Saturday, June 25, 2022

Le droit canonique triomphe aux Etats-Unis : adieu Roe v. Wade.

Le 25 juin 2022.

 

This isn't the rapist's child, it's the girl's child. Abortion is assault, and it will not undo the rape.
- Mary Lucey, présidente la Irish Society for the Protection of Unborn Children.

C’est fait. Mektoub.

A l’occasion de l’affaire Dobbs v. Jackson Women's Health Organization, 6 pantins du Vatican à la Cour suprême américaine répudient la jurisprudence qui garantissait le droit à l’avortement et soumettent désormais les femmes, surtout issues des minorités, à un nouvel esclavage.

La cour, en substance, sous la plume fielleuse de Samuel Alito, reprend hypocritement la formule pseudo-démocratique du défunt et non-regretté catholique juge Antonin Scalia : puisque le droit à l’avortement n’est pas spécifiquement mentionné dans la constitution, il s’agit tout simplement de rendre aux Etats le pouvoir de légiférer en la matière, ni plus, ni moins. L’enfance (si on ose dire) de l’art.

On notera la visqueuse rouerie du juge Alito qui observe, sans rire :

And to ensure that our decision is not misunderstood or mischaracterized, we emphasize that our decision concerns the constitutional right to abortion and no other right. Nothing in this opinion should be understood to cast doubt on precedents that do not concern abortion.

Et le juge Kavanaugh d’ajouter, sans rire non plus : 

First is the question of how this decision will affect other precedents involving issues such as contraception and marriage—in particular, the decisions in Griswold v. Connecticut, 381 U. S. 479 (1965); Eisenstadt v. Baird, 405 U. S. 438 (1972); Loving v. Virginia, 388 U. S. 1 (1967); and Obergefell v. Hodges, 576 U. S. 644 (2015). I emphasize what the Court today states: Overruling Roe does not mean the overruling of those precedents.

 C’est feindre d’ignorer que, notamment en droit anglo-saxon, le raisonnement analogique résonne quotidiennement dans les salles d’audience : nul juge n’a le pouvoir d’imposer des limites à la portée de son enseignement jurisprudentiel aux juges ultérieurs.

D’ailleurs, il sont directement contredits à ce sujet par le juge Clarence “Uncle Tom” Thomas, le même juge qui, il y a quelques jours à peine, a transformé l’Etat de New York en Dodge City en accordant une liberté totale de porter une arme en tous lieux (New York State Rifle & Pistol Association, Inc. v. Bruen). Il faut saluer sa sinistre cohérence : dans son opinion concordante, il lance un appel au réexamen de la jurisprudence autorisant le droit à la contraception, aux relations et au marriage homosexuels.

(Bizarrement, le juge Alito approuve la jurisprudence Loving v. Virginia, laquelle, en 1967, avalisa les mariages interraciaux, pourtant nullement mentionnés dans la Constitution et il reconnaît même :

The Fourteenth Amendment’s ratifiers did not think it gave black and white people a right to marry each other. To the contrary, contemporaneous practice deemed that act quite as unprotected as abortion. Yet the Court in Loving v. Virginia, 388 U. S. 1 (1967), read the Fourteenth Amendment to embrace the Lovings’ union.

Comprendra qui peut cette entorse à la volonté démocratique. Une petite fleur lancée à Uncle Tom et sa conjointe blanche Ginni, activiste pro-Trump?)

Quelles conséquences à court terme peut avoir ce revirement de la doctrine de la haute jurisdiction américaine?

A partir de mars 2023, il y aura inévitablement une dramatique surcharge du système de santé, déjà embryonnaire (si on ose dire), vu le prévisible afflux de bébés consanguins provenant des villages rednecks de Louisiane. (Encore qu’ils feront d’excellents joueurs de banjo quelques années plus tard, comme le savent déjà les cinéphiles avertis).

