Monday, July 8, 2019

France : La (dernière?) condamnation de Dieudonné M'Bala M'Bala.



Le 8 juillet 2019.

Y a plus d'sous papa, y a plus d'sous maman
Un sou ça n'est plus un sou comme on disait dans l'temps.
- Ricet Barrier.

La justice sociale ne repose pas seulement sur un effort de solidarité nationale mais aussi sur une réduction des inégalités. La première démarche en ce domaine est de faire disparaître la fraude fiscale… Je confirme les consignes données ultérieurement pour que les contrôles n'impactent que les vrais fraudeurs, sans risque d'arbitraire et que les procédures contraignantes soient utilisées avec discernement…
- Le premier ministre Raymond Barre (1976).

Il y a deux manières d'abuser un peuple : l'une c'est d'inonder de promesses trompeuses c'est ce qui a été fait en 1981 ; l'autre manière utilisée actuellement c'est de faire rêver mais pour cela il faut assoupir : bonne nuit les petits, faites de beaux rêves, Tonton veille sur vous.
- Le candidat à l'élection présidentielle Raymond Barre (1988).
                                
On assiste au plus récent épisode d'un incessant affrontement entre d'une part, la magistrature française (on hésite à parler de "justice"…), et d'autre part, le clown triste Dieudonné, qui se voit aujourd'hui condamné, pour fraude fiscale, abus de biens sociaux et blanchiment de fraude fiscale. Le (pseudo)comique écope de trois ans de prison, dont un avec sursis et d'une amende de 200.000 euros.

Le tribunal dénonce en l'occurrence, à l'appui de son jugement, des "infractions plurielles", commises "sur une longue période, 2009-2014" par un homme "aux très nombreux antécédents tant fiscaux que judiciaires".

Voilà qui donne, en effet, à réfléchir, mais peut-être pas au sens où l'entend le tribunal.

Il est assez piquant de voir d'abord invoquées des "infractions" mettant en cause les discours polémiques d'un artiste qui ne puise pas systématiquement son inspiration chez Albert Camus; malheureusement, on relève indéniablement d'occasionnelles discordances entre ses décapants mots d'esprits, d'une part, et, d'autre part, les valeurs humanistes, surtout l'idéal d'harmonie interethnique. Ses prestations lui ont notamment valu de multiples interdictions judiciaires de spectacles scéniques. L'on rappellera utilement que, aux Etats-Unis, les textes pénaux en cause seraient censurés en une seconde par le juge américain au titre du premier amendement de la constitution américaine, lequel constitue la codification d'un droit humain fondamental préexistant, mais constaté en France au siècle des lumières : la liberté de parole. Le législateur français n'a pas suivi la voie de Voltaire, mais nul n'est prophète en son pays. Ces lois françaises, et les poursuites engagées par le ministère public sont donc, par définition, liberticides et scélérates.

Ayant constaté la réalité du harcèlement subi par Dieudonné, il est logiquement difficile d'échapper à la tentation d'inscrire les autres procédures engagées contre lui, surtout fiscales, dans une stratégie politique de musellement. La tactique consistant à bâillonner les emmerdeurs par l'instrumentalisation de la procédure fiscale est vieille comme le monde, en tout cas vieille comme l'impôt; elle était notamment fort prisée par le défunt président Richard "I'm not a crook" Nixon, surtout en ce qui concerne les participants au complot juif, complot inlassablement rappelé à son secrétaire d'Etat.

La déclaration de guerre en bonne et due forme contre Dieudonné fut proclamée en 2015 par l'Etat français, par le truchement du ministre de l'intérieur Manuel "Dirty Harry" Valls. On comprend son irritation de s'être vu comparé à un dictateur de carnaval méridional au bagage génétique déficient, mais on se fût attendu à un peu plus de hauteur de la part d'un aspirant à la magistrature suprême française. On ne détourne pas le droit public pour régler des comptes personnels, même quand on broie du noir.

