Thursday, March 21, 2024

« Personnes ayant un vagin » : saine réaction de la ministre québécoise Martine Biron.

Le 21 mars 2024.

On ne naît pas femme : on le devient.
- Simone de Beauvoir (« Le Deuxième sexe »).

Dans un récent arrêt portant sur une agression sexuelle, R. c. Kruk, 2024 CSC 7, la Cour suprême du Canada vient de s’illustrer par une délicieuse et (édifiante) trouvaille linguistique : une « femme » est une « personne ayant un vagin » : 

Lorsqu’une personne ayant un vagin témoigne de manière crédible et avec certitude avoir ressenti une pénétration péno-vaginale, le juge du procès doit pouvoir conclure qu’il est peu probable qu’elle se trompe…

En v.o. a person with a vagina testifies credibly and with certainty that they felt penile‑vaginal penetration, a trial judge must be entitled to conclude that they are unlikely to be mistaken (Non souligné dans l’original).

(NOTE : en cette ère de neutralité en matière de pronoms, on s’étonne quand même de voir ici « they »; on penserait que « she » n’offusquerait personne).

Une observation faite, sans rire, par (officiellement, on y reviendra plus loi) la juge Martin, et suivie par la Cour unanime, y compris par ses collègues membrés.

Singulier monologue.

Voilà qui a a amené la ministre québécoise de la condition féminine, Martine Biron, à présenter la motion suivante à l’assemblée nationale, laquelle fut adoptée, à l’unanimité et sans abstention, le 14 mars dernier :

Que l’Assemblée nationale dénonce le choix des mots utilisés dans un récent jugement de la Cour suprême pour désigner les femmes; Qu’elle réitère l’importance de conserver le mot "femme"; Qu’elle se dissocie de l’utilisation de termes ou de concepts contribuant à invisibiliser les femmes; Qu’elle rappelle les gains importants réalisés dans les dernières décennies afin de faire avancer les droits des femmes et la nécessité de protéger ces droits acquis.

Certains commentateurs médiatiques, pas seulement titulaires d’un phallus, tentent de minimiser la chose au motif que cette expression ne figure qu’une seule fois dans l’arrêt, tandis que que « femme » revient 67 fois. Cependant, ces pisseurs de copie feignent d’ignorer que l’on ne compte pas les mots : on les pèse.

En outre, certains élus du parti libéral du Québec et de Québec solidaire font maintenant marche arrière, regrettant leur vote, dû, paraît-il, à la précipitation, au motif qu’ils n’avaient pas eu le temps de lire au complet cette juteuse jurisprudence. Par contre, la CAQ et le PQ, persistent et signent. Ce sont ces derniers qu’il faut féliciter de leur cohérence.

À tout le moins, voilà qui illustre la négligence crasse de certains élus qui invoquent maintenant leur propre turpitude. La présente controverse coïncide avec le décès d’Yves Michaud, («  Robin des banques ») qui fut jadis victime d’une sinistre cabale : le 14 décembre 2000, l’assemblée nationale, transformée instantanément en tribunal populaire, adopta, sans vérification, une motion le condamnant pour propos antisémites. Ce mensonge d’Etat, conçu notamment par le parti québécois de Lucien Bouchard afin de mettre hors-jeu un trouble-fête, ne fit jamais l’objet d’une rétractation, encore moins d’excuses. Sans vergogne, le négationniste premier ministre Legault s’accroche aujourd’hui à la calomnie et ne saurait envisager d’excuses officielles, même posthumes; on pense au « herem » d’excommunication visant Spinoza, toujours en vigueur.

Par contre, en l’espèce, l’expression « personne ayant un vagin » est bel et bien inscrite dans le marbre de la Cour suprême, pour l’éternité. On voit donc mal ce qui justifierait une répudiation du constat objectif de la ministre Biron. Au contraire, la (re)lecture de l’arrêt ne peut que confirmer sa validité. Que ces ces messieurs-dames du PLQ et de QS soient rassuré(e)s : même sans le vouloir, ils/elles ont agi sagement. Les voies de la vérité sont parfois comme celles du Seigneur : impénétrables.

La haute juridiction canadienne a donc commis une bourde historique. En voici l’explication la plus vraisemblable.

Les milieux juridiques canadiens bien informés savent que, depuis des décennies, trop de magistrats sous-traitent la rédaction de leurs jugements à leurs auxiliaires (« law clerks » en v.o.), stagiaires frais émoulus de la faculté de droit, qui leur servent de nègres littéraires (si l'on ose dire en l’occurrence); trop souvent, les textes dont ils accouchent dans la douleur ne font l’objet que d’une relecture en diagonale.

S’il est impossible de s’introduire dans les méandres de la Cour et donc de savoir si l’auxiliaire en cause qui a pondu de cette affligeante formule a un pénis ou un vagin, chose certaine, cette personne a un anus bien fonctionnel.

De là une question plus angoissante, qui donne ouverture à toutes les conjectures : Que dira la Cour le jour où elle sera saisie d’une affaire encore plus délicate de viol anal, au masculin comme au féminin ? Comment qualifiera-t-elle la victime?