On peut déjà concevoir (si on ose dire) la renaissance (si on ose dire) du “Underground railroad” qui, au XIXe siècle, faisait passer les esclaves en fuite vers le Canada. En effet, certains états (et le Canada) se disent prêts à accueillir les femmes opprimées par les Etats rednecks et leur assurer un avortement médicalement fiable. Cependant, vu la hargne des adversaires de l’avortement, on peut alors s’attendre à la criminalisation des malheureuses préparant un déplacement vers un état libre, même si le juge Kavanaugh se veut rassurant :

For example, may a State bar a resident of that State from traveling to another State to obtain an abortion? In my view, the answer is no based on the constitutional right to interstate travel.

(Non souligné dans l’original).

 “C’est un peu court, jeune homme!” 

On répondra d’abord que ce droit de se déplacer d’un état à l’autre est lui-même mal défini et ne figure pas en toutes lettres dans la constitution américaine.

De toute manière, nul doute que les législateurs machistes et imaginatifs trouveront toujours de solides arguments pour en défendre la réglementation et réprimeront efficacement les préparatifs d’un crime à commettre dans un autre état. Ils pourront s’inspirer de la High Court irlandaise qui, en 1994, interdit, par injonction, à une gamine de 14 ans (quand même nubile depuis très longtemps selon la sharia), enceinte des oeuvres d’un violeur, à se rendre au Royaume-Uni pour y faire interrompre sa grossesse.

Mais admettons qu’il s’agit d’un voeu plus que pieux.

Parlant d’analogie, on pense à l’arrêt Missouri ex rel. Gaines v. Canada, de 1938. L’état du Missouri n’avait pas de faculté de droit pour les Noirs, mais offrait généreusement de payer leurs frais de scolarité s’ils s’inscrivait dans une faculté d’un état voisin. Cependant, la cour suprême a alors décidé que les citoyens noirs avaient le droit de recevoir leur éducation juridique dans leur propre état et ordonna l’admission de Gaines à l’université du Missouri.

Pourtant, la Cour suprême décide aujourd’hui que les futures mères involontaires n’ont pas droit aux services médicaux de leur choix dans leur propre état de résidence. Au mieux, le juge Brett “Bluto” Kavanaugh, dont le parcours étudiant évoque parfois, en plus glauque cependant, le film “Animal House”, accorde gracieusement aux états progressistes le droit de se faire refiler la patate chaude.

Une fois de plus dans l’histoire américaine, le Missouri est à l’avant-garde (cf. le “Missouri compromise”) : l’interdiction quasi-totale de l’avortement y est déjà en vigueur.

Aux Etats-Unis, le 24 juin 2022, l’utopie gynécologique de Nicolas Ceausescu est devenue réalité.

L’arrêt Dobbs sera-t-il le Dred Scott du XXIème siècle?

LP

Monday, June 20, 2022

Second tour des législatives en France : Emmanuel Macron avait pourtant raison!

 Le 20 juin 2022.

Le silence face au mal est en soit le mal. Dieu ne nous considérera pas comme innocent. Ne pas parler, c'est parler. Ne pas agir, c'est agir.
- Dietrich Bonhoeffer.

Un constat préliminaire, suite à la décevante performance de la coalition présidentielle qui n’obtient qu’une faible majorité relative à l’Assemblée nationale : en matière électorale, l’abstention n’existe pas. Ne pas voter, c’est voter.

En l’occurrence, ce sont surtout les jeunes qui ont ouvert la porte du parlement aux cryptonazis dirigés par la louve des SS, Marine “Ilse” Le Pen, qui obtient un impressionnant bloc de 89 députés. L’inertie, même cynique et désabusée, n’est pas une arme contre les trop nombreux fâcheux, c’est-à-dire les fachos fâchés évoqués par le caudillo Jean-Luc Mélanchon, dont la nomination à Matignon est pour l’instant reportée, par définition plus motivés.

(Une consolation : il vaut quand même mieux un parti dirigé par une cheffe qui a le physique de l’emploi plutôt que par le basané, famélique et ratatiné oiseau de proie Zemmour).

Pour autant, un succès électoral est à signaler : celui de l’ex-femme de chambre Rachel Kéké, courageuse figure de proue du mouvement de grève des employées du nettoyage de l’Ibis Batignolles, à Paris, entamé en 2019 et conclu en 2021.