Qu'ajouter au sujet du dernier épisode de la saga judiciaire Dieudonné?

Sous réserve de l'appel qui sera interjeté (que ce soit sur la forme ou le fond), faisons preuve de charité bien chrétienne à l'égard du tribunal et tenons pour acquise, à ce stade, la réalité des infractions reprochées. Cette condamnation, à elle seule, ne réfute nullement la thèse de la manipulation politique.

Lorsque la découverte de faits illicites avérés résulte d'enquêtes et de poursuites diligentées par une volonté de persécution (politique, ou autre), donc abusives et déloyales, le juge (indépendant, bien entendu) doit acquitter l'accusé, même si celui-ci ne mérite pas la légion d'honneur. Pour mémoire, il faut signaler que la condamnation pour fraude fiscale d'Al Capone en 1931 fut le fruit d'un procès truqué. En l'espèce, il revient au citoyen/contribuable lambda de se former sa propre opinion sur les glapissements de vierges offensées poussés par les procureurs à l'audience, aussi émouvants que ceux de Jérôme Cahuzac, niant tout "téléguidage" politique. Ils ont le droit de dénoncer le "positionnement victimaire" du prévenu, mais ils adoptent ainsi ce même positionnement pour eux-mêmes.

Le même citoyen/contribuable lambda appréciera souverainement notamment la découverte par les enquêteurs de 657 000 euros dans le domicile de l'intéressé en 2015.

Peut-être Dieudonné suivait-il l'exemple de son ancien mentor, le très socialiste Roland Dumas, fils de fonctionnaire des impôts, qui expliqua un jour ses transactions financières au moyen de valises remplies de liquide par ses origines paysannes? Quand on a les deux pieds dans la glaise, on préfère de loin les monnaies sonnantes et trébuchantes aux opérations dématérialisées. Rien n'a changé dans la France rurale depuis "La terre" du bucolique Emile Zola.

De toute manière, ayant fait l'apprentissage du droit public sur le terrain, comme Alain Juppé, l'éventuel embastillé Dieudonné a d'ores et déjà gagné ses galons de futur membre du Conseil constitutionnel, où il pourra siéger en reprenant le propre fauteuil de Roland Dumas.

Par ailleurs, une incompréhensible polémique entoure depuis quelques jours les presque 10 millions d'euros (en "valeur actuelle", sans lien avec le magazine) garnissant le compte bancaire helvétique du défunt Raymond "Babar" Barre. Le premier ministre, qui conseillait jadis aux chômeurs de créer leur propre entreprise, a simplement su faire fructifier les substantiels droits d'auteur provenant de son best-seller, son manuel de science économique universitaire. Selon des analystes financiers indépendants, en l'absence de revenus occultes, il fallait expliquer la croissance du capital de départ d'Augusto Pinochet par des sagaces investissements dont les taux de rendement pendant plusieurs décennies se chiffraient à environ 25%; a fortiori on est en droit d'attendre du "plus grand économiste de France" des qualités de gestionnaire comparables. La famille Barre, douillettement installée au bord du lac Léman, aurait simplement dû en principe payer à l'Etat français 3 millions en pénalités pour retards de déclaration, mais, dans sa grande sagesse, le fisc s'est magnanimement contenté du tiers de cette somme pour accorder la régularisation. Mais il semblerait qu'une (très, très discrète) enquête pour blanchiment visant les héritiers, qui, eux, ne montent pas sur les planches, demeure en cours?

Aucun doute : un éléphant, ça trompe énormément.

Mais revenons à nos moutons (noirs). Avec le modeste million d'euros dont le détournement est reproché à Dieudonné, ce dernier fait pâle figure. Du blanchiment tout relatif.

Mais n'anticipons pas. Il revient maintenant à la juridiction d'appel de décider si le truculent chansonnier doit être blanchi.

LP


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