Sunday, May 22, 2016

Le 22 mai 2016. Refoulement de Dieudonné à la frontière canadienne (suite, et sans fin?)



C'est ça la France.
- Marc Lavoine.


Monsieur Boisvert,

Dans une récente chronique,

http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/yves-boisvert/201605/12/01-4980890-le-droit-de-ne-pas-inviter-dieudonne.php

vous opinez que le Canada n'était pas tenu d'admettre l'humoriste Dieudonné. Il ne se serait produit nulle atteinte à la liberté d'expression car vous n'y voyez qu'"une affaire d'immigration.". Il est licite, paraît-il, d'exclure les personnes condamnées au pénal dans un état de droit…

Voilà qui appelle la remise à l'heure de quelques-unes de vos pendules.

En ce qui concerne cette notion, en France, de manière générale, en matière pénale, la présomption d'innocence, c'est bon pour les traités de procédure pénale. Je pourrais vous signaler nombre d'histoires d'horreur, mais il y a notamment les affaires Outreau, Omar Raddad, etc… (par contre, il me vient à l'esprit le cas d'une personne décédée après avoir reçu 5 balles dans le dos : le juge d'instruction a conclu au suicide. Un suicidé bien maladroit, mais, à ma connaissance, nul ne fut alors poursuivi…).

Dans les affaires politico-médiatiques, il arrive, en outre, que la notion d'indépendance des juges soit une… poétique fiction. Le fait est que Dieudonné est, depuis des années, la victime de la vendetta menée par le pouvoir. Ses quelques victoires judiciaires qui vous impressionnent ne changent rien au harcèlement systématique dont il fait l'objet. Je recite Angela Davis : a fair trial would have been no trial at all.

"De juges d'un pays reconnu depuis un certain temps pour son respect des libertés publiques", dites-vous?

Mais reconnu par qui, monsieur Boisvert??? Vos connaissances d'histoire de France sont donc si faibles? Vous croyez que les choses ont tellement changé depuis l'affaire Calas?

Pour votre gouverne, sachez que la France est régulièrement condamnée par la Cour européenne des droits de l'homme, et que l'état d'urgence y semble pérennisé : on a recours à une loi de 1955 (tiens, tiens, comme par hasard, adoptée à l'époque de la guerre d'Algérie…) qui sert aussi en ce moment à museler des écologistes. Et surtout, oui, surtout, vous êtes bien indulgent pour un Etat où il est interdit de critiquer une décision de "justice" (infraction parfois poursuivie de manière fort sélective…). Au moins, au Canada, n'existe plus l'infraction dite scandalizing the court.

Un Etat de droit? Parfois, oui, mais… à doses inégales… ça dépend des circonstances… et de la tête du client… Et moins souvent pour les hommes de lettres, qui ne doivent pas oublier que la France est le pays qui fait fusiller ses Robert Brasillach.

Manifestement vous avez des lacunes au sujet du (dys)fonctionnement de la "justice" pénale française; normal, quand on lit pas "Libé". Et pourtant, vous reconnaissez vous-même que les développements en France depuis 2014 sont "troublants". Cela ne vous a pas alerté? Il ne vous est donc pas venu à l'esprit qu'ils jettent une certaine lumière sur les événements antérieurs? Que les dérives avaient simplement été un peu mieux camouflées?

Le système judiciaire pénal français n'est pas celui de l'Ouganda, mais… pas beaucoup mieux que celui du Paraguay.

Cela dit, il faut, en effet, relativiser, monsieur Boisvert : tout n'est pas sombre dans les annales judiciaires françaises. A preuve ce joyau de l'Etat de droit.

Le général de Gaulle avait institué, par une ordonnance du 1er juin 1962 une juridiction spéciale, la Cour militaire de justice, chargée de juger, suivant une procédure spéciale et sans recours possible, les auteurs et complices de certaines infractions en relation avec les événements d'Algérie. Condamné à mort le 28 juin 1962,  Roger Degueldre fut fusillé le 6 juillet 1962.

Le calendrier fut plus favorable à d'autres condamnés à mort, MM. Canal, Robin et Godot, qui eurent le temps matériel de saisir, avant d'être envoyés ad patres, le Conseil d'État d'un recours en annulation dirigé contre l'ordonnance. Le 19 octobre 1962, il prononça l'annulation de l'ordonnance, "eu égard à l'importance et à la gravité des atteintes que l'ordonnance attaquée apporte aux principes généraux du droit pénal, en ce qui concerne, notamment, la procédure qui y est prévue et l'exclusion de toute voie de recours".

