Thursday, June 25, 2015

Le 25 juin 2015. La pérennité des symboles.



I bet you can squeal like a pig.
- Réplique tirée de Deliverance, le chef d'œuvre de John Boorman.

I tried to talk about good roads and good schools and all these things that have been part of my career, and nobody listened. And then I began talking about niggers, and they stomped the floor.
- George Wallace.

La tuerie de 9 Noirs à Charleston dans une église par un suprémaciste blanc vient d'inciter l'assemblée législative de la Caroline du Sud, premier Etat esclavagiste à se retirer de l'Union en 1860, à ouvrir un débat sur la délicate question de savoir s'il est judicieux, 150 ans après la fin de la guerre de sécession, de laisser flotter devant les bâtiments publics le drapeau de la confédération sudiste, le "Rebel flag" qui fait l'unanimité chez les racistes, prêts ou non à passer aux actes.

Chose certaine, sous le soleil de plomb des Etats situés au sud de la Mason-Dixon Line, les cogitations sur les enjeux sociaux ne se déroulent pas à un rythme particulièrement hâtif.

Une faible lueur d'espoir : le gouverneur de l'Alabama a pris, de sa propre initiative, l'audacieuse décision de retirer immédiatement du capitole ce sinistre symbole.

(Il faut croire qu'il y a des rednecks un peu moins lymphatiques que d'autres : on peut espérer avoir des cellules grises un peu plus actives quand on n'est pas l'enfant de sa cousine au premier degré, même si elle n'avait que 13 ans à l'accouchement.)

A titre comparatif, il n'est pas inutile de rappeler que, en ce qui concerne la swastika, en Allemagne, on a clos ce genre de débat dès 1945.

LP

Le 23 juin 2015. Le pape condamne les manquements des Alliés pendant la seconde guerre mondiale.



Le présent est chargé du passé, gros de l'avenir.
- Leibnitz

Qu'à la minceur des épluchures on voit la grandeur des nations.
- Jacques Brel (Le caporal Casse-Pompon).

Le pape François ne cessera pas de nous étonner par son avant-gardisme.

Voilà que, aujourd'hui, en 2015, il reproche aux Etats alliés de n'avoir pas bombardé pendant la seconde guerre mondiale les lignes de chemin de fer servant au transport des Juifs, homosexuels et autres Tziganes vers les camps d'extermination.

Un sermon émouvant.

Mais qui aurait peut-être été encore plus convaincant s'il avait été assorti d'une aussi ferme condamnation des "filières romaines" qui ont permis à de nombreux criminels de guerre nazis de fuir, après 1945, vers des pays latino-américains ou arabes plus accueillants. On rappellera notamment le cas d'Adolf Eichmann, éminent comptable de son état, dont le titre de gloire fut, précisément, la saine gestion des transports ferroviaires assurant les liaisons entre les ghettos et les camps de la mort.

Il bénéficia dans plusieurs pays d'Europe de plusieurs "planques" dans, par exemple, des monastères dirigés par des abbés animés, cela va de soi, par un pur esprit de charité chrétienne. Et, en 1950, avec l'aide précieuse de l'Evêque autrichien Alois Hudal, il fut exfiltré vers l'Argentine.

Sa connaissance des chiffres y fut appréciée.

LP


Monday, June 15, 2015

Le 15 juin. 2015. Le gouvernement québécois ne s'agenouille pas devant les intégristes…



M. ROBERT.- Holà, holà, holà, fi, qu’est-ce ci ? Quelle infamie, peste soit le coquin, de battre ainsi sa femme.
MARTINE, les mains sur les côtés, lui parle en le faisant reculer, et à la fin, lui donne un soufflet.- Et je veux qu’il me batte, moi.
M. ROBERT.- Ah ! j’y consens de tout mon cœur.
MARTINE.- De quoi vous mêlez-vous ?
M. ROBERT.- J’ai tort.
MARTINE.- Est-ce là votre affaire ?
M. ROBERT.- Vous avez raison.
MARTINE.- Voyez un peu cet impertinent, qui veut empêcher les maris de battre leurs femmes.
M. ROBERT.- Je me rétracte.
MARTINE.- Qu’avez-vous à voir là-dessus ?
M. ROBERT.- Rien.
MARTINE.- Est-ce à vous, d’y mettre le nez ?
M. ROBERT.- Non.
MARTINE.- Mêlez-vous de vos affaires.
M. ROBERT.- Je ne dis plus mot.
MARTINE.- Il me plaît d’être battue.
M. ROBERT.- D’accord.
MARTINE.- Ce n’est pas à vos dépens.
M. ROBERT.- Il est vrai.
MARTINE.- Et vous êtes un sot, de venir vous fourrer où vous n’avez que faire.

- Molière (Le médecin malgré lui, Acte I, scène II)



…Il s'aplatit. Et il rampe.

La ministre de la Justice du Québec, Stéphanie Vallée, vient de présenter le projet de loi no 62 portant le titre prometteur de Loi favorisant (sic) le respect de la neutralité religieuse de l’État et visant notamment à encadrer les demandes d’accommodements religieux dans certains organismes. La seule exigence imposée aux fonctionnaires québécois est de travailler à visage découvert et seul le port du niqab et de la burqa est interdit.

