Sunday, October 30, 2016

Signature du CETA : miracle à Namur.

Le 30 octobre 2016.


De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves.
- Jules César.

On me demande une épitaphe
Pour la Belgique morte. En vain
Je creuse, et je rue et je piaffe ;
Je ne trouve qu’un mot : « Enfin ! ».

La Belgique est le bâton merdeux de l'Europe.
- Charles Baudelaire.

La Belgique est un pays trop souvent méconnu, alors qu'il devrait mieux se distinguer par ses bières, ses moules-frites, sans oublier qu'il est probablement le véritable créateur du steak-frites, abusivement attribué à la France.

Les choses viennent de changer avec la controverse entourant le Comprehensive Economic and Trade Agreement, plus connu sous l'acronyme de CETA en bon français, un traité de libre-échange négocié par le Canada d'une part, et l'Union européenne d'autre part.

A la onzième heure, le parlement wallon, par la bouche de son ministre-président, M. Paul Magnette, a opposé son véto à la signature de ce traité par Bruxelles. A travers le monde, des hordes de manifestants altermondialistes, ne maîtrisant pas toujours la notion d'économie d'échelle, ont bravé les intempéries afin de soutenir les héroïques wallons résistant encore et toujours à l'invasion des méchantes multinationales et crié victoire.

Et, coup de théâtre, après environ deux semaines de suspense hitchcockien, le monde respire : tous les problèmes sont réglés. Effacées les craintes relatives au mécanisme d'arbitrage, annulée l'apocalypse agro-écologique... Les périls s'estompent toujours après une lampée de Stella Artois - la potion magique belge - et l'on a pu parapher en toute quiétude ce qui était, il y a encore quelques jours, un abominable acte de capitulation au profit du terrifiant impérialisme canadien, attisé par la féroce rhétorique de Justin (d'autant plus mordante qu'il s'exprime dans un franglais impeccable); d'aucuns avaient cru voir en lui un épouvantail quasi-mussolinien.

Il faut rendre un vibrant hommage à l'Astérix sans moustaches, Paul Magnette, dont la tchatche surpasse le bagout du vendeur d'assurances "belgicain" Séraphin Lampion : grâce à une mise en scène savamment orchestrée, il a réussi à placer sa région, jusque là occultée par les brumes, sur la carte mondiale. Voilà qui attirera les touristes du monde entier, et pas seulement du Canada. Une campagne publicitaire menée de main de maître, qui se traduira par la plus belle forme de libre-échange.

Il ne faut jamais sous-estimer l'intelligence belge, et encore moins la finesse wallonne.

LP


Saturday, October 22, 2016

Elections truquées aux Etats-Unis?



Le 22 octobre 2016.

Une victoire racontée en détail, on ne sait plus ce qui la distingue d'une défaite.
- Jean-Paul Sartre.

I’m an idealist without illusions.
- John Fitzgerald Kennedy.

Tu sais, la victoire et la défaite, c'est pareil : ça se traduit par des larmes.
- Philippe Léotard.

Suite au troisième débat électoral opposant le propriétaire du Trump Taj Mahal à la conférencière préférée des banquiers de Wall Street (qui prêche, moyennant juteux honoraires, les vertus de l'autoréglementation), il est maintenant reproché au premier de ne s'être pas engagé à respecter le résultat du scrutin du 8 novembre prochain. Les poncifs tirés de la grandeur de la démocratie américaine ne se sont pas fait attendre. Hillary déclare vertueusement :
                                            
Now that is not the way our democracy works. We've been around for 240 years. We've had free and fair elections.
                            
Tout d'abord, voilà qui est un peu déformer la réaction de Donald Trump, laquelle implique plutôt l'attente de vérifications et, le cas échéant, de contestations judiciaires.