Sur le plan jurisprudentiel, pour le condamné Degueldre, une victoire totale, on pourrait presque dire… sans appel : au final, son exécution était illégale. Je dois vous l'accorder, monsieur Boisvert, la France n'est pas l'Arabie saoudite : on n'y plaisante pas avec les principes.

(Le lieutenant-colonel Jean-Marie Bastien-Thiry eut (relativement) moins de chance que le lieutenant Degueldre : vu la jurisprudence Canal, le Parlement français, par la loi du 20 février 1963, prolongea l'existence de cette Cour pour juger les affaires pendantes; la solution était simple, mais il fallait simplement y penser. Il fut donc condamné à mort le 4 mars 1963 et fusillé le 11 mars suivant.)

Revenons au Canada, monsieur Boisvert.

Selon vos critères, beaucoup d'étrangers victimes d'erreurs, ou pire, de crapuleries, judiciaires ne pourraient alerter en personne les Canadiens.

On pense à Emile Zola, qui fut condamné pour diffamation pour avoir osé proclamé la vérité, c'est-à-dire l'innocence du juif Dreyfus et dénoncé l'ignoble complot, et qui trouva asyle en Angleterre.

Il serait aujourd'hui impossible à l'Arabe Omar Raddad de dénoncer lui-même au pays de Steven Truscott et de Guy-Paul Morin la pourriture judiciaire française en l'illustrant par sa propre affaire (mais le problème ne se poserait probablement pas car le gouvernement français lui interdirait de quitter le territoire).

Le Canada a connu, tout au long de son histoire, une application à l'occasion… aléatoire de ses lois encadrant l'admission des étrangers. Quelques exemples pris totalement au hasard : avant la guerre, pas de Juifs; et après… le premier ministre Louis Saint-Laurent intervint personnellement pour faire admettre un collabo français, plusieurs ex-nazis s'installèrent sans difficultés au Canada, bénéficiant de l'aveuglement volontaire des fonctionnaires, etc.…

Plus précisément, en l'espèce, manifestement, vous connaissez mal la notion, apparemment plus amplement développée par la doctrine française (et pour cause?...), de détournement de pouvoir. Le recours aux lois sur l'immigration n'en est souvent qu'un exemple, fin comme du gros sel, lorsque les princes régnants veulent priver leurs fidèles sujets de leur droit d'entendre des personnalités étrangères controversées, voire fort déplaisantes. Et là encore, elle sont susceptibles d'application de manière très, très sélective…

(Ah, au fait, le Franco-vénézuélien repris de justice Henri Charrière, auteur de "Papillon", condamné pour meurtre, fut interviouvé ici au Canada dans le temps… ; et la même Angela Davis, communiste qui prônait la violence, a jadis pu s'exprimer librement dans des campus canadiens).

Si je suis votre logique, lorsque le gouvernement américain a voulu interdire l'importation de l'obscène Ulysses de James Joyce aux termes du Tariff Act of 1930, cela n'avait rien à voir avec la liberté d'expression? Ce n'était qu'une question de droit des douanes? En sens inverse, pendant les années 60, lorsque le gouvernement Johnson privait de passeport des activistes noirs militant pour les droits civiques afin de les empêcher de donner des conférences à l'étranger sur le drame des Noirs dans la libre Amérique, il n'y avait là que simple application de la loi sur les passeports? Dans les années 80, aux Etats-Unis, le gouvernement voulait empêcher le rabbin (ignominieusement raciste) Meir Kahane, député "Kach" à la Knesset en Israël, d'y donner des conférences et a donc essayé de lui retirer sa citoyenneté américaine, mais la magouille a échoué.

"C'est une affaire d'immigration." (!).

Vous me rappelez la déclaration du gouvernement américain en 1989 lorsqu'il a renversé, emprisonné, et poursuivi au pénal son ex-allié le dictateur panaméen Manuel Noriega : Just a drug case (!) Comme l'a observé son avocat : You believe in the tooth fairy too?

