islamique. Le vrai calife, Recep Tayyip Erdogan, a définitivement opté pour le modèle canadien, alors que les femmes des régions qui ne sont plus occupées par Daech, désormais libres de leur choix, brûlent leur obscurantiste niqab.

It's morning again in the Ottoman empire… Nous sommes revenus au 31 octobre 1922.

Peut-être, à ce stade tardif de son passage sur notre planète, le grand sage Taylor se sent-il tenu de s'aplatir, une fois de plus, très œcuméniquement, devant les institutions religieuses pour gagner son ciel? Et/ou éventuellement ses 72 vierges?

Les voies du Seigneur, elles, sont trop souvent impénétrables.

LP

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