Friday, March 1, 2024

Chronique canadienne : une grande victoire pour la civilisation et un triste décès.

Le 1er mars 2024.

La laïcité ne nous a pas été donnée comme une révélation. Elle n’est sortie de la tête d’aucun prophète; elle n’est exprimée dans aucun catéchisme. Aucun texte sacré n’en contient les secrets, elle n’en a pas. Elle se cherche, s’exprime, se discute, s’exerce et, s’il faut, se corrige et se répand.
- Claude Nicolet.

Le 29 février 2024, la cour d’appel du Québec fait triompher sur toute la ligne le gouvernement du Québec, et déboute les obscurantistes sur la totalité du territoire : son arrêt sur la Constitutionnalité de la Loi sur la laïcité de l’État décide qu'est bel et bien constitutionnelle la loi 21 sur la laïcité de l'État. Il a fallu à la cour 300 pages pour faire ce constat de simple bon sens : le Québec est un État laïque. Corrélativement, jour de deuil pour les lobbies religieux; c’est avec une certaine jubilation que les rationalistes pensent notamment à la mine déconfite de leurs trudeauesques pantins multiculturalistes qui infestent l’université McGill et, plus sinistrement, la faculté de droit.

En France, est en vigueur, et va sans dire, l’humanisme du siècle des lumières depuis la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905; il a fallu plus de temps pour que soit  respecté, encore que plus timidement, sur les rives du Saint-Laurent, le principe de la neutralité de l’Etat vis-à-vis de l’ensemble des religions.

D’aucuns seront déçus par la petite exception accordée aux députés de l’assemblée nationale, mais on peut s’en consoler philosophiquement vu que l’abbé Pierre, sincère ami des pauvres et des démunis, siégeait en habit ecclésiastique au palais Bourbon dans les années 1950.

Une ombre demeure au tableau.

Les fonctionnaires québécois se voient confirmer l’interdiction de se livrer à la propagande religieuse pendant leurs heures de fonction, surtout les enseignant(e)s, qu’elles fussent des bonnes soeurs à cornettes ou des musulmanes voilées, qui ont une clientèle captive et manipulable à leur merci. Cela dit, sont toujours abandonnées à leur sinistre sort les fillettes mineures encore soumises au port du voile islamique à l’école publique, primaire et secondaire, imposé par des parents incultes et sectaires, en toute impunité. Quand le Québec ordonnera-t-il l’émancipation de ces malheureuses, à l’instar de la république française il y aura bientôt 20 ans?

Pour l’instant, le premier ministre Legault évoque une belle victoire pour “la nation québécoise”. Il serait plus judicieux de dire qu’un petit phare supplémentaire éclaire l’humanité entière.

Mais gare au triomphalisme.

Cette victoire judiciaire pourrait être temporaire et remise en question par la Cour suprême du Canada. On peut d’ailleurs s’attendre à voir l’infatigable philosophe et bon apôtre catho Charles Taylor reprendre le bâton de pèlerin afin de promouvoir la géhenne, dont il sait donner un avant-goût.

Le pactole de la fondation Templeton l’oblige, au moins moralement, à la prestation d’un durable service après-vente. L’heure est grave. Un exorcisme est-il de mise?

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Par ailleurs, on annonce le décès de l’ancien premier ministre canadien Brian Mulroney, le “p’tit gars de Baie-Comeau”, à l’image du “p’tit gars de Shawinigan”, Jean Chrétien.

(Curieux pays où de tels sobriquets sont des titres de gloire).

Il avait quitté ses fonctions en disgrâce en 1993. À chaud, on peut retenir dans son bilan : l’adoption du libre-échange avec les Etats-Unis, plus efficace sur le plan économique pour les deux pays, même s’il déplaisait... souverainement aux protectionnistes ontariens; ses interventions en faveur de Nelson Mandela; et son souci authentique de la place du Québec au sein du Canada et des communautés francophones canadiennes hors Québec.

Mais surtout, on retiendra son action écologique, notamment au sujet des pluies acides, qui fit de lui le plus “vert” des chefs de gouvernement canadiens, ce qui n’est pas rien.

Il est permis de penser que l’histoire lui pardonnera ses cuisants échecs constitutionnels (résultant de trahisons qui ne pouvaient d’ailleurs venir que du Canada anglais) et, lors de l’affaire Airbus, les pots-de-vin qui lui furent versés en liquide dans des enveloppes brunes par le fraudeur fiscal allemand Karl-Heinz Schreiber. Sans oublier ses regrettables vocalises au Shamrock Summit de Québec en 1985...

LP

5 comments:

  1. L'expression «le petit gars de...» est typique de la parlure québécoise. À Québec existe la rue du Petit Champlain. Le toponyme a écrasé ou détruit Petite Rue Champlain à la suite de traductions malhabiles.

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  2. Je m'interroge sur cette exception qui fait que les candidats, les députés et les ministres peuvent se présenter le visage couvert. Le premier devoir d'un candidat n'est-il pas d'être identifié et identifiable? Comment faire dès qu'on a un candidat cagoulé ou, pis encore, portant le masque d'un autre candidat? Qui ne voudrait pas avoir la tête de (Indiquer ici votre candidat préféré ou ayant le plus de chance de l'emporter)?

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    1. On peut prévoir l'élection à l'assemblée nationale d'un prêtre-ouvrier et même d'une bonne soeur à cornettes pleinement identifiables dans un proche avenir..

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  3. Oui, mais on donne toujours l'exemple du visage entièrement couvert.

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    1. Voir une députée siéger en burqa serait du plus haut comique. La Cour d'appel du Québec a peut-être fait un cadeau empoisonné au lobby religieux...

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