Thursday, January 11, 2018

La réédition des pamphlets antisémites de Céline en France.



Le 11 janvier 2018.


Il faut se battre pour essayer de ne pas répéter nos erreurs, elles sont faciles à retenir mais on les répète toujours.
- Jean-Claude van Damme.

L'enfer est plein de bonnes volontés ou désirs.
- Aphorisme attribué par Saint François de Sales à Saint Bernard de Clairvaux.


Information de dernière minute : André Gallimard vient d'annoncer la suspension "sine die" de la réédition des pamphlets de Céline. Traduction : il capitule sans conditions.

Les pleurnicheries susurrées par le pédégé ne peuvent dissimuler la sinistre réalité : il est une limace typiquement franchouillarde, il rampe et lèche les bottes, et sans sel.

Si les chiens aboient, la caravane doit, pour passer, contourner la France.

Voilà une défaite supplémentaire pour la liberté de parole en France, mais c'était sans doute prévisible dans le pays sous le joug de l'infâme loi Gayssot.

God bless America.

Les réflexions qui suivent ont été rédigées avant ce développement.
LP
(qui conserve précieusement son exemplaire des pamphlets acheté au Québec en 2012, sur le même rayon de bibliothèque que le Nouveau Testament).

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Avec pour toile de fond le projet de loi récemment annoncé par le président-philosophe de la république Macron concernant la répression des "fake news", une législation en vigueur dans des pays maghrébins et levantins, on apprend ces jours-ci que la veuve Destouches a autorisé la publication des pamphlets antisémites de l'auteur de "Voyageur au bout de la nuit", une annonce qui coïncide avec la prochaine sortie, dans toutes les bonnes librairies, du premier tome des mémoires de Jean-Marie Le Pen.

Le calendrier fait bien les choses.

Du haut de sa grandeur, le grand chambellan Edouard Philippe se prononce magnanimement en faveur de cette publication. Mais cette largesse est assortie de la condition qu'elle soit "soigneusement accompagnée".

Le préfet Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, s'est permis d'envoyer le 12 décembre dernier un courrier, sur papier à en-tête du bureau du grand chambellan, aux éditions Gallimard demandant, avec une onctuosité bien franco-chanoinesque, "de m'éclairer sur les conditions d'élaboration de cette édition critique et sur les mesures prises (sic) pour en garantir (resic) la scientificité (encore sic! Le préfet voulait sans doute dire "rigueur scientifique", mais les lecteurs auront corrigé d'eux-mêmes, sans l'aide d'une note marginale) et la pluridisciplinarité" (non souligné dans l'original). On suppose que la lanterne de ce serviteur du ministère de la vérité fut éclaircie au cours de la convocation à laquelle répondit le docile toutou Antoine Gallimard le 19 décembre suivant, à qui il fut alors réclamé alors rien moins que des "garanties". D'aucuns pourraient voir dans cette démarche une tentative d'intimidation d'inspiration orwellienne…

Voilà une controverse qui serait surréaliste aux Etats-Unis, où l'on ne plaisante pas avec l'absolue liberté de parole protégée par le premier amendement de la Constitution, qui n'est pas lettre morte. Dans ce pays :

- les éditeurs ont le droit de publier ce qu'il veulent, selon la formule librement choisie;
- ils opposeraient un silence méprisant à tout rond-de-cuir qui oserait tenter d'exercer des pressions sur eux en usurpant le rôle d'un vertueux juge d'instruction, ou d'inquisiteur (évidemment, il arrive que certaines personnalités politiques en exercice crachent le feu et sont pris de furie lorsqu'est publié un ouvrage les visant personnellement, en dépit de leurs avertissements préalables, ce qui en stimule les ventes…);
- chaque citoyen a le droit de lire tout ouvrage et de se faire sa propre religion en toute indépendance et de décider, ou non, à en lire la préface, a fortiori, le cas échéant, l'appareil critique.

Incidemment, si, au Canada, la liberté de parole comporte quelques lacunes, la publication par un éditeur québécois des pamphlets incriminés en 2012 y a eu lieu sans heurts, et dans la sérénité.