Chose plus regrettable, la candidate démocrate reprend à son compte une certaine mythologie politique, démentie par l'histoire : l'organisation occulte des élections locales (maires, sheriffs, greffiers de cours municipales…) est une vieille et respectée tradition américaine; la démocratie municipale New Yorkaise a longtemps pu s'enorgueillir de Tammany Hall ; et quoi de mieux pour refléter la volonté populaire que le "gerrymandering", à savoir l'artistique découpage partisan des circonscriptions électorales de la chambre des représentants? Pour mémoire, voici quelques exemples concrets tirés de la vie politique nationale plus récente.

Lyndon Baines Johnson est devenu sénateur du Texas en 1949 grâce à une fraude électorale gigantesque, (ses 89 voix d'avance lui valurent l'affectueux surnom de "Landslide Johnson") notamment par l'instrumentalisation du système judiciaire avec la participation de l'avocat Abe Fortas, qui fut par le suite nommé juge à la Cour suprême par le président Johnson en 1965. (Incidemment, la nomination du juge Fortas au poste de juge en chef en 1968 fut rejetée par le Sénat car il avait encaissé de généreux honoraires de société commerciales alors qu'il était magistrat, et il fut obligé de démissionner en 1969 en raison de liens scabreux avec un financier de Wall Street…)

En 1960 eut lieu une élection présidentielle extrêmement serrée, et de nombreux morts votèrent avec enthousiasme pour John Kennedy dans des Etats-clés, notamment à Chicago, nul doute convaincus par le solide argumentaire du maire Daley.

Par ailleurs, on se souviendra que les Noirs américains ont dû faire face à de nombreux obstacles pour se faire inscrire sur les listes électorales, même après 1865. De nos jours, de nombreux Etats contrôlés par les Républicains (la majorité des 50) ont souvent recours à la radiation des listes électorales des personnes condamnées pour violation des lois réprimant les stupéfiants; comme par hasard, les Noirs sont ciblés avec un zèle particulier par les forces de l'ordre, on assiste donc à un subtil contournement de la Voting Rights Act de 1965, censée interdire la discrimination en matière électorale.

En 2000, 5 pantins républicains siégeant à la Cour suprême ont servi à Dubya la présidence sur un plateau d'argent.

Enfin, est déjà passée dans les annales la cabale dont fut victime Bernie Sanders cette année au sein même du parti démocrate.

Hillary ajoute:

We've accepted the outcomes when we may not have liked them.

En effet, les perdants ont souvent été beaux joueurs, mais… vu qu'il était prévisible que leur propre image ressortît quelque peu ternie de procédures judiciaires, on peut conjecturer que cela a quelque peu contribué à une certaine retenue.

Depuis des lustres, la population américaine est tenue en otage par deux grands partis duopolistiques qui se partagent le gâteau, dans des proportions variables au fil du temps.

Qui truque quoi en 2016?

En conclusion, l'ex-secrétaire d'Etat a fait cette judicieuse observation :

I have been privileged to see the presidency up close.

C'est le mot exact, même si certaines stagiaires ont joui d'un point de vue encore plus rapproché. Les électrices, surtout, apprécieront.

Lorsque l'on est à la Maison Blanche (ou que l'on veut y parvenir), il faut savoir avaler beaucoup de couleuvres gluantes et même boire le calice jusqu'à la lie.

LP



Tuesday, October 11, 2016

Le rabelaisien Donald Trump.

Le 11 octobre 2016.



I don’t want loyalty. I want loyalty! I want him to kiss my ass in Macy’s window at high noon and tell me it smells like roses.
- Lyndon Johnson.

Je suis contre les femmes, tout contre.
- Sacha Guitry.

La campagne électorale américaine a été riche en rebondissements.

Le fondateur de la Trump University (mieux connue pour son département de philosophie médiévale) a été triomphalement désigné comme candidat du parti républicain et obtenu le soutien, parfois, conditionnel des caciques de son parti qui n'ont pas retenu contre lui un programme et des opinions peu orthodoxes en matière d'immigration, de libertés publiques, de relations internationales et d'économie, pas plus que son bilan parfois mitigé concernant la gestion de ses propres entreprises et de sa brillante planification fiscale.  exprimés par un franc parler peu courant

Et soudain : Le coup de théâtre.

La bombe.

