Sunday, August 14, 2016

Jacqueline Sauvage recrucifiée.

Le 14 août 2016.


Les copains d'abord.
- Georges Brassens.

Mon père, à coups de fouet, a su faire de moi un honnête homme!
- Le prof. Somerset Applewater (La guérison des Dalton).

En France, la liste des persécutés par une "justice" trop souvent aux ordres, manipulatrice, ou folle (ces notions n'étant pas obligatoirement mutuellement exclusives), est longue : Dreyfus, Seznec, Richard Roman, Omar Raddad, les accusés d'Outreau, les Irlandais de Vincennes...

Il faut maintenant y rajouter Jacqueline Sauvage. Les faits sont tragiquement simples.

Elle fut reconnue coupable, en première instance comme en appel, d'avoir tué son mari de trois coups de fusil dans le dos en 2012, après 47 ans de tabassages à répétition. Evidemment, ces petits désagréments familiaux n'ont pas permis aux juges de retenir le moyen de légitime défense, même si, incidemment, ce papa parfois un peu impulsif avait aussi violé et battu (comme leur mère) ses trois filles; de surcroît, ils n'ont probablement vu dans le suicide de leur frère battu incessamment la veille du jour où Jacqueline Sauvage a abattu son époux qu'un détail sans grande importance : une mauviette réfractaire à la discipline paternelle n'appelait pas non plus une réaction aussi excessive.

Vu le tollé dans l'opinion publique, l'épouse acariâtre, condamnée à 10 ans de prison, s'est vu accorder une grâce partielle par le président de la République, ce qui lui a attiré la rancune de la magistrature.

D'ailleurs, un certain magistrat honoraire qui… honore périodiquement la presse de ses observations, au ton cauteleux de nature à faire fantasmer de nombreux chanoines pédophiles, dont suinte souvent un fiel crypto-pétainiste, a même opiné alors que "la démagogie et la complaisance ont gagné". Mais on comprend que, à ses yeux, cette grâce est éminemment critiquable vu que, contrairement à ce qui se passe souvent en cas de libération d'un terroriste "classique", elle était sans contrepartie : elle n'a pas donné lieu, par exemple, à la libération d'un d'otage à l'étranger. Quel gaspillage.

Quoiqu'il en soit, Jacqueline Sauvage est rapidement devenue admissible à une libération conditionnelle, laquelle était soutenue par le ministère public et l'administration pénitentiaire devant le tribunal d'application des peines (TAP).

Au terme d'une audience et de débats plus longs et plus éprouvants que d'habitude (comme par hasard) lors des procédures devant cette juridiction, bref, au terme de ce que l'on peut appeler en substance un "troisième procès" portant sur les faits à l'origine de la condamnation qui ne relèvent pas de sa saisine, les juges ont reconnu que la condamnée Sauvage ne présentait aucune dangerosité et aucun risque de récidive; cependant, ils ont onctueusement opposé à sa libération au motif que le projet de vie qu'elle a soumis ne favorise pas la réflexion nécessaire : (SPOILER ALERT: ce qui suit n'est pas un pastiche!) :

[Mme Sauvage aurait besoin d’aide psychique ] « pour remettre de l’interdit dans le passage à l’acte ». [Cette notion d’interdit] « n’apparaît pas encore vraiment intégrée par Mme Sauvage. Le sens de la peine lui échappe (sic!) et elle a été confortée dans cette position par les soutiens dont elle a bénéficié (sic!), l’évolution très rapide de sa situation pénale [savoureux euphémisme!] et la médiatisation de son affaire ».

En outre, on redoute qu'elle vivre à proximité du lieu des faits « dans un environnement qui, compte tenu des soutiens dont elle bénéficie et de la médiatisation des faits, risquerait de la conforter encore dans son positionnement largement victimaire ».

