Les copains d'abord.
- Georges Brassens.
Mon père, à coups de fouet, a su faire de moi
un honnête homme!
- Le prof. Somerset
Applewater (La guérison des Dalton).
En France, la liste des persécutés par une "justice"
trop souvent aux ordres, manipulatrice, ou folle (ces notions n'étant pas obligatoirement
mutuellement exclusives), est longue : Dreyfus, Seznec, Richard Roman, Omar
Raddad, les accusés d'Outreau, les Irlandais de Vincennes...
Il faut maintenant y rajouter Jacqueline
Sauvage. Les faits sont tragiquement simples.
Elle fut reconnue coupable, en première
instance comme en appel, d'avoir tué son mari de trois coups de fusil dans le
dos en 2012, après 47 ans de tabassages à répétition. Evidemment, ces petits
désagréments familiaux n'ont pas permis aux juges de retenir le moyen de légitime
défense, même si, incidemment, ce papa parfois un peu impulsif avait aussi
violé et battu (comme leur mère) ses trois filles; de surcroît, ils n'ont
probablement vu dans le suicide de leur frère battu incessamment la veille du
jour où Jacqueline Sauvage a abattu son époux qu'un détail sans grande
importance : une mauviette réfractaire à la discipline paternelle n'appelait
pas non plus une réaction aussi excessive.
Vu le tollé dans l'opinion publique, l'épouse
acariâtre, condamnée à 10 ans de prison, s'est vu accorder une grâce partielle
par le président de la République, ce qui lui a attiré la rancune de la
magistrature.
D'ailleurs, un certain magistrat honoraire
qui… honore périodiquement la presse de ses observations, au ton cauteleux de
nature à faire fantasmer de nombreux chanoines pédophiles, dont suinte souvent
un fiel crypto-pétainiste, a même opiné alors que "la démagogie et la
complaisance ont gagné". Mais on comprend que, à ses yeux, cette grâce est
éminemment critiquable vu que, contrairement à ce qui se passe souvent en cas
de libération d'un terroriste "classique", elle était sans
contrepartie : elle n'a pas donné lieu, par exemple, à la libération d'un
d'otage à l'étranger. Quel gaspillage.
Quoiqu'il en soit, Jacqueline Sauvage est rapidement
devenue admissible à une libération conditionnelle, laquelle était soutenue par
le ministère public et l'administration pénitentiaire devant le tribunal
d'application des peines (TAP).
Au terme d'une audience et de débats plus
longs et plus éprouvants que d'habitude (comme par hasard) lors des procédures
devant cette juridiction, bref, au terme de ce que l'on peut appeler en
substance un "troisième procès" portant sur les faits à l'origine de
la condamnation qui ne relèvent pas de sa saisine, les juges ont reconnu que la
condamnée Sauvage ne présentait aucune dangerosité et aucun risque de récidive;
cependant, ils ont onctueusement opposé à sa libération au motif que le projet
de vie qu'elle a soumis ne favorise pas la réflexion nécessaire : (SPOILER
ALERT: ce qui suit n'est pas un pastiche!) :
[Mme
Sauvage aurait besoin d’aide psychique ] « pour remettre de l’interdit
dans le passage à l’acte ». [Cette notion d’interdit] « n’apparaît
pas encore vraiment intégrée par Mme Sauvage. Le sens de la
peine lui échappe (sic!) et elle a été confortée dans cette position par les
soutiens dont elle a bénéficié (sic!), l’évolution très rapide de sa
situation pénale [savoureux euphémisme!] et la médiatisation de son
affaire ».
En outre, on redoute
qu'elle vivre à proximité du lieu des faits « dans un environnement qui, compte tenu des soutiens dont elle bénéficie
et de la médiatisation des faits, risquerait de la conforter encore dans son
positionnement largement victimaire ».