LP


Tuesday, March 19, 2024

Sainte Russie : victoire à l’arraché de Vladimir Poutine.

Le 19 mars 2024.

Ce pays est mou.
- Charles de Gaulle.


[En cas de guerre nucléaire]« l'agresseur doit comprendre que le châtiment est inévitable, qu'il sera détruit. Et nous, en tant que victimes d'une agression, en tant que martyrs, nous irons au paradis. Eux [les agresseurs], ils crèveront tout simplement, ils n'auront même pas eu le temps de se repentir ».
- Vladimir Vladimirovitch Poutine,

Le dramatique et insoutenable suspense se solde par un triomphe pour la démocratie : l’humaniste président de toutes les Russies est réélu. Une petite déception, cependant, il ne recueille qu’un maigre 87% des suffrages. Les grands hommes d’État visionnaires sont trop souvent incompris, même et surtout quand ils invoquent patriotiquement la formule consacrée du « droit de se défendre », (formule qui, par les temps qui courent, tinte avec une certaine régularité dans les actualités). On a beau être foncièrement pacifiste, pas question de se laisser « intimider » par les agresseurs.

En l’occurrence, il est impossible de ne pas faire le rapprochement avec la saga de Rocky Balboa : même quand tout semble perdu, face à l’adversité, la persévérance est toujours récompensée. Quand on mène un combat d'idées à la loyale, on est toujours gagnant, surtout quand on est adoubé par le patriarche orthodoxe Kirril, ex-collègue du KGB, et l'on devient ainsi l'oint du Seigneur.

Avec le président Poutine, la planète entière est à l’aube d’une ère messianique. Les temps sont proches.

LP 

Sunday, March 10, 2024

Le droit à l’avortement (IVG) est inscrit dans la constitution française.

Le 10 mars 2024. 

If men could get pregnant, abortion would be a sacrament.
- Gloria Steinem.
 
En 1971, l'avortement cela voulait dire la prison pour les pauvres, et l'Angleterre pour les riches.
- Colombe Schneck.

Dure défaite pour le Vatican et ses amateurs de chair fraîche (à l’occasion du sexe opposé). Et aussi pour leur éminent suppôt français, l’onctueux eurodéputé (Les Républicains) François-Xavier Bellamy, un produit dérivé de Philippe de Villiers.

(Toutes proportions gardées : si le « chouan de la culture » a un faciès ravagé par la macération de la chair due au port du cilice et aux conflits entre ses fils, l’avenante frimousse du jeune disciple évoque plutôt l’ange exterminateur).

Un subtil intello qui met savamment les sophismes jésuitiques au service de l’idéologie janséniste. Un bel équilibriste

S’il eût été député, il eût voté « non » à cette réforme. Le contraire eût été étonnant. Mais ses fallacieux arguments sont révélateurs de sa duplicité.

Il s’agissait pour lui d’éviter les querelles « byzantines » qu’était censée soulever la protection de l’IVG par la constitution. On voit mal lesquelles. Et voilà une objection plutôt inattendue de la part de ce fervent lecteur des édifiantes questions discutées par Saint-Thomas d’Aquin dans sa « Summa Theologia ». Allant plus loin, il estime que cette réforme ne changera rien à la vie quotidienne des femmes françaises puisque le droit à l’avortement n’est nullement menacé. En effet, puisque sa Sainte-Mère l’Eglise est, pour l’instant, hors-jeu! (Cependant... s’il n’en tenait qu’à Elle, qu’à lui?…). Sur ce point, il a donc parfaitement raison, mais il feint d’ignorer qu’il s’agissait de protéger l’avenir. Quel prophète peut prédire ce qui se passera dans 5 ans? Dans 150 ans?

Nul doute que ce distingué professeur agrégé de philosophie est au courant du récent revirement de la jurisprudence de la cour suprême américaine : un droit qui semblait sacré depuis un demi-siècle par l’arrêt Roe v. Wade est annulé d’un trait de plume, notamment celle du vaticanesque juge Alito, par la haute (si l’on ose dire en l’occurrence) juridiction américaine. Les femmes vivant surtout dans l’ancienne confédération sudiste (« South of the Mason-Dixon line ») sont désormais à la merci des législateurs masculins consanguins rednecks et de leurs collabos féminines, les élues soumises aux superstitions créationnistes pentecôtistes.

Incidemment, Saint-François-Xavier se paie le luxe de poser en féministe! Les femmes, surtout laïques, apprécieront cet audacieux positionnement. Par sa rapidité, ce processus constitutionnel n’a pourtant empêché en rien les députés de se pencher sur les problèmes sociaux de l’heure, censés préoccuper de manière prioritaire M. Bellamy; d’ailleurs, on aurait abouti à ce résultat n’eût été, précisément, des manœuvres dilatoires des députés machistes émules de M. Bellamy.

Désormais, en France, le droit à l’interruption volontaire de grossesse est explicitement inscrit dans le marbre constitutionnel pour les siècles des siècles et, en principe, est à l’abri d’une éventuelle prise de contrôle des institutions politiques et mêmes juridiques par la cinquième colonne catho.

