Le 28 juillet 2017.
Le succès de la révolution belge fut une catastrophe pour
la position de la langue néerlandaise dans les régions flamandes. Là où les
révolutionnaires réussirent à prendre le pouvoir, le néerlandais fut remplacé
sur-le-champ par le français. Sous Guillaume Ier, la liberté
linguistique était l'une des revendications de l'opposition libérale
francophone, constituée essentiellement d'avocats et de journalistes. Cette
même liberté fut toutefois refusée à la Flandre. En pratique, la liberté
linguistique belge signifiait uniquement la liberté, pour les francophones, de
parler français partout et en toutes occasions et l'obligation, pour les
Flamands, de comprendre le français.
- Sénat de Belgique.
Document législatif n° 4-455/1
On ne sait pas le français, personne ne le sait, mais
tout le monde affecte de ne pas connaître le flamand. C'est de bon goût. La
preuve qu'ils le savent très bien, c'est qu'ils engueulent leurs domestiques en
flamand.
- Charles
Baudelaire.
Le Québec est, aujourd’hui et pour toujours, une société
distincte, libre et capable d’assumer son destin et son développement.
- Robert Bourassa.
On a beaucoup évoqué
la tonitruante déclaration du général ces derniers jours. Il eût été judicieux
de rappeler plus en détail la réplique immédiate du premier ministre canadien
de l'époque, Lester B. Pearson, lue avec un accent pitoyable devant les caméras
de télévision :
Je
suis sûr que les Canadiens dans toutes les parties de notre pays ont été
heureux de ce que le président français reçoive un accueil aussi chaleureux au
Québec. Cependant, certaines déclarations du président tendent à encourager la
petite minorité de notre population dont le but est de détruire le Canada et
comme telles, elles sont inacceptables pour le peuple canadien et son
gouvernement.
Le
peuple canadien est libre, chaque province du Canada est libre. Les Canadiens
n’ont pas besoin d’être libérés. En fait, beaucoup de milliers de Canadiens ont
donné leur vie au cours des deux guerres mondiales pour la libération de la
France d’autres pays européens.
On notera que, en abordant le thème de la liberté, le prix Nobel de la
paix fut incapable de prononcer le mot "Québec", probablement de peur
de s'écorcher la bouche. Plus troublant, il feignait d'ignorer une évidence confirmée
par les rapports successifs de la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le
biculturalisme (plus connue sous le
nom de « commission Laurendeau-Dunton »), qu'il avait lui-même créée, à savoir que
le Canada français, dont le Québec, était, quand même, un peu moins libre que
les autres provinces canadiennes, tant sur le plan économique que politique.
Enfin,
et surtout, il infère de la participation des Canadiens à la libération de la
France et d'autres pays européens pendant les deux guerres mondiales que tous
ceux-ci étaient entièrement libres au bercail. Un sophisme, mais qui fut, et
demeure sans doute, particulièrement populaire chez les rednecks canadiens. Pourtant,
il ne pouvait ignorer que, par exemple, les soldats afro-américains, ayant
libéré l'Europe - au sein d'unités ségréguées -, restaient confinés à l'arrière
des autobus à leur retour en Alabama en 1945. On peut aussi douter de
l'épanouissement des tirailleurs sénégalais de retour à Dakar à la même époque.
Etc.
On
peut être libérateur, sans forcément être soi-même libre.
Cela
dit, une "libération" appelle-t-elle nécessairement l'indépendance
politique?
En
1967, les captifs québécois avaient au moins commencé à sortir du putride donjon
catholique, qui avait si bien servi les autorités coloniales pendant des
décennies, ce qui n'est pas rien (il va sans dire que leurs yeux affaiblis par
l'obscurantisme avaient encore du mal à s'accoutumer à l'éclatant soleil de la
rationalité). En Belgique, les Flamands ont aujourd'hui triomphé de la
domination francophone et ne sont plus des citoyens de seconde zone, bien au
contraire : n'est plus qu'un mauvais souvenir le temps où il fallait être
bilingue pour être portier de ministère, et où le ministre était incapable de
parler un seul mot de néerlandais; où des soldats flamands se faisaient
massacrer par les Prussiens parce qu'ils ne comprenaient pas les ordres aboyés en
français. Et l'Etat belge est toujours là.
Aux
électeurs québécois (et flamands) de choisir souverainement, et en toute
indépendance d'esprit, les outils constitutionnels de leur libération. Tel était possiblement le sens de l'invitation lancée à Montréal par le général il
y a un demi-siècle, 9 ans après qu'il eut annoncé en Algérie "Il n'y a ici
que des Français à part entière!" et "Vive l'Algérie française!".
En
1967, ni l'unilingue Pearson, ni certains indépendantistes n'étaient libérés de
leurs fantasmes communs.
LP
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