Par contre, le tchador demeure… de mise, même s'il constitue toujours, en soi, un symbole d'oppression de la femme, comme le reconnaissait avec une émouvante passion le premier ministre Philippe Couillard avant sa prise de pouvoir. Mais sa ministre de la Justice refuse vertueusement l'idée de "volte-face" et parle maintenant du respect du droit des femmes qui le portent "volontairement" (sic), donc de leur droit de se soumettre volontairement à l'oppression; son texte, nous dit-elle suavement, n'est pas censé codifier la tenue vestimentaire des fonctionnaires.

On concèdera qu'il n'est sans doute pas du ressort de l'Etat d'encadrer les défilés de mode. Le hic est que Madame Vallée feint d'ignorer qu'il existe des modes de communication non-verbale, parfois fort éloquents. En l'occurrence, l'on est censé croire qu'un accoutrement ne peut jamais porter de message.

L'on peut donc penser que la ministre ne trouvera rien à redire sur l'affichage de son appartenance politique par le fonctionnaire en exercice. On suppose aussi qu'elle ne s'offusquera pas non plus à l'idée de le voir arborer fièrement, si cela lui chante (surtout s'il est juif!) la swastika, ou l'étoile jaune. A condition, bien sûr, qu'il évite dans tous les cas l'usage de macarons épinglés : dans tous les cas, il devra avoir recours à des badges cousus dans ses vêtements.

Mieux, le serviteur de l'Etat peut se présenter au travail avec un blouson des Hell's Angels ou en uniforme nazi tant qu'il respecte sa description de tâche.

(Pendant que la ministre y est, qu'elle exauce le vœu des épouses qui "veulent" porter le patronyme de leur époux; on en trouve encore au Québec.)

S'il n'est - apparemment - toujours plus question de voir se présenter aux élections provinciales une candidate revêtue du noir tchador portant les… couleurs libérales, les musulmanes tchadorées ont droit à des prix de consolation : elles peuvent aspirer aux fonctions de policier, de gardien de prison, et même… de magistrat. Et les fonctions publiques municipales, avec lesquelles le citoyen lambda a le plus de contact dans la vie quotidienne, restent libres d'accueillir à bras ouverts (c'est une métaphore… tout contact physique étant exclu, cela va de soi…) les burquées et niqabées. Avec des interlocutrices aussi amènes, c'est dans une ambiance conviviale que l'on réglera sa contravention pour parking interdit ou sollicitera son permis de construire.

(Evidemment, pour faire bonne figure, est maintenue la répugnante relique du régime duplessiste, le démoniaque crucifix qui fait figure d'épée de Damocles au dessus du président de l'assemblée nationale; c'est bien le moins que doit le divorcé remarié Philippe Couillard à Notre Saint-Père le Pape, qui a eu la bonté de le recevoir récemment à Rome pendant 45 secondes - contrairement à Stephen Harper qui, à titre de chef d'Etat, eu droit à 10 minutes, et au frais, à l'intérieur du Vatican…)

Les tortionnaires de Raif Badawi - les ex-employeurs saoudiens du Dr Philippe Ibn-Couillard, devenu chef du gouvernement québécois au terme d'une reconversion professionnelle réussie, qui l'ont grassement payé pour ses bons et loyaux services avec des pétrodollars dégoulinant de sang - savent qu'il n'a d'autre choix que de manifester un appui de façade au malheureux blogueur. Marketing politique local oblige.

C'est le (faible) prix à payer pour avoir droit, par ailleurs, à une sorte de "service après-vente", même, et surtout, assuré à titre gracieux.

Cette parodie de projet de loi n'est qu'une coquille… pas si vide que ça, car ce texte consolide bel et bien la position des intégristes, qui disposeront, dès son adoption, d'une tête de pont favorisant, non pas le respect de la neutralité religieuse de l’État, mais  l'infiltration des fonctions publiques québécoises. Le cheval de Troie attend patiemment l'ouverture des portes de la cité, au sens aristotélicien du terme.

"Sheikh Philippe" vient de montrer à ses amis de "Daech-lite" qu'il a, au moins, la reconnaissance du ventre.

LP



Friday, June 5, 2015

Le 5 juin 2015. Génocide culturel et réconciliation avec les premières nations au Canada.



L'histoire ne repasse pas le plat.
- Louis-Ferdinand Céline.

Words are not important, but their meanings.
- Somerset Maugham.

Il faut rendre hommage à la virtuosité sémantique des scénaristes du premier ministre canadien.

La Commission de vérité et réconciliation du Canada vient de prononcer ses conclusions sans appel : les pensionnats autochtones ont servi d'instrument de génocide culturel visant les premières nations. Quelques jours auparavant, la juge en chef de la Cour suprême du Canada s'était exprimée dans le même sens.

Cependant, il en fallait plus pour décontenancer M. Harper, qui préfère invoquer l'idée (apparemment) plus inoffensive d'"assimilation forcée"… Un bien jésuitique distinguo. Nul doute qu'il sait faire la différence entre une pluie verglassante et une neige fondante.

A l'occasion de la publication du rapport de la Commission, son président, Murray Sinclair, a annoncé que, en guise d'action concrète, il réclamait la formation d'une commission d'enquête concernant la disparition et l’assassinat de femmes et jeunes filles autochtones; il a eu droit à ce qu'on appelle en France une "standigne auvécheunne".

A une sinistre exception près : l'honorable Bernard Valcourt, Lord Lieutenant, ou… Great InDuna (comme l'on voudra) des Autochtones, qui est resté assis. Et de marbre.

Faut-il vraiment s'en étonner?

LP