Sunday, April 30, 2023

Histoire égyptienne : la pigmentation de la reine Cléopâtre.

Le 30 avril 2023.

 

Vous ne bénissez pas chaque Kushi. Quand vous marchez dans la rue aux Etats-Unis, toutes les cinq minutes vous voyez un Kushi. Allez-vous les bénir à chaque fois ? Il faut que ça soit un Kushi dont la mère et le père sont blancs... Car si vous savez que cet enfant singe est ainsi venu à eux, qu'il est venu d'eux comme ça, alors vous pouvez lui donner une bénédiction car c'est une créature différente. Alors faut-il qu'il ait deux Kushis pour le bénir ? Non !

- Yitzhak Yosef, Grand Rabbin sépharade d'Israël.

Je suis noire, mais je suis belle, filles de Jérusalem, Comme les tentes de Kédar, comme les pavillons de Salomon. Ne prenez pas garde à mon teint noir: C'est le soleil qui m'a brûlée.

- Cantique des cantiques 1;5-6.

Au pays des pharaons fait rage une polémique, dont l’impact social est considérable

Le 10 mai prochain sortira sur la plate-forme Netflix un docufiction, La Reine Cléopâtre, qui sera incarnée par l’actrice britannique Adele James qui est... noire.

On en frémit d’horreur sur les rives du Nil.

Circule une pétition en ligne, intitulée Arrêtez le documentaire sur Cléopâtre sur Netflix pour falsification historique, qui a recueilli plus de 40 000 signatures. Le ministère des antiquités égyptien l’a pourtant décrété : Cléopâtre avait la peau blanche et des traits hellénistiques” et il brandit avec aplomb les bas-reliefs et les statues de la reine Cléopâtre [qui]en sont la meilleure preuve. Cette déclaration ministérielle est, en outre, assortie de pièces de monnaies grecques, et de statues en marbre représentant Cléopâtre avec des traits européens.

Moustafa Waziri, patron des Antiquités égyptiennes, dénonce, avec hargne, une falsification de l’histoire égyptienne. 

La députée Saboura Al-Sayyed, garante des valeurs patriotiques égyptiennes, et élue du people qui a le sens des priorités, a à nouveau demandé au Parlement d’interdire la plate-forme pour ce plus récent motif.

La notion de liberté artistique (et, corrélativement, d’appréciation du public) ne semble pas être une vache sacrée autour des pyramides, comme au Québec d’ailleurs, où une pièce de Robert Lepage, “SLĀV, construite autour d'anciens chants d'esclaves noirs, ne comptant que deux interprètes noirs sur six choristes, fut annulée par des pressions populaires. Rebelote pour “Kanata, vu l'absence de comédiens autochtones qui avait créé un tollé.

En l’espèce, faut-il voir dans le casting de la productrice Jada Pinkett Smith un autre possible exemple d’“appropriation culturelle” (à rebours cette-fois)?

Un phénomène qui n’a pourtant rien de nouveau. Il suffit de penser aux représentations traditionnelles du Christ qui évoquent anachroniquement des modèles d’origine plutôt norvégienne. Au cinéma, Willem Dafoe n’était peut-être pas le messie le plus convaincant dans “La dernière  tentation du  Christ”:à  supposer véridique son existence terrestre, l’on peut supposer que Yehoshua avait un teint un peu plus olivâtre et une tignasse plus foncée.

Les esthètes nord-américains d’un certain âge, amateurs de l’émission “Saturnay Night Live”, se rappelleront des brillants sketchs mettant en scène Garrett Morris, qui a incarné à plusieurs reprises le président égyptien de l’époque, Anouar El-Sadate. En dépit de son légendaire sens de l’humour, ce fils d’une mère soudanaise n’avait apparemment pas pleinement apprécié le choix de l’acteur, un tantinet trop basané à son goût.

Et le Canada a eu Justin “Blackface” Trudeau.

Mais alord, quid de la mère de Césarion?

Il est permis de nourrir une certaine réserve en ce qui concerne la fiabilité des sources invoquées par le ministère. Du “photo-shop” avant l’heure? Sans oublier que, dans cette région, ne peut être exclue une certaine dose de métissage?

Mais personne n’a relevé un argument, d’ordre historique, qui milite en faveur de la thèse gouvernementale.

Les Ptolémées, quoique grecs, eurent à coeur d’adopter les moeurs du people qui leur fut confié. Or, les familles royales égyptiennes pratiquaient assidument depuis des siècles la consanguinité afin d’éviter des mésalliances avec des roturiers. Les mariages entre frères et soeurs étaient restés la norme, ce qui rend moins plausible le mélange des sangs. Sur ce fondement, on peut en effet parier sur le teint d’ivoire (si typique de l’ensemble de la population égyptienne, notamment nubienne) de la compagne de Jules César. Comme en Alabama, on a l’épiderme sensible en Egypte – autre modèle d’harmonie sociale et interethnique – où l’on garde la tête haute : il n’est pas question d’imaginer qu’elle ait été un jour gouvernée par une Cafre. Question d’intégrité dermatologique

Le nez de la monarque lagide a marqué l’histoire, il en va maintenant de même de sa couleur de peau.

LP


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