Mais voici la délicieuse pièce de résistance de cette décision :

 « L’importante médiatisation de son affaire rend difficile une authentique démarche de réflexion de Mme Sauvage (sic!), qui est encouragée à se cantonner dans un positionnement exclusif de victime (sic!), sans remettre en question son fonctionnement psychique personnel et sans s’interroger sur sa part de responsabilité dans le fonctionnement pathologique de son couple (sic! et non souligné dans l'original) »,

Sur la forme, il faut rendre hommage à ce chef d'œuvre de littérature judiciaire, un morceau d'anthologie digne de la plus belle jurisprudence canonique de Notre Sainte Mère l'Eglise.

Quant au fond, quelle fine psychologie, directement inspirée des annales bénies du tribunal de l'inquisition, qui cherchait souvent à sauver l'âme du pécheur en l'amenant à la repentance… En l'occurrence, était manifestement insuffisante une réflexion préalable gravée dans la chair de la pénitente pendant 47 ans. En outre, les "J'accuse" sont toujours autant source d'irritation pour la "justice" qu'en 1898. Les juges répugnent à être jugés…

(Il est difficile de ne pas faire le rapprochement avec les "doutes" exprimés par certains commentateurs de "L'action française" au sujet de l'innocence du "youtre" Dreyfus, finalement proclamée après 1906, similairement exaspérés par les campagnes de presse ayant profité à Alfred Traitrefus).

La vérité objective est que, en l'espèce, l'exercice du droit de grâce régalien ne visait qu'à corriger une situation absurde, qui n'aurait jamais dû se produire : la saine application du principe de l'opportunité des poursuites excluait, dès le départ, toute procédure pénale. Cependant, on peut comprendre que, pour un procureur, se prenant pour un District Attorney républicain de l'Alabama et membre en règle des Assemblies of God, soucieux de son tableau d'avancement et aspirant éventuellement à une carrière politique, ce principe n'a qu'un poids relatif : il est plus facile de se dresser un beau tableau… de chasse en détournant les fonds publics vers le ciblage des Jacqueline Sauvage et laissant ainsi la voie libre aux trafiquants de drogue et aux terroristes.

Ils sont hilares.

Mais même en tenant pour acquis que la grâce présidentielle était moralement peu judicieuse en l'occurrence, cela ne justifie de la part du TAP un crapuleux détournement de pouvoir servant de vengeance politique : rétablir une condamnation commuée de manière parfaitement légale par un grossier subterfuge est une réaction mafieuse, incompatible avec la notion d'état de droit.

Il émane de cette décision une infecte haine personnelle dirigée contre Jacqueline Sauvage. En lisant entre les lignes, on subodore que le simple maintien de son incarcération est une punition trop douce pour ce tribunal, qui voudrait bien, s'il en avait le pouvoir, lui faire expier un crime supplémentaire inqualifiable : avoir apitoyé l'opinion publique en posant insolemment comme une victime, et… pas seulement de feu son époux. Hélas, avec l'angélisme du système judiciaire contemporain, on ne peut plus la faire mettre aussi aux fers, comme jadis Dreyfus dans l'Ile du diable, chaque soir dans sa cellule.

Et les Raminagrobis français qui tiennent au maintien de l'immonde article 434-25 du code pénal, lequel réprime l'infraction consistant à jeter le discrédit sur une décision de "justice", alors qu'ils n'ont pas leur pareil pour se discréditer eux-mêmes!

Au pays où les Burgaud, qui ont du sang sur les mains, non seulement ne sont pas châtiés, mais ont même droit à des promotions, où la notion d'autorité de la chose jugée est invoquée avec une âpreté particulière dans les milieux plutôt bien-pensants lorsque les trouble-fête ont l'impudence de mettre publiquement en doute les condamnations des Dreyfus, on ne saurait s'étonner de voir sévir de plus belle l'esprit pervers de l'inspecteur Javert. Victor Hugo et Emile Zola demeurent des auteurs classiques, mais, en France, ils sont trop souvent lus à contre-emploi.

Et le petit franchouillard, dont les impôts seront prochainement prélevés à la source, lui, n'a plus que ses yeux pour pleurer.

LP


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