Elle l’a emporté dans la 7ᵉ circonscription du Val-de-Marne contre l’ex-ministre des sports Roxana Maracineanu. Cette syndicaliste franco-ivoirienne, mais pure Française par le sang versé pour la France éternelle par son grand-père lors de la seconde guerre mondiale, apportera un éclairage rafraîchissant sur certaines réalités du terrain à ses hautains collègues, parfois bénéficiaires des juteuses retombées de la Françafrique, souvent énarques qui occupent de manière disproportionnée l’hémicycle, dont la réussite aux abscons concours à l’âge de 20 ans fut la rampe de lancement, et pour lesquels les tendinites, le racisme, et les agressions sexuelles en milieu de travail, surtout hôtelier, ne sont trop souvent que de regrettables mais lointains et banals incidents concernant les seules soubrettes, méprisées par les Jean-François Kahn. À l’exception, bien entendu, des (ex-)élus consommateurs qui tâtent le terrain lors de leurs déplacements à l’étranger.

Et surtout, les nouvelles fonctions de Mme Kéké constituent la spectaculaire confirmation de la sagesse du conseil formulé naguère par le président Macron en matière de reconversion professionnelle :  Je traverse la rue et je vous trouve un travail”.

On peut donc compter sur elle pour donner un bon coup de balai au Palais-Bourbon, plus efficace que le karcher de Nicolas "Clint" Sarkozy.

LP

 

Monday, June 13, 2022

Premier tour des élections législatives de 2022 en France : la tragédie ignorée.

 Le 13 juin 2022.

Si ce n’est toi, c’est donc ton frère.
- Jean de la Fontaine.

Tous les pontifes des médias ont pu se mettre sous la dent le fort taux d’abstention et les scores impressionnant de la Nupes à ce premier tour et l’incertitude quant à l’obtention de la majorité à l’assemblée nationale par la coalition présidentielle au deuxième tour dimanche prochain.

Mais la vraie déception est bizarrement passée inaperçue : la défaite crève-coeur de Julien Lassalle dans la 4e circonscription des Pyrénées-Atlantiques, qui n’est même pas qualifié pour le deuxième tour.

Le sauveur incompris de la France, Jean Lassalle, a renoncé à se présenter à sa propre succession pour raisons de santé; il a donc, comme de juste, passé le flambeau à son frère Julien, son quasi-clone, agriculteur tout autant homme de terrain, qui aurait dû bénéficier du même soutien populaire. Hélas, on assiste à l’effondrement de “Résistons”, et l’assemblée nationale ne bénéficiera pas des lumières d’un fin législateur. Pire,  ce candidat malheureux est injustement privé de sa rampe de lancement pour l’élection présidentielle de 2027.

Si seulement les abstentionnistes avaient opté pour la “résistance”, tous les espoirs étaient alors permis... Mais pas de poule au pot tous les dimanches pour eux.

L’avenir est sombre pour la France et la Navarre et Henri IV doit se retourner dans sa tombe.

LP


Thursday, June 2, 2022

"Bataille pour l'âme du Québec": une manoeuvre de propagande.

 Le 2 juin 2022.

Et vivre, c’est ne pas se résigner.
- Albert Camus.

Voilà un pseudo-documentaire, plutôt un (autre) sermon, de Francine Pelletier (dont la sérénité journalistique a perdu un peu de son lustre depuis l’affaire Jian Ghomeshi), diffusé samedi dernier sur les ondes de Radio-Canada.

Du pain bénit pour les lobbies religieux.

Beaucoup de prêchi-prêcha, notamment quand on essaie de qualifier de “régression” la défense de la laïcité, ou séparation de la religion et de l'Etat, dans la société québécoise et de la fonction publique (hormis quelques exceptions, excessives d’ailleurs) chacun a la pleine et entière liberté de culte et de croyance en de puérils, et parfois sinistres, contes de fées (surtout des Carabosse).

