Monday, May 16, 2016

Le 16 mai 2016. Dieudonné et la liberté de parole au Canada : rideau.



Les merguez, c'est bien, mais pas tous les jours.
- Gérard Longuet.

Il est certain que d'avoir des Espagnols, des Polonais, et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs… Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d'or… qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! Si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur, eh bien le travailleur français sur le palier devient fou.
- Jacques Chirac.

C’est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre.
- Voltaire (Dans la partie consacrée à la "tolérance" du Dictionnaire philosophique).

Ce sont ces Juifs qui ont fait mourir le Seigneur Jésus et les prophètes, qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes, Ces Juifs ont tué Jésus et les Prophètes et c’est pour cette raison qu’ils déplaisent à Dieu et sont les ennemis du genre humain.
- 1 Thessaloniciens 2:15

Les Messieurs du Mahamad vous font savoir qu'ayant eu connaissance depuis quelque
temps des mauvaises opinions et de la conduite de Baruch de Spinoza, ils s'efforcèrent par différents moyens et promesses de le détourner de sa mauvaise voie. Ne pouvant porter remède à cela, recevant par contre chaque jour de plus ample s informations sur les horribles hérésies qu'il pratiquait et enseignait et sur les actes monstrueux qu'il commettait et ayant de cela de nombreux témoins dignes de foi qui déposèrent et témoignèrent sur tout en présence dudit Spinoza qui a été reconnu coupable : … les Messieurs du Mahamad décidèrent avec l'accord des rabbins que ledit Spinoza serait exclu et écarté de la Nation d'Israël à la suite du hérem que nous prononçons maintenant : A l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos saints livres et des six cent treize commandements qui y sont enfermés… Nous le maudissons… avec toutes les malédictions que l'on trouve dans la Loi. Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soir maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille. Qu'il soit maudit à son entrée et qu'il soit maudit à sa sortie. Veuille l'Éternel ne jamais lui pardonner. Veuille l'Éternel allumer contre cet homme toute Sa colère et déverser sur lui tous les maux mentionnés dans le livre de la Loi : que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais et qu'il plaise à Dieu de le séparer de toutes les tribus d'Israël en l'affligeant de toutes les malédictions que contient la Loi. Et vous qui restez attachés à l'Éternel, votre Dieu, qu'Il vous conserve en vie. Sachez que vous ne devez avoir avec Spinoza aucune relation ni écrite ni verbale. Qu'il ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l'approche à moins de quatre coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise aucun de ses écrits.
- Décret d'excommunication de Spinoza.

But the fact that society may find speech offensive is not a sufficient reason for suppressing it. Indeed, if it is the speaker's opinion that gives offense, that consequence is a reason for according it constitutional protection. For it is a central tenet of the First Amendment that the government must remain neutral in the marketplace of ideas.
- FCC v. Pacifica Foundation, 438 U.S. 726 (1978) (Arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis)

Le 10 mai 2016, tous les Canadiens reçurent une gifle de la part de leur gouvernement : l'humoriste français Dieudonné, qui devait donner une série de spectacles au Québec, s'est fait refouler à la frontière.

Selon le maire de Montréal Coderre, Dieudonné n'était pas le bienvenu à Montréal. Pourtant, il était le bienvenu des personnes qui avaient acheté un billet pour assister à ses spectacles auxquels nul n'était forcé d'assister.

(Pour mémoire, c'est le chantre de la tolérance Coderre, une autorité en matière d'expulsion du territoire, qui, sur la scène fédérale, appelait naguère les électeurs à voter "pour un gars d'ici" et qui déclarait au sujet d'un député indépendantiste d'origine chilienne : "Des fois, j’ai envie de remettre la loi de la déportation et de renvoyer dans leur pays des gens qui crachent sur mon drapeau").

Le motif de cette exclusion réside manifestement dans le lourd casier judiciaire de l'intéressé.

En ce qui concerne la "justice" à la française, un rappel historique s'impose. Si la France  peut s'enorgueillir de son code civil, son bilan en matière pénale et de libertés publiques est moins flatteur ; elle est le pays où furent allègrement condamnés le Juif Dreyfus, l'Arabe Omar Raddad, la "sale gueule" Guillaume Seznec; le pays où, dans les années 70, le pouvoir gaulliste interdisait Charlie-Hebdo et faisait espionner par des "plombiers" aux techniques nixoniennes "Le Canard enchaîné". Le pays où, à l'heure actuelle, est en vigueur un mini-Guantanamo interne, c'est-à-dire le contrôle policier arbitraire de personnes d'origine et de religion exotiques.

