Friday, February 23, 2024

Missak et Mélinée Manouchian panthéonisés en présence de Marine Le Pen.

 Le 23 février 2024.

Mon père, on l’appelait “le bougnoul”.
- Patrick Devedjian.

Marine Le Pen, rappelons-le, est la fille de Jean-Marie, fondateur de son parti en 1972.

En 1963, le paternel avait constitué, de concert, notamment. avec l’ancien Waffen-SS Léon Gaultier, la Société d’études et de relations publiques (Serp), maison de disques laquelle, à partir de 1965, publia des disques retraçant l’histoire du IIIe Reich, reproduisant des discours d’Hitler et de hauts dirigeants nazis. L’album « Le IIIe Reich 1 – Voix et chants de la révolution allemande », lui valut un procès en tant que gérant de la Serp pour « apologie de crime de guerre », qu’il perdit en décembre 1968. Ce fut la fin des rêves de disque d’or.

S’il faut voir dans ce jugement une très française atteinte à la liberté d’expression, il n’en est pas moins instructif quant à la philosophie humaniste de ce fin mélomane. Quoi qu’il en soit, il jugea alors préférable de modifier sa ligne éditoriale. Mais laissons là ce point de détail.

Parlant de ligne éditoriale malléable, en un sens, il faut saluer le courage de son héritière.

Nul doute qu’assister à cette panthéonisation fut une rude épreuve pour Marine. On y rendait hommage au résistant mort pour la France, alors qu’il était un étranger, levantin arménien, apatride, survivant du massacre qui a d’ailleurs inspiré l’holocauste alors en cours, membre d’une autre église, communiste. Quel supplice pour l’oreille marinesque que d’entendre “Le chant des partisans”, “l’Affiche rouge” et un court (mais trop long...) extrait de “L’Internationale”, oeuvres moins gracieuses que le “Horst-Wessel Lied”. Un cocktail détonnant et peu banal.

La totale.

Mais le coup de grâce fut porté à l’idéologie du rassemblement national par le rappel de l’admonestation universaliste de Manouchian, “Français de préférence” et “Français d’espérance”, adressée à ses juges et à toute la flicaille collabo qui l’écoutaient : Vous avez hérité de la nationalité française. Nous, nous l’avons méritéeQuel irritant grand remplacement par le plus pur droit du sang.

Pour autant, la cheffe du RN a eu du coffre : elle s’est soumise stoïquement à ce pénible parcours du combattant cérémonial. La banalisation sournoise du totalitarisme a son prix. Le prix du sang.

Il faut souffrir pour être belle aux yeux de l’électorat ignare des leçons du passé.

LP

Saturday, February 17, 2024

"Z" (édition russe).

Le 17 février 2024. 

Après cela, ô vous qui m’avez condamné voici ce que j’ose vous prédire ; car je suis précisément dans les circonstances où les hommes lisent dans l’avenir, au moment de quitter la vie. Je vous dis donc que si vous me faites périr, vous en serez punis aussitôt après ma mort par une peine bien plus cruelle que celle à laquelle vous me condamnez ; en effet, vous ne me faites mourir que pour vous délivrer de l’importun fardeau de rendre compte de votre vie ; mais il vous arrivera tout le contraire, je vous le prédis. Il va s’élever contre vous un bien plus grand nombre de censeurs que je retenais sans que vous vous en aperçussiez.
- Socrate.

Comme tous les tyrans à travers les âges, le président russe Poutine, ex-sbire du KGB, se berce de la folle illusion que, vu que l’élimination de personnes physiques est toujours possible, l’on peut sommairement exécuter des idées de justice, de liberté et d'intégrité. Alexeï Navalny est mort, lâchement assassiné dans l’archipel du goulag (encore que son enveloppe charnelle semble mystérieusement introuvable à l’heure actuelle); cependant, son message d’espoir contre le totalitarisme est inextinguible. Il a été sacrifié par le disciple de Baal, mais sur l'autel de l'humanisme.

C’est comme s’il était vivant. ζῇ.

LP


Sunday, February 11, 2024

L’apprenti-constitutionnaliste Gérard Larcher.

 Le 11 février 2024.

Les règles sont comme les femmes, elles sont faites pour être violées.
- Le juge québécois Denys Dionne (1989
).