Enfin, il faut l’espérer, car même le marbre n’est pas éternel, comme on put le constater en 1940… Les religieux, qui détiennent le monopole de la vérité, ont l’éternité pour eux et ruminent patiemment leur vengeance contre la société civile hérétique.

Avec cette révision constitutionnelle qui a coïncidé avec la journée internationale des droits des femmes, la France de Voltaire et de Diderot demeure un phare pour l’humanité.

LP

 

Friday, March 1, 2024

Chronique canadienne : une grande victoire pour la civilisation et un triste décès.

Le 1er mars 2024.

La laïcité ne nous a pas été donnée comme une révélation. Elle n’est sortie de la tête d’aucun prophète; elle n’est exprimée dans aucun catéchisme. Aucun texte sacré n’en contient les secrets, elle n’en a pas. Elle se cherche, s’exprime, se discute, s’exerce et, s’il faut, se corrige et se répand.
- Claude Nicolet.

Le 29 février 2024, la cour d’appel du Québec fait triompher sur toute la ligne le gouvernement du Québec, et déboute les obscurantistes sur la totalité du territoire : son arrêt sur la Constitutionnalité de la Loi sur la laïcité de l’État décide qu'est bel et bien constitutionnelle la loi 21 sur la laïcité de l'État. Il a fallu à la cour 300 pages pour faire ce constat de simple bon sens : le Québec est un État laïque. Corrélativement, jour de deuil pour les lobbies religieux; c’est avec une certaine jubilation que les rationalistes pensent notamment à la mine déconfite de leurs trudeauesques pantins multiculturalistes qui infestent l’université McGill et, plus sinistrement, la faculté de droit.

En France, est en vigueur, et va sans dire, l’humanisme du siècle des lumières depuis la loi sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat de 1905; il a fallu plus de temps pour que soit  respecté, encore que plus timidement, sur les rives du Saint-Laurent, le principe de la neutralité de l’Etat vis-à-vis de l’ensemble des religions.

D’aucuns seront déçus par la petite exception accordée aux députés de l’assemblée nationale, mais on peut s’en consoler philosophiquement vu que l’abbé Pierre, sincère ami des pauvres et des démunis, siégeait en habit ecclésiastique au palais Bourbon dans les années 1950.

Une ombre demeure au tableau.

Les fonctionnaires québécois se voient confirmer l’interdiction de se livrer à la propagande religieuse pendant leurs heures de fonction, surtout les enseignant(e)s, qu’elles fussent des bonnes soeurs à cornettes ou des musulmanes voilées, qui ont une clientèle captive et manipulable à leur merci. Cela dit, sont toujours abandonnées à leur sinistre sort les fillettes mineures encore soumises au port du voile islamique à l’école publique, primaire et secondaire, imposé par des parents incultes et sectaires, en toute impunité. Quand le Québec ordonnera-t-il l’émancipation de ces malheureuses, à l’instar de la république française il y aura bientôt 20 ans?

Pour l’instant, le premier ministre Legault évoque une belle victoire pour “la nation québécoise”. Il serait plus judicieux de dire qu’un petit phare supplémentaire éclaire l’humanité entière.

Mais gare au triomphalisme.

Cette victoire judiciaire pourrait être temporaire et remise en question par la Cour suprême du Canada. On peut d’ailleurs s’attendre à voir l’infatigable philosophe et bon apôtre catho Charles Taylor reprendre le bâton de pèlerin afin de promouvoir la géhenne, dont il sait donner un avant-goût.

Le pactole de la fondation Templeton l’oblige, au moins moralement, à la prestation d’un durable service après-vente. L’heure est grave. Un exorcisme est-il de mise?

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Par ailleurs, on annonce le décès de l’ancien premier ministre canadien Brian Mulroney, le “p’tit gars de Baie-Comeau”, à l’image du “p’tit gars de Shawinigan”, Jean Chrétien.

(Curieux pays où de tels sobriquets sont des titres de gloire).

Il avait quitté ses fonctions en disgrâce en 1993. À chaud, on peut retenir dans son bilan : l’adoption du libre-échange avec les Etats-Unis, plus efficace sur le plan économique pour les deux pays, même s’il déplaisait... souverainement aux protectionnistes ontariens; ses interventions en faveur de Nelson Mandela; et son souci authentique de la place du Québec au sein du Canada et des communautés francophones canadiennes hors Québec.

Mais surtout, on retiendra son action écologique, notamment au sujet des pluies acides, qui fit de lui le plus “vert” des chefs de gouvernement canadiens, ce qui n’est pas rien.

Il est permis de penser que l’histoire lui pardonnera ses cuisants échecs constitutionnels (résultant de trahisons qui ne pouvaient d’ailleurs venir que du Canada anglais) et, lors de l’affaire Airbus, les pots-de-vin qui lui furent versés en liquide dans des enveloppes brunes par le fraudeur fiscal allemand Karl-Heinz Schreiber. Sans oublier ses regrettables vocalises au Shamrock Summit de Québec en 1985...

LP