Précision intéressante en l'occurrence, Gallimard dirige deux collections, Folio, où sont publiées les œuvres telles quelles, et Folioplus classiques, dont voici la mission :

Aborder l’ouvrage par la lecture d’un tableau, d’une photographie, d’une sculpture ou de tout autre art : sous une forme inédite, Folioplus classiques présente aux élèves de collège et de lycée les plus grandes œuvres du patrimoine littéraire d'hier et d'aujourd'hui. Un dossier accompagne le texte et analyse notamment des points littéraires précis tels que le genre et le registre, le mouvement littéraire, la chronologie, etc. Classiques, mais aussi titres plus récents – Un long dimanche de fiançailles de Sébastien Japrisot, Le Lion de Joseph Kessel, Paroles de Jacques Prévert, Enfance de Nathalie Sarraute... – la collection vous propose également des anthologies riches et originales : Poèmes à apprendre par cœur, Le roman de Vautrin...

Le chef d'oeuvre du même Céline, "Voyage au bout de la nuit", est publié dans les deux collections. En voici la fiche Folioplus classiques : 

Dossier et notes réalisés par Stéfan Ferrari. Lecture d'image par Agnès Verlet
Collection Folioplus classiques (n° 60), Gallimard
Parution : 30-03-2006
Dans Folioplus classiques, le texte intégral, enrichi d’une lecture d’image, écho pictural de l’œuvre, est suivi de sa mise en perspective organisée en six points :

• Courant littéraire : Céline dans le paysage littéraire de l'entre-deux-guerres
• Genre et registre : Apprentissage et autobiographie
• L'écrivain à sa table de travail : Du théâtre au roman
• Groupement de textes : La nuit
• Chronologie : Céline et son temps
• Fiche : Des pistes pour rendre compte de sa lecture

Recommandé pour les classes de lycée.

Voilà qui laisse au lecteur la liberté entière de choix.

Serge Klarsfeld, exprimant son indignation à l'égard de la décision du grand chambellan déclare : "Nous (sic) ne laisserons pas republier de tels textes qui ont mené nos parents à la mort." On est perplexe quant à la source de son autorité pontificale d'accorder des "nihil obstat" ou d'inscrire des ouvrages dans un quelconque Index librorum prohibitorum.

Mais passons. L'on ne peut alors qu'inviter M. Klarsfeld et consorts à cesser de s'acharner de manière sélective sur des écrits contemporains, et à (re)lire et (re)goûter, conformément à leur propre logique, le texte fondateur de la haine visant depuis 2 millénaires le peuple taxé de déicide : le Nouveau Testament. Ce torchon, disponible dans toutes les librairies et bibliothèques (bonnes et mauvaises), avec ou sans annotations, est riche, outre les contes de fées, en vômissements déversés sur les Juifs; les invectives de Luther, de Voltaire, ou de Karl Marx, n'en furent que des gloses et "Mein Kampf" une vulgate récapitulative.

"Il est probable que le premier ministre n’a pas lu une seule page de ces abjects pamphlets anti-juifs". On peut donc en déduire que M. Klarsfeld, lui, en a lu un échantillonage comportant plus d'une page; de surcroît, on doit supposer qu'il a pourtant connaissance, par exemple, de cet éloquent verset (à saveur un tantinet satanique) : "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!  (Matthieu 27: 25).

Il a inspiré au très catholique écrivain Daniel-Rops ces profondes (mais hélas, rigoureusement exactes sur le plan historique) réflexions pendant les glorieuses années 1940 : "Le dernier vœu du peuple qu'il avait élu, Dieu, dans sa justice, l'a exaucé. Au long des siècles, sur toutes les terres où s'est dispersée la race juive, le sang retombe, et, éternellement, le cri de meurtre poussé au prétoire de Pilate couvre un cri de détresse mille fois répété". Et vu "l'obstination et la cautèle qu'on leur connaît" (le lecteur comprendra sans doute à qui se rapporte "leur" sans l'assistance d'une note marginale), il conclut doctement que "l’horreur du pogrom compense, dans l’équilibre secret des volontés divines, l’insoutenable horreur de la Crucifixion".

Du Céline sans la gouaille. Qui se lit aussi très facilement sans savantes explications exégétiques.

En effet, la shoah ne fut que l'inexorable réponse logique à la sainte exhortation lancée au monde par les évangélistes.

Il y a 2000 ans, "ça a débuté comme ça".

LP


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