Le 23 avril 2023.
Impossible n’est pas français.
- Napoléon le grand.
La vérité
est en marche et rien ne l'arrêtera.
- Émile Zola.
La mascarade judiciaire continue. Plus tragique que comique.
L’acte I fut la première extradition
de Hassan Diab, qui se termina en 2018 par un non-lieu après 3 ans de détention
“provisoire” (sic) en France, prononcé par deux magistrats instructeurs, Jean-Marc
Herbaut et Richard
Foltzer, qui avaient constaté
l’absence de preuves de culpabilité; il fut donc libéré et put rentrer au
Canada.
Acte II, l’arrêt de la Cour d’appel
de Paris annulant ce non-lieu fut une forfaiture. (Mais nous sommes au pays des
suicidés auxquels il faut 5 balles, et qui compte des juges habiles dans l’antidatation
des documents).
Et le 21 avril 2023, fin de l’Acte
II. La pièce, ou plutôt la farce, était écrite, donc nulle surprise : le Canadien
Hassan Diab est reconnu coupable, par la Cour d’assise (très...) spéciale de
Paris (le club des cinq...) de l’attentat terroriste visant la synagogue de la
rue Copernic à Paris en 1980. “Mission accomplished” comme aurait dit George W.
Bush.
Pourtant, au cours du pseudo-procès, Jean-Marc
Herbaut avait témoigné pour la défense et expliqué
que la soi-disant preuve centrale, le passeport, mystérieusement remonté des
enfers, ne prouvait strictement rien.
C’est une sinistre caractéristique de
la procédure pénale française, digne héritière de l’Inquisition, que sont possibles
l’intervention de graphologues charlatanesques, les falsifications et
destructions de preuve par la police judiciaire; le ministère public peut même jouer
les prestidigitateurs et sortir dans la salle de spectacle, c’est-à-dire d’audience,
à l’improviste, un lapin provenant d’on ne sait où et s’appuyer sur les “convictions”
quasi-mystiques et intéressées de policiers complaisants, fondées, comme par hasard,
sur des ouï-dire émanant de sources censées être d'autant plus fiables qu'elles doivent rester secrètes. Comme est touchante en l’espèce l’humilité
de Louis Caprioli, qui se définit comme un “petit policier”..., mais qui
profère avec aplomb de hautes affirmations où nul doute n’a sa place. Devant le
successeur du Tribunale speciale per la difesa dello Stato, les règles de preuve sont fort malléables. Il serait
injuste de lui reprocher un formalisme excessivement tatillon.
Les correspondances entre l’affaire
(ou plutôt la “youpinade”) Dreyfus et la présente affaire sont fascinantes.
- On a un état sous pression, brandissant
respectivement la menace allemande et les attentats terroristes, qui veut
donner l’impression d’agir par des gesticulations patriotiques. La raison d’état
a toujours eu et aura toujours bon dos... On fait du chiffre comme on peut...
- On vise des boucs émissaires faciles qui
sont fonction du climat d’hystérie de l’heure : un youtre et un bougnoul.
- Enfin, il y a d’une part le bordereau
et, d’autre part, le passeport.
Cette farce judiciaire a une autre explication
rationnelle : il s’agit essentiellement d’interdire à Hassan Diab l’accès au territoire
français, de sorte qu’il ne pourra jamais obtenir la reconnaissance de son
innocence, et donc surtout de l’empêcher de faire valoir toute réclamation pécuniaire
contre l’Etat français.
D’aucuns trouveront bizarre la non-opposition
du ministère public à son départ de France. Dans ce jeu d’échecs procédural, il
s’agissait d’un “coup sacrifice” fort bien étudié. En effet, sinon, il y aurait
eu condamnation et emprisonnement dans les donjons de la République d’un prisonnier
politique somme toute assez encombrant. Sans oublier qu’il y avait toujours le risque
d’une censure de la cour de cassation, fût-elle fondée sur un vice de pure forme.
Par contre, en laissant délibérément leur proie rentrer au Canada, et obtenir
ensuite de la Cour d’appel le renvoi de la cause aux assises, on était certain
que Diab ne se présenterait jamais à un procès truqué et que la voie serait
libre. Formule d’autant plus avantageuse que le contumax condamné ne dispose plus
d’aucun recours. Le piège était imparable.
(Mais soyons charitable envers le
ministère public qui a peut-être implicitement conclu ce généreux marché avec Hassan
Diab : “ta condamnation est déjà décidée, elle n’est pas négociable pour notre
image, mais estimes-toi heureux d’être dispensé de la prison; reste au Canada et
n’y reviens plus”. Tope-là!).
D’aucuns objecteront que ce spectacle
aura peut-être coûté plus cher aux contribuables français que l’indemnisation d’un
innocent. Mais c’est sans compter avec l’arrogance française : pour maintenir son
image, on dépense sans compter. Et on sait s’inspirer de la stratégie d’obstruction
des compagnies de tabac : lorsque le fumeur cancéreux, en phase terminale, qui
crache ses poumons ensanglantés, réclame 1 million, la compagnie en dépense 10;
un investissement rentable à long terme car cela constitue un avertissement dissuasif
pour les suivants. Plus généralement, avis donc à toutes les victimes d’erreurs
et de crapuleries judiciaires en France.
À ce stade, quid d’une éventuelle
extradition du citoyen canadien Diab vers la France?
