Le 16 juin 2020.
Les
Belges sont arrivés.
- Emile Zola ("Germinal").
L'explorateur catholique intégriste monarchiste
modèle n'est plus. A l'âge canonique de 94 ans, le prophète du "grand
remplacement" est parti pour un royaume qui n'est certainement pas de ce
monde.
On se souviendra que Jean Raspail est devenu
le maître à "penser" d'une certaine droite avec « Le camp des saints »,
roman qui décrit la submersion de l'Occident par une apocalypse migratoire; une
œuvre où prolifèrent les délicieuses, mais subtiles, métaphores
microbiologiques. Il recyclait ainsi tout simplement un fantasme politico-littéraire
vieux comme le monde : chaque génération a ses Klingons.
On pense notamment à la dénonciation
ininterrompue, en Occident, depuis 2000 ans de l'infiltration juive, reprise
par Céline dans les années 30-40; il changea de cible dans les années 50,
prophétisant alors l'invasion chinoise, avide de Cognac français. Evidemment,
il y eut sur le grand écran "The Russians Are Coming, the Russians Are Coming" en 1966, et, en 1974 "Les Chinois
à Paris", mais le ton de Norman Jewison et de Jean Yanne était moins
pessimiste... La science-fiction a aussi affectionné ce thème : En 1938,
l'adaptation radiophonique par Orson Welles de "The war of the
Worlds" signé par HG Wells, déclencha une mémorable panique aux
Etats-Unis. Enfin, n'oublions pas la série télévisée "The Invaders"
de 1967.
Manifestement, en 1973, Raspail a repris le
flambeau de David Vincent.
(Est-ce à dire que les invasions sont toujours
imaginaires? Que nenni. N'oublions pas, par exemple, les huit Croisades; l'extermination
des Indiens d'Amérique latine par les Espagnols et l'imposition du catholicisme
aux survivants; le commerce triangulaire; les guerres de l'opium; and
the Indians sure can tell you…
"How the West Was Won"; l'expansion
colomiale sanctionnée par la conférence de Berlin de 1885; les atrocités belges
au Congo et le massacre des Héréros en Namibie en 1904; enfin, la chevelure
blonde et les yeux bleus de certains berbères ne sont pas génétiquement attribuables
à des rencontres du troisième type, mais ça ne marche pas à tous les
"coups" : le pauvre Eric Zemmour en est la preuve oléagineuse).
Et rendons hommage à Philippe de Villiers
d'avoir alerté la France en 2005 du péril, non plus jaune, mais posé par le
plombier polonais et l'architecte estonien.
On comprend que l'actualité internationale, riche
sur le plan viral et les relations inter-ethniques, redonne la visibilité à
l'opus magnum de 1973, surtout vu le décès de l'auteur. Cependant, il serait
regrettable de voir occulté le véritable testament spirituel de Jean Raspail,
"La
Miséricorde", roman quasi-documentaire transposant un fait
divers assez juteux et publié au soir de sa vie, il y a moins d'un an.
En 1956, en France, un prêtre, Guy Desnoyers,
avait mis enceinte sa dernière maîtresse (il faut préciser qu'il n'en était pas
à son "coup d'essai" en matière de conception non virginale). Environ
un mois avant la naissance, il emmena la mère en voiture pour une dernière
ballade champêtre, en toute discrétion, et lui proposa aimablement, à deux
reprises (pas une, mais deux), de lui donner l'absolution. Étonnée, c'est elle
qui refusa et sortit de la voiture. Son compagnon l'abattit de 3 coups de feu.
Sans perdre une minute, il éventra le cadavre à l'aide d'un canif de scout (honorant
sa devise : "toujours prêt"), en extirpa le fœtus d'une petite fille
viable et, avant de l'abattre à son tour, dans un sursaut de charité
chrétienne, il la baptisa, soucieux de lui éviter les limbes.
Voilà ce qu'on appelle avoir le métier dans la
peau.
La cour d'assises lui a donc logiquement accordé
les circonstances atténuantes, lui épargnant ainsi la guillotine. (N.B. Vu les
derniers développements de la rigoureuse science théologique professés par
l'ex-pape Benoît XVI, ce baptême était sans doute peu utile vu que la doctrine
augustinienne des limbes n'est apparemment plus qu'une simple "hypothèse
théologique"; cela dit, à l'époque, la conscience professionnelle appelait
une extrême minutie : ex abundanti
cautela).
C'est délibérément que le très chrétien homme
de lettres bourlingueur a laissé son récit inachevé : il tenait à laisser au
lecteur souverain le soin de décider, par lui-même, si son abbé Jacques
Charlébègue méritait le salut. En effet, vu l'ambiguïté des faits, il fallait peser
soigneusement le pour et le contre et ne pas imposer à quiconque l'évidente conclusion
: avait droit à l'indulgence (au plein sens théologique du terme) ce papa poule
qui prenait très au sérieux son ministère et qui avait, au final, un bon fond.
(Confidentiellement, le titre donne quand même un petit indice).
Nul doute que les Patagons cathos et
consanguins des deux hémisphères, qui honissent le métissage, ont perdu un
grand homme. Il se prépare déjà - lui aussi - aux éternelles et très invasives enfilades
par tisonnier chauffé à blanc.
LP
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