De prime abord, n'ont donc aucune crédibilité les sanctions pénales prononcées contre un humoriste grossièrement ciblé depuis des années par le pouvoir exécutif, par des magistrats fort malléables, au service d'un Etat qui, s'autoproclamant ex cathedra historien pontifical, a érigé en article de foi la réalité de l'holocauste en réprimant le délit de négationnisme, suivant ainsi servilement le "modèle" turc, selon lequel est interdite toute mention du génocide arménien.

Certaines personnalités canadiennes bien pensantes, sentant l'huile, à l'indignation parfois à géométrie variable, se réjouissent cependant de la décision prise par les cerbères fédéraux. Si l'on reconnaît du bout des lèvres que le délit d'hérésie historique, lui, n'est pas punissable au Canada, on excipe de la concordance des législations réprimant la propagande haineuse.

Et c'est là tout le problème.

La réponse est simple : aux Etats-Unis, ces grotesques lois incriminant la haine raciale ont toujours été jugées incompatibles avec la liberté d'expression garantie par le premier amendement de la Constitution.

Aux Etats-Unis, nul législateur, nul juge ne peuvent donc, par exemple, empêcher un prêtre catholique de prononcer librement un discours antisémite (Terminiello v. Chicago);  des Néo-Nazis - défendus par un avocat juif de la American Civil Liberties Union - de défiler en uniforme dans une banlieue de Chicago habitée surtout par des rescapés de l'holocauste (National Socialist Party of America v. Village of Skokie) ; et même un dirigeant du Ku Klux Klan de promouvoir la "revengeance" (sic!) contre les Juifs, les Nègres, et leurs alliés, tant qu'il n'y a pas de danger "clair et imminent" de violence (Clarence Brandenburg v. State of Ohio). Bref, a droit de cité, sans réserve, la caricaturale rhétorique électorale trumpesque.

David Birnbaum, le député libéral de D’Arcy-McGee, Kathleen Weil, ministre québécoise de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (dont la mission n'inclut manifestement pas la liberté de parole) et Thomas Mulcair, qui dirige - pour combien de temps encore?...- un parti comptant parmi ses membres, comme le public l'a appris lors de son dernier congrès, 52% de crétins) ont exprimé leur satisfaction quant à la fatwah prononcée contre le chansonnier français. Il est inquiétant de voir un ex-journaliste (!) et des juristes (!) faisant abstraction de cette vérité élémentaire : la mission des juges n'est pas d'assurer le respect du bon goût. Même si l'on comprend que l'on a affaire à quatre fins lettrés (surtout monsieur le maire) qui apprécient plus les mots d'esprit en demi-teinte de Sacha Guitry et de PG Wodehouse que la gouaille de Dieudonné, cela ne justifie pas une scandaleuse démagogie.

Ces quatre cavaliers de l'apocalypse québécois devraient logiquement se poser les questions suivantes : A quand la saisie des œuvres de Louis-Ferdinand Céline, dont les pamphlets antisémites ont été réédités au Québec? A quand l'interdiction des œuvres des antisémites Voltaire et Karl Marx? de La Dernière Tentation du Christ de Nikos Kazantzakis? du Coran? et du Nouveau Testament? (Les écrits du juriste américain Alan Dershowitz leur donneront peut-être quelques éléments de réponse).

Tous les jugements et lois, en France, en Russie ou au Kazakhstan, qui ne sont pas conformes aux valeurs voltairiennes du premier amendement de la Constitution américaine, ne méritent que mépris, d'autant plus qu'il faut une forte dose de chutzpah pour feindre publiquement de croire en leur efficacité.

Mais concluons plutôt sur une note plus légère.

Quelques jours avant l'arrivée de la désopilante bête de scène française, la ministre fédérale du Patrimoine, Mélanie Joly avait déclaré à la chambre des communes que son ministère n'interviendrait pas et qu'il appartenait à l'agent des services frontaliers de l'aéroport de décider si le passager controversé pourrait entrer au pays, propos avalisés par le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale. (En l'espèce, M. M'bala M'bala semble pourtant bien avoir eu droit au traitement VIP : il aurait été cueilli par deux agents dès sa sortie de l'avion et n'aurait donc pas eu besoin de faire la queue comme tous les roturiers et d'attendre le premier agent disponible).

La ravissante et fraîche ministre a un sens de l'humour qui détrône Anne Roumanoff. Avec leur sens de la chute, Mélanie et Ralph devraient former un duo comique qui ferait un tabac au festival "Juste pour rire".

Et personne ne les refoulera.

LP
(Un des étudiants de l'université McGill qui furent, en 1980, privés du droit d'entendre sur le campus Ian Douglas Smith, ex-premier ministre rhodésien, et alors député du parlement zimbabwéen, au casier judiciaire vierge.

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