Le Canada est bien connu sur la scène
internationale pour l’état de décalcification avancée de sa colonne vertébrale,
ce qui explique qu’il devient parfois l’ennemi de ses propres citoyens, comme en
témoignent, par exemple, le martyre subi par Omar Khadr et le sort des enfants
de djihaddistes dans des camps syriens. Dans ce genre d’affaires, il ne faut surtout
pas sous-estimer l’ignorance, l’incompétence et la veulerie des magistrats et
politiques canadiens : en l’espèce, fut absurde l’extradition de Hassan Diab en
2014 ordonnée par le “juge” Robert Maranger et ratifiée
par le ministre de la “justice” de l’époque, Rob Nicholson.
Mais on peut espérer que, au mois
cette fois-ci, on aura une meilleure conscience du ridicule. Et puis, on a beau être canadien, on peut généreusement accepter d'ouvrir ses fesses une fois, mais pas deux. Quand même. Ca devient trop douloureux.
En 2018, lors du retour de Hassan
Diab au Canada, le premier
ministre Trudeau a déclaré que “ce qui est arrivé à [Hassan Diab] n’aurait jamais dû se
produire” et que son
gouvernement “veillerait
à ce que cela ne se reproduise plus”.
Suite au verdict de la Cour d’assises spéciale de Paris, M. Trudeau a déclaré :
“On va regarder attentivement la décision et
quelles seront les prochaines étapes pour le gouvernement de la France. Nous prenons
très au sérieux l'importance de protéger les citoyens canadiens et de respecter
leurs droits”. (ouf,
il était temps...)
On peut donc de prime abord espérer un
peu moins d’inhumanité de la part du gouvernement Trudeau que du gastéropode
baveux en reptation Stephen Harper vu le tapage médiatique que cette affaire a suscité
au Canada. Et... il est probable que la France, précisément, mise sur le refus
canadien.
(Les cyniques songeront que le gouvernement
canadien pourra peut-être “monnayer” le refus d’extradition en échange du retrait
de la poursuite de Hassan Diab?)
Chose certaine, voici l’occasion historique
pour le Canada de modifier sa loi sur l’extradition.
Il peut, bien sûr, se contenter d’exiger
des critères moins fantaisistes, mais il peut faire nettement mieux : en
excluant dorénavant de manière générale l’extradition de ses propres citoyens,
suivant le modèle de la loi israélienne (adoptée à l’initiative de l’éminent
homme d’affaires... français, et député de la Knesset Samuel Flatto-Sharon) et
surtout de la loi... française, très protectrice des violeurs d’enfants comme
Roman Polanski et le prêtre Johannes
Rivoire (lequel a d’ailleurs commis ses méfaits... au Canada).
Rappelons en effet cette hallucinante incongruité, à savoir que la loi canadienne
actuelle est à sens unique : la France peut demander l’extradition de Canadiens
qui auraient commis des crimes en France, mais pas l’inverse.
Un savoureux pied-de-nez à la France!
L’emblématique victime d’une
ratonnade judiciaire française, Omar Raddad, peut maintenant souhaiter à Hassan
Diab la plus cordiale “bienvenue au club”.
M. Diab devra renoncer à sortir du
territoire canadien pour ses futures vacances, mais il disposera de plus grands
espaces que Dreyfus, jadis confiné à l’Ile du diable.
Rendons hommage au magistrat Jean-Marc
Herbaut, qui a eu le courage d’affronter
sa propre hiérarchie et de mettre en péril ses possibilités d’avancement en
témoignant cliniquement en défense de Hassan Diab. Il est le Christos
Sartzetakis français.
Quant au procureur Benjamin Chambre, il a pour modèles Andreï Vychinsky
et Fouquier-Tinville. Il évoque, avec indignation, la “lâcheté” du sociologue accusé absent. On lui répondra que l’histoire de France a connu d’autres "lâches” de ce genre : Victor Hugo et Émile Zola. L’auteur des Misérables eut, en
effet, la lâcheté de s’exiler afin de dénoncer la dictature de Napoléon le
petit; le pamphlétaire qui exposa la gangrène de l’administration militaire et du
système judiciaire français dans “J’accuse” eut aussi la couardise de s’exiler
en Angleterre le soir du verdict fixé d’avance, ce qui fut évidemment “interprété”
par la vermine antidreyfusarde (le lecteur pardonnera cette tautologie) comme
un aveu de culpabilité. Après Guernesey, Londres, est déjà entré dans la
légende Ottawa.
Petit détail en conclusion, le vrai
terroriste court toujours, hilare. Ou plutôt, vu son âge avancé, il coule des
jours heureux dans une retraite bien méritée, avec la protection de l’Etat
français.
Du pain bénit pour Fabrice Burgaud et
une petite revanche rafraîchissante pour Esterhazy, qui rôtit en enfer.
Le IIIe acte commence.
LP
PS. En matière d’extradition, l’actualité
française est riche ces jours-ci. On apprend qu’est définitif et exécutoire depuis
le 29 mars, un décret d’extradition
visant M. Bouvayssar T., réclamé par la Russie pour
une affaire de meurtre à Moscou. Les autorités russes ont pris le solennel engagement de ne
pas exécuter la peine de mort encourue, si elle est prononcée, et qu’une éventuelle condamnation à perpétuité permettra
une possible libération conditionnelle au terme de vingt-cinq ans. Plus important encore, la Russie a donné sa parole d’honneur que les poursuites
n’ont aucune visée politique, même si l’intéressé revendique son appartenance à l’Ichkeria,
groupe d’opposants tchétchènes au régime de Ramzan Kadyrov. Nous sommes rassurés.