La liberté d'expression est quasi-absolue, comme il se doit, pour les Américains, sur le territoire américain, ce qui n'est déjà pas si mal, et mieux qu'au Canada, mais, dans les deux pays, il y a encore du chemin à faire en ce qui concerne le droit de circulation des sources d'information extraterritoriales. Il faut donc espérer un jour une contestation judiciaire d'un refus d'admettre un conférencier/artiste étranger, car même si l'on admet (ce que je nie, la réponse étant loin d'être aussi claire que vous le dites) que l'émetteur du message n'a nul droit d'entrer dans un pays, l'obligation d'admission découle du droit des récepteurs.

Et vous parlez d'emmerdeurs, monsieur Boisvert.

On est stupéfait d'apprendre que vous approuvez le refus d'entrée de certains imams misogynes et homophobes, même si leur casier judiciaire est vierge! "Simplement, [c'est si simple???] on en savait assez long sur eux [??? Qui, "on"? Qui savait quoi???] pour penser [pour conjecturer???] qu'ils inciteraient à la haine, qu'ils engendreraient une forme de désordre quelconque [alors que, dans ces cas-là, le désordre est toujours, précisément, le fait des hystériques emmerdeurs et emmerdeuses qui chahutent l'orateur], bref, pour les trouver indésirables."

On en reste pantois.

La vérité objective est que ni ces imams, ni Dieudonné, ni les propagandistes communistes (il reste quelques dinosaures) n'emmerdent qui que ce soit. Ils n'emmerdent évidemment pas ceux qui veulent les entendre, et nul n'est obligé de prendre connaissance de leurs radotages. Il y a quelques décennies, aux Etats-Unis, au cours d'un débat télévisé sur la pornographie, il était reproché à un acteur spécialisé dans ces films documentaires qu'elle était disgusting, offensive, degrading…; sa réponse de simple bon sens, a giclé :

Don't watch it!          

Elle pleinement transposable en l'occurrence.

A cet égard, n'est emmerdé que qui veut, monsieur Boisvert.

Par contre, sont de beaux emmerdeurs les fumiers de ronds-de-cuir et de politicards qui privent de leurs droits les récepteurs de messages.

En fait, l'état canadien n'invite nul artiste : ce sont les spectateurs qui le font.

Et vous croyez réellement que c'est le p'tit gabelou à l'aéroport qui a pris, tout seul, comme un grand, la décision de refouler le passager M'bala M'bala??? D'autant plus qu'il semble y avoir eu deux guignols pour aller l'accueillir à la sortie de l'avion?! If you believe that, I have a bridge to sell in Brooklyn.

En conclusion, je vous invite instamment à lire (outre "Libé") Defending my enemy d'Aryeh Neier, né en Allemagne en 1937, lequel a marqué le soussigné pendant ses études de droit, et les ouvrages d'Alan Dershowitz, deux extraordinaires défenseurs américains des libertés publiques, qui combattent aussi le racisme sous toutes ses formes.

(Je vais vous faire une confidence, monsieur Boisvert, mais que cela reste entre nous : nul d'entre eux n'a été baptisé dans l'église luthérienne).

Ils étofferont votre culture juridique et générale.

https://en.wikipedia.org/wiki/Aryeh_Neier  

Libertairement vôtre,

LP

PS. Ah, j'allais oublier, il n'y a pas que les lois sur l'immigration qui sont susceptibles de détournement. En ce qui concerne l'Etat de droit canadien, vous me direz, sans rire, que le gouvernement conservateur qui a refusé aux médias tout accès à Omar Khadr pour des entrevues lorsqu'il était embastillé au Canada ne s'est borné qu'à simplement appliquer les lois carcérales?



Monday, May 16, 2016

Le 16 mai 2016. Dieudonné et la liberté de parole au Canada : rideau.



Les merguez, c'est bien, mais pas tous les jours.
- Gérard Longuet.

Il est certain que d'avoir des Espagnols, des Polonais, et des Portugais travaillant chez nous, ça pose moins de problèmes que d'avoir des musulmans et des Noirs… Comment voulez-vous que le travailleur français qui habite à la Goutte-d'or… qui travaille avec sa femme et qui, ensemble, gagnent environ 15 000 francs, et qui voit sur le palier à côté de son HLM, entassée, une famille avec un père de famille, trois ou quatre épouses, et une vingtaine de gosses, et qui gagne 50 000 francs de prestations sociales, sans naturellement travailler ! Si vous ajoutez à cela le bruit et l'odeur, eh bien le travailleur français sur le palier devient fou.
- Jacques Chirac.

