Saturday, October 22, 2016

Elections truquées aux Etats-Unis?



Le 22 octobre 2016.

Une victoire racontée en détail, on ne sait plus ce qui la distingue d'une défaite.
- Jean-Paul Sartre.

I’m an idealist without illusions.
- John Fitzgerald Kennedy.

Tu sais, la victoire et la défaite, c'est pareil : ça se traduit par des larmes.
- Philippe Léotard.

Suite au troisième débat électoral opposant le propriétaire du Trump Taj Mahal à la conférencière préférée des banquiers de Wall Street (qui prêche, moyennant juteux honoraires, les vertus de l'autoréglementation), il est maintenant reproché au premier de ne s'être pas engagé à respecter le résultat du scrutin du 8 novembre prochain. Les poncifs tirés de la grandeur de la démocratie américaine ne se sont pas fait attendre. Hillary déclare vertueusement :
                                            
Now that is not the way our democracy works. We've been around for 240 years. We've had free and fair elections.
                            
Tout d'abord, voilà qui est un peu déformer la réaction de Donald Trump, laquelle implique plutôt l'attente de vérifications et, le cas échéant, de contestations judiciaires.

Chose plus regrettable, la candidate démocrate reprend à son compte une certaine mythologie politique, démentie par l'histoire : l'organisation occulte des élections locales (maires, sheriffs, greffiers de cours municipales…) est une vieille et respectée tradition américaine; la démocratie municipale New Yorkaise a longtemps pu s'enorgueillir de Tammany Hall ; et quoi de mieux pour refléter la volonté populaire que le "gerrymandering", à savoir l'artistique découpage partisan des circonscriptions électorales de la chambre des représentants? Pour mémoire, voici quelques exemples concrets tirés de la vie politique nationale plus récente.

Lyndon Baines Johnson est devenu sénateur du Texas en 1949 grâce à une fraude électorale gigantesque, (ses 89 voix d'avance lui valurent l'affectueux surnom de "Landslide Johnson") notamment par l'instrumentalisation du système judiciaire avec la participation de l'avocat Abe Fortas, qui fut par le suite nommé juge à la Cour suprême par le président Johnson en 1965. (Incidemment, la nomination du juge Fortas au poste de juge en chef en 1968 fut rejetée par le Sénat car il avait encaissé de généreux honoraires de société commerciales alors qu'il était magistrat, et il fut obligé de démissionner en 1969 en raison de liens scabreux avec un financier de Wall Street…)

En 1960 eut lieu une élection présidentielle extrêmement serrée, et de nombreux morts votèrent avec enthousiasme pour John Kennedy dans des Etats-clés, notamment à Chicago, nul doute convaincus par le solide argumentaire du maire Daley.

Par ailleurs, on se souviendra que les Noirs américains ont dû faire face à de nombreux obstacles pour se faire inscrire sur les listes électorales, même après 1865. De nos jours, de nombreux Etats contrôlés par les Républicains (la majorité des 50) ont souvent recours à la radiation des listes électorales des personnes condamnées pour violation des lois réprimant les stupéfiants; comme par hasard, les Noirs sont ciblés avec un zèle particulier par les forces de l'ordre, on assiste donc à un subtil contournement de la Voting Rights Act de 1965, censée interdire la discrimination en matière électorale.

En 2000, 5 pantins républicains siégeant à la Cour suprême ont servi à Dubya la présidence sur un plateau d'argent.

Enfin, est déjà passée dans les annales la cabale dont fut victime Bernie Sanders cette année au sein même du parti démocrate.

Hillary ajoute:

We've accepted the outcomes when we may not have liked them.

En effet, les perdants ont souvent été beaux joueurs, mais… vu qu'il était prévisible que leur propre image ressortît quelque peu ternie de procédures judiciaires, on peut conjecturer que cela a quelque peu contribué à une certaine retenue.

Depuis des lustres, la population américaine est tenue en otage par deux grands partis duopolistiques qui se partagent le gâteau, dans des proportions variables au fil du temps.

Qui truque quoi en 2016?

En conclusion, l'ex-secrétaire d'Etat a fait cette judicieuse observation :

I have been privileged to see the presidency up close.

C'est le mot exact, même si certaines stagiaires ont joui d'un point de vue encore plus rapproché. Les électrices, surtout, apprécieront.

Lorsque l'on est à la Maison Blanche (ou que l'on veut y parvenir), il faut savoir avaler beaucoup de couleuvres gluantes et même boire le calice jusqu'à la lie.

LP



No comments:

Post a Comment