Philosophia
theologiae ancillans
( La philosophie
est la servante de la théologie)
- Roger Bacon.
Le très chrétien philosophe Charles Taylor, aujourd'hui éminence
grisâtre du premier ministre québécois, "sheikh" Philippe, prônait,
en 2008, en compagnie de Gérard Bouchard, une interdiction du port de signes
religieux limitée aux seuls fonctionnaires "en position d'autorité", disposant
d'un "pouvoir de coercition", à savoir les juges, les procureurs de
la Couronne, les policiers et les gardiens de prison. Il y renonce aujourd'hui.
Quelle est la portée réelle de cette nouvelle profession de foi?.
Ces expressions sont malheureuses
car c'est ignorer que tout fonctionnaire, au service de l'Etat, dispose, par
définition, d'un pouvoir de coercition sur tous les administrés, dont
l'intensité varie simplement selon son champ de compétence.
En fait, les commissaires s'en tenaient aux seuls dépositaires de
l'autorité publique habilités à faire usage de la violence physique, ce qui n'allait pas loin. Et là encore, va pour les
policiers et les gardiens de prison. Mais quid
du procureur et du juge?
Contrairement aux policiers, ils ne
sont pas sur le terrain. Ils ne manient ni matraque, ni grenade lacrymogène, ni
arme à feu, mais une simple plume. Le rôle du procureur consiste à décider
d'engager, ou non, des poursuites et à défendre ses thèses devant le juge; la
mission de celui-ci est de dire le droit à l'occasion
des affaires qui lui sont déférées, et ses jugements ne sont que vœux pieux en
cas d'inaction de la part de la force publique.
(On ne saurait
mettre en cause l'immense érudition des deux commissaires canadiens au seul
motif qu'ils ne connaissaient probablement pas le drame des propriétaires de
logements en région parisienne incapables d'expulser leurs locataires
indélicats après jugement définitif; par contre, est plus troublante leur
ignorance manifeste des deux jugements, rendus en 1892 et en 1909 déclarant
anticonstitutionnel l'unilinguisme anglais au Manitoba et qui, jusqu'en 1985, demeurèrent
lettre morte face au refus déclaré de l'exécutif d'obtempérer.)
Par
contraste, si l'on se place sur le seul plan de la coercition directe, même sans "violence",
il y a, par exemple, le contrôleur fiscal, ou le fonctionnaire
d'assurance-emploi auquel sa hiérarchie impose des quotas de rejet, qui sont en
mesure de prendre des mesures drastiques avec effet immédiat, que l'intéressé aux faibles ressources financières n'est
pas toujours en mesure de contester devant le juge. (Tel n'est pas le cas du
titulaire d'un compte bancaire à Jersey…). Leur plume est un ustensile plus
rapide que celle du procureur et du juge.
La "solution"
retenue en 2008 par la commission Bouchard-Taylor n'était donc, au final, ou plutôt
au départ, qu'une coquille symbolique presque vide. La marche arrière de Charles
Taylor, spectaculaire pour le vulgaire, relève plutôt de l'enculage de mouches,
très prisé des théologiens médiévaux, comme Saint-Thomas d'Aquin (s'il n'y
avait eu que les mouches…); cela dit, le ponte Taylor a fait cadeau d'un
magnifique sophisme à l'ex-laquais du pouvoir wahhabite, "sheikh"
Philippe, qui feint de croire que le juge obligé de revêtir la toge, mais…
interdit de voile, de kippa, de turban, ou de signes d'appartenance politique est
victime de discrimination "vestimentaire".
Le très catholique
Charles Taylor, bien introduit, non seulement dans les mouches, mais aussi dans
les cercles feutrés vaticanesques, qui, manifestement, n'a toujours pas digéré
le rejet des tribunaux religieux en Ontario, fait maintenant mention
d'"événements" de stigmatisation des Musulmans qu'il attribue notamment
à la proposition de charte des valeurs du PQ de 2014. (Deux semaines après la
tragédie de Québec, on ne saurait évidemment imaginer de sa part et de "sheikh"
Philippe une insidieuse tentative de récupération politique des morts).
On notera au passage
qu'il susurre sur les ondes de RDI, avec une onctuosité chanoinesque, en 2017, son
respect du nationalisme modéré de René Lévesque et du poète Gérald Godin.
Pourtant, la
propagande de nazisme était monnaie courante dans certains milieux fédéralistes
dans les années 1970 et l'hystérie atteignit un sommet en 1976 lorsqu'il fut
affirmé que "Demain nous appartient", composée par Stéphane Venne,
entendue au centre Paul-Sauvé le 15 novembre était la reprise d'une chanson
nazie (fictive d'ailleurs); ce canard fut véhiculé notamment par d'éminents
collègues de Charles Taylor de l'université McGill, puis par le romancier de
talent, polémiste confirmé, et mercenaire journalistique, à la fois contempteur
du Québec et antisémite (pas de jaloux!), le très goebbelsien Mordecai Richler.
Pierre Elliott Trudeau, lui, qualifiait le projet de souveraineté du Québec de "crime
against the history of mankind" (avec quelle horreur le grand ami de
Castro a dû vivre par la suite l'effondrement du multinational empire soviétique…).
En désespoir de cause, d'aucuns extirpaient parfois des oubliettes Adrien
Arcand, nazi confirmé et… anglophile, admirateur inconditionnel de l'empire
britannique, soutenu au Québec par trois pelés et un tondu; ses torchons, notamment
Le Goglu, ne survécurent qu'un temps
que grâce aux généreuses subventions en provenance de cercles conservateurs de
Toronto et de Londres.
Mais Dieu nous garde
de reprocher à l'universitaire Charles Taylor un révisionnisme historique. Sa défaillance
de mémoire appelle la compassion : à l'âge de 85 ans, après des décennies de
spéculations doctrinales effrénées, on n'échappe pas toujours à l'érosion de
son capital de neurones.
Au jour
d'aujourd'hui, les actualités lui apportent quelques éléments de réconfort.
Le Congrès du comité national des jeunes du Parti
québécois a rejeté, le 19 février, l'idée d'interdire le port des signes
religieux dans l'ensemble de la fonction publique. Vu les lacunes en matière
d'histoire, même canadienne, des jeunes Québécois, victimes d'un enseignement
médiocre, il ne pouvait venir à la plupart des participants l'idée de suivre
l'exemple de Kemal Atatürk, émancipateur de ses compatriotes féminines, mais
dont l'héritage est en péril; en Turquie, le dernier bastion de la laïcité,
l'armée, vient de… capituler : elle accepte désormais le port du voile
islamique. Le vrai calife, Recep Tayyip Erdogan, a définitivement
opté pour le modèle canadien, alors que les femmes des régions qui ne sont plus
occupées par Daech, désormais libres de leur choix, brûlent leur obscurantiste niqab.
It's morning again in the
Ottoman empire… Nous sommes revenus au 31 octobre 1922.
Peut-être, à ce
stade tardif de son passage sur notre planète, le grand sage Taylor se sent-il
tenu de s'aplatir, une fois de plus, très œcuméniquement, devant les
institutions religieuses pour gagner son ciel? Et/ou éventuellement ses 72
vierges?
Les voies du
Seigneur, elles, sont trop souvent impénétrables.
LP