 

En France, le président du sénat (LR) s’oppose vigoureusement à l’inscription du droit à l’avortement (interruption volontaire de grossesse, ou IVG) dans la constitution. Cette position, identique à celle du RN, lui a valu les remontrances notamment de l’actrice Sophie Marceau : : “’vous faites honte à notre société française", et elle dénonce “un patriarcat dans toute sa splendeur : suffisant, rétrograde et hypocrite"”. On peut voir là une dose d’hyperbole, mais M. Larcher fit valoir ses arguments en réponse lors de sa participation à l’émission “Quelle époque!” quelques jours plus tard.

Voulant mettre les choses en perspective, il a déclaré à titre liminaire avoir toujours été, personnellement, en faveur du droit à l’IVG et adversaire de la peine de mort lorsqu’elle était en vigueur. Fort bien, mais quid d’un droit constitutionnel”

Il invoque implicitement un sens des priorités : “(Sophie Marceau) aurait mieux fait de me téléphoner, je lui aurais expliqué (sic) qu’il fallait qu’on milite ensemble pour que les femmes soient accueillies dans des conditions dignes... Qu’elle vienne avec moi voir dans quelles conditions c’est parfois fait”. Que les installations hospitalières appellent des améliorations pour les femmes en détresse, on peut penser que Sophie Marceau l’avait compris d’elle-même avant d’entendre les bienveillantes et généreuses explications du sieur Larcher, mais en quoi cela est-il incompatible avec une inscription dans la constitution?

Il paraît que la constitution ne doit pas devenir un “catalogue de droits sociaux et sociétaux”; on se demande alors à quoi sert une constitution? On notera aussi que c’était la première fois que M. Larcher acceptait une invitation à un “talk-show”, le but étant de recadrer publiquement l’insolente. On peut en déduire que la question de l’IVG n’a, au final, rien de banal.

Plus fondamentalement, de toute manière, ce droit ne serait pas menacé en France, “depuis, notamment une décision du Conseil constitutionnel en 2001, la référence à la liberté – article 2 de la Déclaration des droits de l'homme –, ce droit absolu a été reconnu aux femmes.”.

Alors que l’exemple (si on peut dire) américain semble justifier des craintes pour la France, il balaie l’argument du revers de la main et d’un coup de sabot en observant que les Etats-Unis sont un état fédéral.

On peut penser que celui qui fut vétérinaire dans une vie antérieure a eu droit à un solide cours de droit rural dans sa formation. Cependant, la culture juridique du président du sénat, qui se targue (sans rire) d’une position “constitutionaliste”, comporte de graves lacunes en matière de droit comparé et de raisonnement judiciaire.

Manifestement, il ne connaît pas la notion de revirement de jurisprudence.

La doctrine de l’arrêt Roe v. Wade aux Etats-Unis (fondée essentiellement sur la même notion de liberté dégagée des textes constitutionnels que devait retenir ultérieurement les sages français), reconnaissait globalement, pour tout le pays, à chaque femme, le droit à l’avortement. Il semblait gravé dans le marbre depuis 50 ans.

Mais désormais, avec l’arrêt Thomas E. Dobbs, State Health Officer of the Mississippi Department of Health, et al. v. Jackson Women's Health Organization, et al. , dont ont accouché au forceps les taupes vaticanesques ayant infiltré la haute juridiction américaine, les 50 états sont libres d’adopter des lois interdisant, plus ou moins totalement, l’avortement, même en cas de viol ou d’inceste (la famille, c’est sacré); cependant, c’est précisément la structure fédérale de ce pays qui limite la casse : pour l’instant, seuls les états rednecks, surtout sudistes, légifèrent allègrement en ce sens (la Louisiane coche d’ailleurs toutes les cases). Heureusement, la civilisation l’emporte, pour l’instant, sur la barbarie dans un nombre substantiels d’états.

Par contre, un tel revirement en France, où l'autorité du précédent est nettement plus faible qu'aux États-Unis, laisserait le champ libre à un législateur unique pour tout le pays. Dans des temps politiques troubles, même les institutions judiciaires françaises ont parfois réagi docilement à de douteux courants sociaux, comme en témoigne la complaisante jurisprudence du conseil d’état de 1940 à 1944, une époque où le “droit antisémite” était une spécialité aussi honorable que “le droit civil” ou le “droit commercial”. À souligner l’impressionnante contribution doctrinale du très catholique conseiller Louis Canet.