L'électorat vient d'apprendre une nouvelle stupéfiante : le candidat républicain aime à lutiner les femmes, il a envie d'embrasser toutes celles qui correspondent à ses critères physiques, après avoir sucé des tic-tacs, bien entendu. De surcroît, il estime que les stars peuvent faire obtenir toutes les faveurs de qui elles veulent.

On s'attendait à tout sauf à cela. Surtout son langage grivois.

Passe encore qu'il ait utilisé les lois sur l'insolvabilité et fiscales à son avantage par le passé, mais cette fois-ci, trop c'est trop.

L'Amérique, surtout féminine, s'émeut des coquines remarques du candidat républicain.

S'offusquent des féministes confirmés, comme le président de la chambre des représentants, Paul Ryan, qui proclame que les femmes doivent être "respectées" et surtout pas "objectifiées", lui qui refuse l'avortement aux femmes engrossées par un violeur car peu importe "le mode de conception" du fœtus; comme le candidat malheureux Mitt Romney, qui disposait de "catalogues pleins de femmes" où puiser des collaboratrices.

D'aucuns vont même jusqu'à appeler au retrait du candidat.

Les lecteurs de Philip Roth ne peuvent qu'apprécier les espiègles sorties de Donald Trump. Ses autres révélations juteuses, notamment en ce qui concerne les rapports intimes avec les femmes au cours de leur cycle menstruel, ne peuvent que les allécher. (On oserait rêver d'une biographie rédigée dans l'esprit de "Portnoy's complaint", la réalité dépassant en l'occurrence la fiction.)

Cela dit, on pourrait signaler au reste de l'Amérique, parfois un brin pudibonde, que la truculence du propriétaire de la Trump Tower concernant sa conception des relations entre les sexes et ses hyperboles verbales en général s'inscrivent dans une longue tradition présidentielle aux Etats-Unis, traditionnellement plus souvent pratiquée dans l'intimité, évidemment. Voici quelques exemples puisés dans les annales.

John Kennedy, quasi-"canonisé" dès son assassinat, entretenait des relations approfondies et régulières avec la gent féminine et tenait des propos au sujet de ces conquêtes - qui lui ont valu moultes infections vénériennes - pas toujours puisés dans les sonnets de Shakespeare.

Son successeur, l'ex-instituteur dans le civil - idole des jeunes pendant la guerre au Vietnam - Lyndon Johnson, n'est pas passé à l'histoire pour sa retenue verbale et sa fidélité conjugale infaillible à Lady Bird.

La dénonciation du complot juif et les métaphores concernant les pratiques bucco-phalliques attribuées aux personnes peu estimées émanant d'un Richard Nixon font partie de l'histoire constitutionnelle américaine.

Mais que l'on se rassure pour la bonne continuation de la campagne de Donald Trump : il dispose d'une solution bien simple pour dissiper ce petit accroc. Comme il l'a expliqué lors du deuxième débat, il ne s'agissait que de vaines vantardises de vestiaire. Pourtant, il peut mieux faire : se soumettre à la thérapie, bien américaine, qui amena jadis le fin connaisseur de cigares Bill Clinton, et par la suite, le révérend Jesse Jackson, à la repentance et à la rédemption suite à leurs propres frasques (pas seulement verbales).

A savoir la participation à un groupe de prière évangélique.

Et tout rentrera dans l'ordre : il pourra se présenter au troisième débat, pénétré de l'Esprit saint, prêt à séduire les électrices.

LP


Saturday, October 8, 2016

Eric Zemmour apologiste du terrorisme?



Le 8 octobre 2016.

There's no such thing as bad publicity except your own obituary.
- Brendan Behan.

Tu aimeras l’étranger comme toi-même, car tu as été étranger en terre d’Egypte.
- Lévitique XIX, 34.

En France, le procureur de la République de Paris a ouvert une enquête préliminaire concernant l'apprenti-polémiste Eric Zemmour au sujet des déclarations suivantes :

Je respecte les djihadistes prêts à mourir pour ce en quoi ils croient – ce dont nous ne sommes plus capables. » « Je respecte les djihadistes prêts à mourir pour ce en quoi ils croient – ce dont nous ne sommes plus capables… Je ne pense pas que les djihadistes soient des abrutis ou des fous.

