Le 19 août 2024.
Je ne suis pas quelqu'un qui a le culte du Moi.
- Alain Delon.
Un ami ? C'est quelqu'un à qui on peut téléphoner à trois
heures du matin en disant qu'on vient de commettre un crime et qui vous répond
seulement : “Où est le corps ?”
- Alain Delon aussi.
Rideau, ou plutôt clap de fin pour un monstre
sacré du cinéma français, selon l’expression consacrée.
On ne passera pas ici en
revue son impressionnante carrière, traitée de manière plus fouillée ailleurs.
Cependant, on relèvera quelques éléments troublants sur la personnalité de ce
beau ténébreux.
Sur le plan politique,
il se déclarait sans ambiguïté de droite et se définissait plus précisément comme
« gaulliste ». Fort bien, mais il entretenait une solide amitié avec le
tortionnaire Jean-Marie Le Pen, maître ès-gégènes en Algérie, qui fonda son
parti avec des congénères impliqués de loin ou de près, au moins moralement, dans
les tentatives d’assassinat du général, et il voyait d’un bon œil l’importance
grandissante du Front National sur la scène politique. Comprendra qui peut.
Par contre, fut très cohérent
son soutien à Raymond Barre aux élections présidentielles de 1988. En effet, « le
meilleur économiste de France » avait accumulé une fortune colossale
cachée en Suisse et l’acteur était d’ailleurs lui-même devenu exilé fiscal
chez les Helvètes dès 1984. Les grands esprits se rencontrent…
Quant aux produits
dérivés portant la marque « Alain Delon », très populaires en Asie,
surtout au pays du soleil levant, on ne saurait reprocher au cinéaste la
capitalisation de son nom. Aux consommateurs de prendre librement leurs
décisions. Cependant, il y a un rôle que A.D. n’a jamais joué : défenseur
de la santé publique. Sa commercialisation de la cigarette « Alain Delon »
sous le slogan « A taste of France » laisse un arrière-goût amer.
Enfin, celui qui joua
successivement les voyous et les flics prit une position étonnante lors de l’affaire
Richard Roman, qui avait été accusé du viol et du meurtre de la petite Céline
Jourdan en 1988. Si on peut louer l’acteur d’avoir pris sous aile la famille de
l’enfant-martyre, demeure inexplicable son acharnement contre Roman, alors que
la gendarmerie avait fait pression et même exercé des menaces sur 8 témoins afin
qu’ils modifiassent la chronologie
des faits qui innocentaient l’accusé, dont
les aveux avaient été - quelle surprise! - extorqués.
Mais le commissaire divisionnaire Delon, fin limier à qui on ne la faisait pas, a persisté à qualifier ce pauvre pigeon
de hippie d’ « assassin » à la télévision en dépit de son acquittement, car un innocent, paraît-il,
ne reste pas là, bêtement figé, hagard, sous le poids des accusations. Ah non, « on
crie! on hurle! ». Pour convaincre celui dont les silences à l’écran étaient
souvent lourds de sens, un innocent doit être passé par le cours Simon.
Pourtant, à une certaine époque, lors de l’affaire Markovic, le suspect Delon était
resté d’une impassibilité marmoréenne, parfois assimilée à l’insensibilité, à l’égard
de son défunt garde du corps, devant les enquêteurs…
Emulant Lao-Tseu et Jean-Claude
van Damme, il prononça un jour ces sages paroles : « On n’a pas les
mêmes chances de réussir dans la vie ».
Telle fut sans doute la
dernière pensée de Richard Roman lorsqu’il se suicida en 2008.
LP
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