Mais voici la délicieuse pièce de résistance de cette décision :
« L’importante médiatisation de son
affaire rend difficile une authentique démarche de réflexion de Mme
Sauvage (sic!), qui est encouragée à se cantonner dans un
positionnement exclusif de victime (sic!), sans remettre en question son fonctionnement psychique personnel et sans
s’interroger sur sa part de responsabilité dans le fonctionnement pathologique
de son couple (sic! et non souligné dans l'original) »,
Sur la forme, il faut rendre hommage à ce chef
d'œuvre de littérature judiciaire, un morceau d'anthologie digne de la plus
belle jurisprudence canonique de Notre Sainte Mère l'Eglise.
Quant au fond, quelle fine psychologie, directement
inspirée des annales bénies du tribunal de l'inquisition, qui cherchait souvent
à sauver l'âme du pécheur en l'amenant à la repentance… En l'occurrence, était manifestement
insuffisante une réflexion préalable gravée dans la chair de la pénitente pendant
47 ans. En outre, les "J'accuse" sont toujours autant source
d'irritation pour la "justice" qu'en 1898. Les juges répugnent à être
jugés…
(Il est difficile de ne pas faire le
rapprochement avec les "doutes" exprimés par certains commentateurs
de "L'action française" au sujet de l'innocence du "youtre"
Dreyfus, finalement proclamée après 1906, similairement exaspérés par les campagnes
de presse ayant profité à Alfred Traitrefus).
La vérité objective est que, en l'espèce,
l'exercice du droit de grâce régalien ne visait qu'à corriger une situation
absurde, qui n'aurait jamais dû se produire : la saine application du principe
de l'opportunité des poursuites excluait, dès le départ, toute procédure pénale.
Cependant, on peut comprendre que, pour un procureur, se prenant pour un
District Attorney républicain de l'Alabama et membre en règle des Assemblies of God, soucieux
de son tableau d'avancement et aspirant éventuellement à une carrière
politique, ce principe n'a qu'un poids relatif : il est plus facile de se dresser
un beau tableau… de chasse en détournant les fonds publics vers le ciblage des Jacqueline
Sauvage et laissant ainsi la voie libre aux trafiquants de drogue et aux
terroristes.
Ils sont hilares.
Mais même en tenant pour acquis que la grâce présidentielle
était moralement peu judicieuse en l'occurrence, cela ne justifie de la part du
TAP un crapuleux détournement
de pouvoir servant de vengeance politique : rétablir une condamnation
commuée de manière parfaitement légale par un grossier subterfuge est une
réaction mafieuse, incompatible avec la notion d'état de droit.
Il émane de cette
décision une infecte haine personnelle dirigée contre Jacqueline Sauvage. En
lisant entre les lignes, on subodore que le simple maintien de son incarcération
est une punition trop douce pour ce tribunal, qui voudrait bien, s'il en avait
le pouvoir, lui faire expier un crime supplémentaire inqualifiable : avoir
apitoyé l'opinion publique en posant insolemment comme une victime, et… pas
seulement de feu son époux. Hélas, avec l'angélisme du système judiciaire
contemporain, on ne peut plus la faire mettre aussi aux fers, comme jadis Dreyfus
dans l'Ile du diable, chaque soir dans sa cellule.
Et les Raminagrobis français
qui tiennent au maintien de l'immonde article 434-25 du
code pénal, lequel réprime l'infraction consistant à jeter le discrédit sur une décision de "justice",
alors qu'ils n'ont pas leur pareil
pour se discréditer eux-mêmes!
Au pays où les Burgaud,
qui ont du sang sur les mains, non seulement ne sont pas châtiés, mais ont même
droit à des promotions, où la notion d'autorité de la chose jugée est invoquée
avec une âpreté particulière dans les milieux plutôt bien-pensants lorsque les trouble-fête
ont l'impudence de mettre publiquement en doute les condamnations des Dreyfus, on
ne saurait s'étonner de voir sévir de plus belle l'esprit pervers de l'inspecteur
Javert. Victor Hugo et Emile Zola demeurent des auteurs classiques, mais, en
France, ils sont trop souvent lus à contre-emploi.
Et le petit
franchouillard, dont les impôts seront prochainement prélevés à la source, lui,
n'a plus que ses yeux pour pleurer.
LP
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