Alors qu'il lui était demandé s'il respectait « des gens qui roulent en camion sur des enfants », relativement à l'attentat du 14 juillet à Nice, il répond :

Quand des gens agissent parce qu'ils pensent que leurs morts le leur demandent, il y a quelque chose de respectable. (...) C'est ainsi, les humains sont complexes, donc combattons-les, mais arrêtons de les mépriser !

Si l'on peut, hélas, comprendre la dénonciation de ces propos par SOS Racisme et surtout la Fédération nationale des victimes d'attentats et d'accidents collectifs (les pauvres), la réaction de certains magistrats ne laisse pas d'étonner, même si elle s'inscrit dans une récente jurisprudence Jean-Marc Rouillan, un ancien membre d'Action directe, condamné le 7 septembre dernier à huit mois de prison pour apologie du terrorisme (il avait qualifié de "courageux" les auteurs des attentats djihadistes du 13 novembre).

Faut-il le rappeler? Aux Etats-Unis, où l'on ne plaisante pas avec la liberté d'expression défendue jadis par Voltaire (nul n'est prophète en son pays), ce genre de divagations n'a nulle conséquence juridique, ce qui épargne au ministère public de lourdes et inutiles ponctions dans ses ressources budgétaires.

(Bien sûr, il y a déjà dans le pays de Donald Trump un astronomique gaspillage dû au coût de la vaine répression des infractions relatives aux stupéfiants exercée par des agents ciblant de manière disproportionnelle les petits dealers latinos et africains-américains des ghettos afin de "faire du chiffre" facilement, comme les forces de l'ordre françaises les Arabes et les Noirs des banlieues difficiles; cela dit, toute économie est bonne à prendre).

Nous voici donc aujourd'hui, à l'orée d'une nouvelle et spectaculaire affaire Zemmour. Elle rappelle, s'il en était besoin, au mieux, la sottise, au pire, la complicité, de procureurs oisifs posant en protecteurs de l'ordre public en France, qui n'ont apparemment pas suffisamment de gibier fiscal dans leur ligne de mire. Il n'y a qu'en France où l'on peut feindre de prendre au sérieux de telles élucubrations et de ne pas comprendre qu'il n'y a en l'occurrence, de la part d'un piètre imitateur de l'authentique Gaulois Robert Brasillach, d'un gribouilleur exploitant sans vergogne le créneau xénophobe, qu'une nouvelle opération publicitaire. Grossière.

A preuve, ses précédentes condamnations pour provocation à la haine raciale, en 2011 après avoir propagé le mythe que "la plupart des trafiquants sont noirs et arabes, c'est comme ça, c'est un fait", et en 2015 (les musulmans "ont leur code civil, c'est le Coran"), lesquelles n'ont manifestement rien eu de dissuasif. Il faut, au contraire, parler d'appel d'air. On reconnaît là la technique de marketing magistralement affinée au fil des décennies par Jean-Marie Le Pen.

La millénaire accusation de meurtre rituel et le venin des "Protocoles des sages de Sion", plus ou moins recyclés, demeurent porteurs, surtout lorsqu'ils sont récupérés par un mercantile et caricatural berbère de "confession" mosaïque.

Pour mener efficacement "son combat", il n'a nul besoin de réinventer la roue.

Que les procureurs de France et de Navarre reprennent leurs esprits : la pire, la plus cruelle, et la plus économique des sanctions pénales que l'on puisse imaginer pour lui est le silence. Méprisant.

On signale en ce moment une épidémie de "creepy clowns" rodant sur les voies publiques en Amérique du Nord. Il est concevable qu'ils se sont inspirés d'Eric Zemmour, qui, lui, n'a même pas besoin de maquillage pour terroriser… les petits enfants.

http://www.liberation.fr/societe/2011/02/18/eric-zemmour-condamne-pour-provocation-a-la-haine-raciale_715939

LP