C’est à regret que je parle des Juifs : cette nation est, à bien des égards, la plus détestable qui ait jamais souillé la terre.
- Voltaire (Dans la partie consacrée à la "tolérance" du Dictionnaire philosophique).

Ce sont ces Juifs qui ont fait mourir le Seigneur Jésus et les prophètes, qui nous ont persécutés, qui ne plaisent point à Dieu, et qui sont ennemis de tous les hommes, Ces Juifs ont tué Jésus et les Prophètes et c’est pour cette raison qu’ils déplaisent à Dieu et sont les ennemis du genre humain.
- 1 Thessaloniciens 2:15

Les Messieurs du Mahamad vous font savoir qu'ayant eu connaissance depuis quelque
temps des mauvaises opinions et de la conduite de Baruch de Spinoza, ils s'efforcèrent par différents moyens et promesses de le détourner de sa mauvaise voie. Ne pouvant porter remède à cela, recevant par contre chaque jour de plus ample s informations sur les horribles hérésies qu'il pratiquait et enseignait et sur les actes monstrueux qu'il commettait et ayant de cela de nombreux témoins dignes de foi qui déposèrent et témoignèrent sur tout en présence dudit Spinoza qui a été reconnu coupable : … les Messieurs du Mahamad décidèrent avec l'accord des rabbins que ledit Spinoza serait exclu et écarté de la Nation d'Israël à la suite du hérem que nous prononçons maintenant : A l'aide du jugement des saints et des anges, nous excluons, chassons, maudissons et exécrons Baruch de Spinoza avec le consentement de toute la sainte communauté en présence de nos saints livres et des six cent treize commandements qui y sont enfermés… Nous le maudissons… avec toutes les malédictions que l'on trouve dans la Loi. Qu'il soit maudit le jour, qu'il soit maudit la nuit ; qu'il soir maudit pendant son sommeil et pendant qu'il veille. Qu'il soit maudit à son entrée et qu'il soit maudit à sa sortie. Veuille l'Éternel ne jamais lui pardonner. Veuille l'Éternel allumer contre cet homme toute Sa colère et déverser sur lui tous les maux mentionnés dans le livre de la Loi : que son nom soit effacé dans ce monde et à tout jamais et qu'il plaise à Dieu de le séparer de toutes les tribus d'Israël en l'affligeant de toutes les malédictions que contient la Loi. Et vous qui restez attachés à l'Éternel, votre Dieu, qu'Il vous conserve en vie. Sachez que vous ne devez avoir avec Spinoza aucune relation ni écrite ni verbale. Qu'il ne lui soit rendu aucun service et que personne ne l'approche à moins de quatre coudées. Que personne ne demeure sous le même toit que lui et que personne ne lise aucun de ses écrits.
- Décret d'excommunication de Spinoza.

But the fact that society may find speech offensive is not a sufficient reason for suppressing it. Indeed, if it is the speaker's opinion that gives offense, that consequence is a reason for according it constitutional protection. For it is a central tenet of the First Amendment that the government must remain neutral in the marketplace of ideas.
- FCC v. Pacifica Foundation, 438 U.S. 726 (1978) (Arrêt de la Cour suprême des Etats-Unis)

Le 10 mai 2016, tous les Canadiens reçurent une gifle de la part de leur gouvernement : l'humoriste français Dieudonné, qui devait donner une série de spectacles au Québec, s'est fait refouler à la frontière.

Selon le maire de Montréal Coderre, Dieudonné n'était pas le bienvenu à Montréal. Pourtant, il était le bienvenu des personnes qui avaient acheté un billet pour assister à ses spectacles auxquels nul n'était forcé d'assister.

(Pour mémoire, c'est le chantre de la tolérance Coderre, une autorité en matière d'expulsion du territoire, qui, sur la scène fédérale, appelait naguère les électeurs à voter "pour un gars d'ici" et qui déclarait au sujet d'un député indépendantiste d'origine chilienne : "Des fois, j’ai envie de remettre la loi de la déportation et de renvoyer dans leur pays des gens qui crachent sur mon drapeau").

Le motif de cette exclusion réside manifestement dans le lourd casier judiciaire de l'intéressé.