Le fédéralisme américain milite donc, a fortiori, en faveur de l’inscription explicite de l’IVG dans la constitution, contrairement à ce que soutient M. Larcher. En outre, si l’archer se déclare prêt à troquer ses flèches pour un fier destrier et se muer en chevalier blanc criant "haro!" pour défendre le droit des femmes à l’avortement en cas de remise en question, la constitutionnalisation explicite de ce droit lui épargnerait une joute, voire une croisade évitable et inutile.

Celui qui fut naguère le vétérinaire de l’équipe équestre olympique française saute allègrement les obstacles et choisit mal son cheval de bataille. Il a une vision inadaptée des processus d’insémination. En matière constitutionnelle, l’on peut tirer le plus solide argument de cette sage observation de Talleyrand, qu’approuvait certainement feu Robert Badinter :

Si cela va sans le dire, cela ira encore mieux en le disant”.

LP

PS. Il revient maintenant à la cour suprême américaine de se prononcer sur un point de droit connexe et d’une actualité brûlante : lorsqu’un chasseur d’alligators pentecôtiste louisianais se marie avec une conjointe de 12 ans sur le point de mettre bas, juridiquement, sont-ils toujours frère et soeur?

Mais on aimerait avoir l’opinion de Gégé à cet épineux sujet.


Sunday, February 4, 2024

Le prochain envol majestueux du parti libéral du Québec.

Le 4 février 2024. 

Un oiseau qu’on nomme phénix. Il est seul de son espèce et vit cinq cents ans ; et lorsqu’il approche du terme de sa vie, il construit lui-même son cercueil où il pénètre, son temps accompli, pour mourir. De sa chair corrompue naît un ver qui se nourrit de la charogne de l’oiseau mort, puis se couvre de plumes ; et lorsqu’il est devenu fort, il soulève le cercueil rempli des ossements de son ancêtre, et l’emporte loin de l’Arabie, en Égypte, jusqu’à la ville nommée Héliopolis. Là, en plein jour, aux yeux de tous, il s’en vient à tire‑d’aile le déposer sur l’autel du soleil, puis il reprend son vol pour le retour. Alors les prêtres consultent leurs annales et constatent qu’il est venu après cinq cents ans révolus.
- Clément de Rome (Lettre aux Corinthiens) 
 
Zorro est arrivé, sans se presser.
- Henri Salvador.

Selon toute apparence, ce parti peut difficilement plus aspirer à la qualité de parti de gouvernement pour l’ensemble du Québec. Il semble destiné à être le défenseur exclusif de la communauté tragiquement opprimée anglo-québécoise, essentiellement confiné à son réduit de la partie occidentale de l’île de Montréal. De fait, les candidats ne se bousculent pas au portillon pour le diriger.

Mais voilà que se manifeste l’ex-ministre fédéral Denis Coderre (qui naguère prônait l’expulsion des citoyens canadiens d’origine étrangère ayant adhéré à la souveraineté du Québec) et maire de Montréal déchu, dont le titre de gloire incontesté et incontestable demeure les courses de la Formule E : qu’importent les innombrables billets gratuits, il y eut de juteuses retombées économiques chez les péripatéticiennes, éternellement reconnaissantes. (En l’occurrence,  quel bel exemple d’application de la théorie économique du “ruissellement”, ou “trickle-down effect” en v.o.). Denis Coderre, songe donc aujourd’hui à faire sa propre offre de service et exprime son intérêt pour la chefferie du PLQ.

Ce fervent, mais truculent, chrétien prendra sa décision définitive après avoir participé au pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle en mai prochain. Chemin de croix, ou chemin de Damas? Nul doute que c’est par ce canal de communication bien éprouvé qu’il entendra l’injonction céleste. Pour autant, il faut conseiller au pèlerin de faire, avant de rentrer au Québec, un détour par Lourdes, nettement plus renommé en matière de miracles.

Parlant de miracles, M. Coderre invite instamment d’autres membres du parti à se présenter contre lui. Vu sa modestie légendaire, il rejette l’idée d’un “couronnement” au profit d’un véritable débat d’idées. On pense, à chaud, à Marwah Rizqy, qui saurait lui donner une édifiante réplique, à condition de réprimer ses crises d’hilarité.

Le PLQ est donc en attente de son messie, qui sera appelé à porter dignement sa couronne d’épine. Puisque Jésus reçut jadis le baptême de Saint-Jean Baptiste, il serait de mise que le sauveur libéral obtînt l’onction du filozof catho Charles Taylor.

Saint-Claude Ryan, priez pour lui.

LP