Le téléspectateur a eu droit au sempiternel argument portant que les lois laïques promulguées par le gouvernement Legault visent concrètement les femmes musulmanes, notamment enseignantes, ce qui est objectivement faux puisque elles sont applicables à tous les signes religieux, par exemple sikhs. Evidemment, elles ne peuvent plus viser les bonnes soeurs à cornettes, vu que le Québec les a virées des écoles publiques! Faut-il s’en excuser? Ou faut-il les ressusciter pour les combattre devant les juges sur un pied d’égalité avec les prisonnières du hijjab? Comme l’a quand même expliqué Louise Beaudoin, ces lois sont fondées non pas sur une imaginaire islamophobie, mais sur la mémoire de la tyrannie religieuse millénaire, qui a opprimé le Québec pendant trop longtemps. La dénonciation d’un retour identitaire au Québec d’avant 1960 est particulièrement perfide : le gouvernement québécois ne fait pas la promotion de la religion catholique. Bien au contraire, il a eu le courage de retirer l’ignoble crucifix qui répandait ses ondes maléfiques sur le président de l'assemblée nationale, une insulte permanente pour les non-Chrétiens et les agnostiques, athées et autres païens québécois. Une extraordinaire "progression". Maurice Duplessis a dû se retourner dans sa tombe.

Quant à la grotesque affirmation portant que la situation est complexe, on répondra que l'immigrant devient québécois quand il adopte le français, au lieu de l'anglais autrefois.

(Comme il devient flamand à Anvers quand il devient néerlandophone; comme il devient suisse roman quand il parle français à Genève et comme il devient suisse alémanique quand il s’exprime d’abord en allemand à Zürich). 

Et il suffit que les fonctionnaires au service de l’État Québécois de toutes races et de toutes origines respectent leur devoir de réserve, pendant 37.5 heures par semaine. C'est simple comme bonjour.

Sauf évidemment pour le poutinesque quotidien The Gazette et les commissions scolaires anglophones, qui vomissent aussi, sans vergogne, leurs fielleux embrouillaminis. En 2022, le Québec opprimerait ses Russes du Donbass. Il serait nettement plus utile socialement de critiquer le gouvernement Legault, notamment pour sa nonchalance en matière d'environnement.

(Evidemment, ses petits chèques aux contribuables pour la hausse du coût de la vie n'ont rien, mais alors rien à voir avec les très prochaines élections.)

Les Djemila Ben Habib, les Fatima Houda-Pépin auraient remis les pendules à l’heure. Le vécu de ce genre de femmes est trop souvent occulté, et pour cause.

Qu’on se le dise : les victoires contre la tyrannie sont toujours temporaires et les libertés menacées. Rappelons que le Canada est une théocratie vu la lettre divinement claire du préambule de la loi constitutionnelle de 1982 : “Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit”). Et d'ailleurs, les séances du parlement à Ottawa commencent toujours par des prières.

Qui sait si, dans 5 ans ou 150 ans, un gouvernement ayant la caution (im)morale d’un Charles Taylor, ou d’un disciple aussi grassement rémunéré, décidera de rendra la loi canadienne plus directement conforme aux injonctions célestes, par exemple, en promulguant la nubilité des fillettes âgées de 9 ans, même si, pour l’heure, le droit séculaire est en liberté surveillée? 

Déjà en 2022 (et non pas en 2122), le processus est en bonne voie aux Etats-Unis (un pays toujours à l'avant-garde...), où les ayatollahs de la Southern Baptist Convention et des Assemblies of God ont déjà réussi à considérablement entraver le droit à l’avortement, émulant la police gynécologique du regretté nataliste roumain Nicolae Ceaușescu. La victoire complète semble à portée de la main dès le mois prochain.

Tous les rednecks américains misent, dans leurs ferventes prières, sur un arrêt de la Cour suprême américaine conforme au droit canonique. Ils peuvent compter sur le spectre de feu le Grand Inquisiteur Antonin Scalia pour guider la réflexion des juges.

Gare alors à l'inévitable bombe démographique : on assistera à une incontrôlable infestation d'organismes consanguins.

LP