En ce qui concerne la "justice" à la française, un rappel historique s'impose. Si la France  peut s'enorgueillir de son code civil, son bilan en matière pénale et de libertés publiques est moins flatteur ; elle est le pays où furent allègrement condamnés le Juif Dreyfus, l'Arabe Omar Raddad, la "sale gueule" Guillaume Seznec; le pays où, dans les années 70, le pouvoir gaulliste interdisait Charlie-Hebdo et faisait espionner par des "plombiers" aux techniques nixoniennes "Le Canard enchaîné". Le pays où, à l'heure actuelle, est en vigueur un mini-Guantanamo interne, c'est-à-dire le contrôle policier arbitraire de personnes d'origine et de religion exotiques.

De prime abord, n'ont donc aucune crédibilité les sanctions pénales prononcées contre un humoriste grossièrement ciblé depuis des années par le pouvoir exécutif, par des magistrats fort malléables, au service d'un Etat qui, s'autoproclamant ex cathedra historien pontifical, a érigé en article de foi la réalité de l'holocauste en réprimant le délit de négationnisme, suivant ainsi servilement le "modèle" turc, selon lequel est interdite toute mention du génocide arménien.

Certaines personnalités canadiennes bien pensantes, sentant l'huile, à l'indignation parfois à géométrie variable, se réjouissent cependant de la décision prise par les cerbères fédéraux. Si l'on reconnaît du bout des lèvres que le délit d'hérésie historique, lui, n'est pas punissable au Canada, on excipe de la concordance des législations réprimant la propagande haineuse.

Et c'est là tout le problème.

La réponse est simple : aux Etats-Unis, ces grotesques lois incriminant la haine raciale ont toujours été jugées incompatibles avec la liberté d'expression garantie par le premier amendement de la Constitution.

Aux Etats-Unis, nul législateur, nul juge ne peuvent donc, par exemple, empêcher un prêtre catholique de prononcer librement un discours antisémite (Terminiello v. Chicago);  des Néo-Nazis - défendus par un avocat juif de la American Civil Liberties Union - de défiler en uniforme dans une banlieue de Chicago habitée surtout par des rescapés de l'holocauste (National Socialist Party of America v. Village of Skokie) ; et même un dirigeant du Ku Klux Klan de promouvoir la "revengeance" (sic!) contre les Juifs, les Nègres, et leurs alliés, tant qu'il n'y a pas de danger "clair et imminent" de violence (Clarence Brandenburg v. State of Ohio). Bref, a droit de cité, sans réserve, la caricaturale rhétorique électorale trumpesque.

David Birnbaum, le député libéral de D’Arcy-McGee, Kathleen Weil, ministre québécoise de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (dont la mission n'inclut manifestement pas la liberté de parole) et Thomas Mulcair, qui dirige - pour combien de temps encore?...- un parti comptant parmi ses membres, comme le public l'a appris lors de son dernier congrès, 52% de crétins) ont exprimé leur satisfaction quant à la fatwah prononcée contre le chansonnier français. Il est inquiétant de voir un ex-journaliste (!) et des juristes (!) faisant abstraction de cette vérité élémentaire : la mission des juges n'est pas d'assurer le respect du bon goût. Même si l'on comprend que l'on a affaire à quatre fins lettrés (surtout monsieur le maire) qui apprécient plus les mots d'esprit en demi-teinte de Sacha Guitry et de PG Wodehouse que la gouaille de Dieudonné, cela ne justifie pas une scandaleuse démagogie.

Ces quatre cavaliers de l'apocalypse québécois devraient logiquement se poser les questions suivantes : A quand la saisie des œuvres de Louis-Ferdinand Céline, dont les pamphlets antisémites ont été réédités au Québec? A quand l'interdiction des œuvres des antisémites Voltaire et Karl Marx? de La Dernière Tentation du Christ de Nikos Kazantzakis? du Coran? et du Nouveau Testament? (Les écrits du juriste américain Alan Dershowitz leur donneront peut-être quelques éléments de réponse).

Tous les jugements et lois, en France, en Russie ou au Kazakhstan, qui ne sont pas conformes aux valeurs voltairiennes du premier amendement de la Constitution américaine, ne méritent que mépris, d'autant plus qu'il faut une forte dose de chutzpah pour feindre publiquement de croire en leur efficacité.

Mais concluons plutôt sur une note plus légère.

