Sunday, April 28, 2024

L’habit fait-il la moniale à l’assemblée législative de l’Ontario (Canada)?

Le 29 avril 2024.

The most important thing in communication is to hear what isn't being said.
- Peter Drucker.

Une certaine controverse entoure le port du keffieh par la députée indépendante Sarah Jamah. Le président de l’assemblée, Ted Arnott, a prononcé l’interdiction de ce foulard  en invoquant une « pratique établie » et le « contexte actuel » qui fait, selon lui du keffieh un symbole politique. Pour l’instant, la députée continue de défier cette décision : ce port lui a d’abord valu l’expulsion du groupe parlementaire du Nouveau Parti Démocratique, puis de l’assemblée même, mais cette ordonnance ne s’est pas concrétisée par une éviction manu militari; cependant, elle demeure privée de son droit de vote et de parole.

La décision de M. Arnott étonne dans la mesure où il semble normal, précisément, que des élus communiquent des messages politiques et des prises de position, y compris sur les crises internationales : il est légitime de proclamer dans une assemblée parlementaire son appui à aux Palestiniens ou aux Ouyghours, ou à Israël, comme l’a fait récemment le député Anthony Housefather à la chambre des Communes à Ottawa.

Sans se perdre dans les différents codes vestimentaires encadrant de manières diverses les législateurs dans le monde, cet épisode est instructif car il en ressort un enseignement capital : un message (politique ou autre) peut-être exprimé verbalement, ou non verbalement.

Voilà qui est particulièrement pertinent quant au Québec, où une certaine propagande attaque l’interdiction laïque du port de signes religieux par les fonctionnaires en position d’autorité : essentiellement, on s’indigne vertueusement que l’État ose s’immiscer dans les garde-robes de ses serviteurs, notamment des enseignants.

Ainsi que le soulignent inlassablement des combattantes québécoises du totalitarisme islamique, Djemilah Benhabib et Fatima Houda-Pépin, un accoutrement n’est pas toujours « neutre », ainsi que feignent de le croire les sbires du lobby religieux, car il peut être le vecteur d’un message, sans même être assorti d’un discours audible : la sympathique enseignante de mathématiques qui explique à ses élèves les mystères des équations du second degré et les postulats d’Euclide, affublée du hijjab, proclame simultanément, haut et fort, qu’« il n'y a qu'un seul Dieu et Mahomet est son Prophète »; il en allait de même jadis des bonnes sœurs, dont les cornettes et la croix informaient leurs étudiants de cette vérité historique incontestable, à savoir que le Christ a guéri des lépreux, a multiplié les pains et les poissons, et surtout, est mort pour l’humanité, puis est ressuscité.

C’est de la sémiotique visuelle 101.

L’on ne peut que réprouver la décision concrète de l’hon. Ted Arnott, puisque la députée Jamah se borne à manifester sa solidarité avec le peuple palestinien. (Par contre, serait peut-être plus cohérente, sur le plan citoyen, l’exclusion des oripeaux et ustensiles visibles religieux). Cela dit, on ne peut que le féliciter de sa fine compréhension de la communication visuelle. Manifestement, il a bien assimilé la « Rhétorique de l'image » de Roland Barthes.

Les tartuffes, pas seulement québécois, sont invités à en faire autant.

LP

 

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