Sunday, June 4, 2023

Inquiétante censure d’État au Québec.

Le 4 juin 2023.

Consensus universel : l'accord des "on". 
- Raymond Queneau. 
 
Genius abhors consensus because when consensus is reached, thinking stops. Stop nodding your head. 
- Albert Einstein
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La ministre québécoise du Tourisme, Caroline Proulx, a exigé l'annulation d'un événement intitulé « Rallye foi, feu, liberté », orchestré par Harvest Ministries International (organisation basée à Kelowna, en Colombie-Britannique) qui devait avoir lieu du 23 juin au 2 juillet au Centre des congrès de la ville de Québec, au motif que cette activité créait un grand malaise” (sic). Ce congrès s’inscrivait dans une campagne de mobilisation pour mettre fin à l'accès à l'avortement, censé être, selon les organisateurs, symptomatique d’une influence satanique (sic) et du déclin moral radical du Canada (sic).

Selon le pédégé du Centre des congrès, Pierre-Michel Bouchard, “la liberté d’expression, c’est la règle (sic), mais il ajoute, du même souffle (chargé d’acétone) et sans rire : “Dans ce cas-là (sic), comme société d’État (sic), on pense que c’est notre rôle d’adhérer à certaines valeurs (sic) dont le gouvernement fait la promotion (sic)”.

La ministre Proulx a décrété que ce congrès “n'était pas le bienvenu dans une institution gouvernementale (sic)Notre gouvernement est résolument pro-choix. Et c'est un sujet qui fait largement consensus (sic) au Québec... Parce que c'est contre les principes fondamentaux (sic) du Québec... ce type d'événement-là n'aura pas lieu chez nous”.

Ah, mais au fait, quels sont ces principes? “Les principes fondamentaux de l’État, je pense que c'est clair (sic)” dit-elle. Mieux que clair, transparent. La laïcité de l’État en fait-elle partie? Réponse sybilline, mais inspirante de la part, cette fois, du premier ministre : “J’ai donné pendant la campagne électorale là-dessus”. Il ajoute : “On n'ira pas permettre à des groupes antiavortement de pouvoir faire des grands spectacles (sic) dans des organismes publics (sic)”.

L’art de dire tout et son contraire, parfois dans la même phrase. Au Québec, la liberté d’expression est à géométrie très variable.

En l’espèce, les cinéphiles d’un certain âge (et d’un âge certain) auront immédiatement à l’esprit un chef d'oeuvre du 7e art, “Z”, de Costa-Gavras : un député socialiste, peu avant son assassinat, se vit opposer la résiliation unilatérale de la location d’une salle de spectacle où devait se tenir un meeting, suite à des pressions politiques.

Apparemment, la ministre ignore que, dans toutes les sociétés, de nombreuses doctrines, sociales, économiques, politiques, religieuses, fascistes, communistes, (anti)sionistes, etc.. suscitent de grands malaises. Cependant, dans les pays civilisés, elles demeurent audibles. Les délicates victimes du “malaise” frileusement évoqué par la ministre Proulx disposaient d’un remède : ne pas assister à ce congrès et vaquer à leurs occupations. Tout simplement.

Invoquer, une fois de plus, Voltaire serait céder à la facilité d’un cliché en l’occurrence.

Il faut peut-être plutôt recommander à la ministre, et à tous les moutons de Panurge de l’assemblée nationale du Québec, qui a unanimement approuvé le baillonement de Harvest Ministries International (mais qui ne sont nullement offusqués par le “spectacle” de felliniesques “drag queens” dans les bibliothèques pour enfants), la lecture d’une autorité contemporaine incontestable en matière de liberté de droits de l’homme, de liberté de réunion et d’expression : Aryeh Neier.

Cet Américain, d’origine juive allemande, réfugié de l’Allemagne hitlérienne, a notamment défendu en 1977 le droit de groupes néo-nazis à défiler à Skokie, une banlieue de Chicago, comptant de très nombreux survivants de l’holocauste, ce qui était susceptible, en effet, de donner lieu à un certain malaise. L’intervention de la American Civil Liberties Unions (ACLU) triompha des manoeuvres d’obstruction de la part des autorités municipales. Le titre de son récit est aussi concis qu’éloquent : “Defending My Enemy: American Nazis, the Skokie Case, and the Risks of Freedom”,  P. Dutton; First Edition (Feb. 1 1979). On trouvera ce livre, qui stimulera la réflexion encore en gestation des saintes-nitouches et fera accoucher leurs esprits, dans toutes les bonnes bibliothèques de droit, selon la formule consacrée bien française.

Evidemment, au Canada, on est relativement plus timoré dans la défense de la liberté de parole, encore que l’état du droit est nettement meilleur qu’en France. Cependant, on ne peut qu’encourager Harvest Ministries International à s’adresser à la justice et notamment à solliciter une injonction, qui irait de soi aux Etats-Unis, dont la constitution est beaucoup plus voltairienne.

La “liberté de choix”, principe invoqué pieusement par les politiques québécois, doit viser aussi les communications d’idées. C’est une valeur qui protège tout autant le récepteur que l’émetteur. Même, et surtout, le service public doit s’y soumettre totalement, sinon elle est mort-née.

LP

 

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