Quelques jours avant l'arrivée de la désopilante bête de scène française, la ministre fédérale du Patrimoine, Mélanie Joly avait déclaré à la chambre des communes que son ministère n'interviendrait pas et qu'il appartenait à l'agent des services frontaliers de l'aéroport de décider si le passager controversé pourrait entrer au pays, propos avalisés par le ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale. (En l'espèce, M. M'bala M'bala semble pourtant bien avoir eu droit au traitement VIP : il aurait été cueilli par deux agents dès sa sortie de l'avion et n'aurait donc pas eu besoin de faire la queue comme tous les roturiers et d'attendre le premier agent disponible).

La ravissante et fraîche ministre a un sens de l'humour qui détrône Anne Roumanoff. Avec leur sens de la chute, Mélanie et Ralph devraient former un duo comique qui ferait un tabac au festival "Juste pour rire".

Et personne ne les refoulera.

LP
(Un des étudiants de l'université McGill qui furent, en 1980, privés du droit d'entendre sur le campus Ian Douglas Smith, ex-premier ministre rhodésien, et alors député du parlement zimbabwéen, au casier judiciaire vierge.

Tuesday, May 10, 2016

Le 10 mai 2016. La colère de Vulcain à Fort McMurray (Canada).



Le monde a commencé sans l’homme et il s’achèvera sans lui.
- Claude Levi-Strauss.

A tree is a tree. How many more do you have to look at?
- Ronald Reagan.

La population de cette région ravagée par les flammes a droit à la compassion et à la solidarité de tous les Canadiens.

Pour autant, ce déluge de feu appelle une sobre réflexion scientifique.

On se souviendra par exemple, que l'Eglise catholique a longtemps sanctionné par le bûcher les astronomes qui ont osé contredire l'enseignement de la Bible portant que c'est le soleil qui tourne autour du centre du monde.

Aujourd'hui, on compte parmi les ardents et désintéressés défenseurs du scepticisme scientifique en matière écologique, parmi les principaux négationnistes du réchauffement global, non seulement les actionnaires des compagnies pétrolières, les personnalités politiques qui en reçoivent de substantielles sommes aux fins du financement de leurs campagnes électorales, mais aussi certains chrétiens fondamentalistes - à l'occasion excellents tireurs à la carabine de chasse devant l'Eternel - qui croient sur parole aux guérisons miraculeuses accomplies par de photogéniques pasteurs et qui affirment, sans rire, que le monde a été créé ex nihilo en 7 jours il y a environ 5700 ans; autrement dit, les hommes ont cohabité avec les dinosaures, et, par conséquent, le film One Million Years B.C., mettant en vedette la pulpeuse Raquel Welch, est un quasi-documentaire (à part la datation, cela va de soi).

Nul autre que Pat Robertson a rationnellement expliqué le tremblement de terre de 2010 en Haïti était la punition infligée à un peuple qui avait conclu une alliance avec le diable pour obtenir son indépendance ("true story"). Cependant, que l'on se rassure, il a prouvé que l'homme pieux a le pouvoir d'agir : en 1985, ses prières ont détourné l'ouragan Gloria qui menaçait Virginia Beach, où se trouvait le siège de son église. (Les esprits forts ont signalé que Gloria est alors allé détruire d'autres régions américaines, mais ce n'était pas le problème du télévangéliste : charité bien ordonnée commence par soi-même).

Bref, avant d'admettre la réalité du changement climatique et qu'il est susceptible d'amplifier la montée des eaux océanes et la virulence des feux de forêts, les dévots ont bien compris que l'on ne doit tirer qu'avec prudence des conclusions étayées par des faits concrets. Par exemple, que c'est par les catastrophes naturelles que sont châtiées les populations pécheresses. Les mécréants savent à quoi s'en tenir depuis l'épidémie de peste de 1347 et de nos jours avec le SIDA.

La désertification galopante qui affame de nombreuses régions de la lointaine Afrique noire depuis des années n'a pas de quoi susciter d'émotions démesurées dans nos pays occidentaux, gourmands consommateurs d'énergie fossile. Au Canada, à l'heure actuelle, il n'y a que de méprisables impies pour oser voir, dans les quelques braises qui n'ont détruit qu'un négligeable 10% de la capitale mondiale du pétrole certifié "bio", un sinistre présage du sort qui menace la planète au cours des prochaines décennies.

LP