Le 3 janvier 2020.
I am not a number, I am a free man!
- Patrick
McGoohan (Le no 6 dans "The prisoner").
Les évasions/exfiltrations
spectaculaires captent toujours l'attention du grand public et se traduisent
parfois par de bons scénarios haulivoudiens (mais pas toujours fidèles à la réalité
historique).
Pour mémoire, et dans
le désordre, il y eut, par exemple : les Américains sauvés par les diplomates canadiens en
Iran lors de la révolution khomeniste de 1979; "El Chapo"; l'affaire
des "vedettes de Cherbourg" (subtilisation pendant les fêtes de Noel
1969 de vedettes militaires achetées par Israël, et détenues illégalement par
la France); Henri Charrière dit "Papillon" (dont l'évasion finale du
bagne de Cayenne était imaginaire, mais poétiquement racontée par l'auteur). N'oublions
pas Jacques Mesrine, qui s'est illustré tant au Canada qu'en France; Billy Hays
(le film "Midnight Express" comportait des éléments de
grossière propagande, notamment une évasion complètement fantaisiste). Enfin, en 1961, il y eut la capture du nazi Adolf Eichmann par les
Israéliens en Argentine; évidemment, vu la réticence de l'intéressé, on ne
saurait parler au sens strict d'"exfiltration", plutôt de… "transfèrement"
clandestin, lequel comportait d'ailleurs les mêmes difficultés logistiques que
la cavale de Carlos Ghosn, contrairement à celle de Roman Polanski qui, en
1978, prit simplement le premier avion pour l'Europe la veille de son
face-à-face avec un juge vindicatif se croyant au-dessus des règles.
Alors, quid de l'ex-pédégé, et sauveur, de
Nissan?
On peut penser qu'il
a, au départ, en se rendant au pays du soleil levant, commis une grossière erreur,
similaire à celle du réalisateur de "Rosemary's baby" qui eut la
folle imprudence de quitter le giron français pour se rendre en Suisse en 2009.
Cela dit, il dénonce :
un système judiciaire fondé sur la présomption de culpabilité et sur la
religion de l'aveu; un complot politique entre des parties privées et des
procureurs s'accordant généreusement une grande marge de manœuvre; des
manipulations de témoins; des conditions d'incarcération provisoire que l'on
pourrait euphémistiquement qualifier de... frugales; bref, une atmosphère dont la convivialité
laisse à désirer, surtout en matière d'interventions des avocats de la défense,
conçue pour briser le suspect. [Spoille-leurre
aleurrete] : non, on ne parle pas de la France en l'occurrence, mais du Japon; cependant,
vu le déroulement de la procédure en cause, le réflexe pavlovien de
l'observateur objectif est de tenir pour acquis que le magistrat Fabrice
Burgaud, qui s'est illustré à Outreau, est intervenu à titre de conseiller
technique détaché par la Cour de cassation française au ministère public japonais,
mais seule la barrière de la langue réfute cette déduction de bon sens.]
Que l'homme d'affaires
multimillionnaire qui se marie dans un faste royal au palais de Versailles ne
soit peut-être pas le plus altruiste des philanthropes est une chose, mais,
partout dans le monde, la présomption d'innocence et les droits de la défense
sont (ou plutôt devraient être) tabous, l'instrumentalisation et les
détournements du Code de procédure pénale une hérésie. Sous réserve des
révélations à suivre, chacun se forgera, en toute indépendance intellectuelle, son
propre jugement quant au dossier particulier et au système judiciaire nippon en
général, mais, en l'état, on ne peut que féliciter M. Ghosn d'avoir ridiculisé
les autorités japonaises par le pied-de-nez que constitue son opération
magistralement réussie et ainsi d'avoir mis les rieurs de son côté. (En
l'espèce, on a même du mal à résister à la métaphore gestuelle plus coquine
consistant en un mouvement digital). Evidemment, ses horizons touristiques sont
dorénavant plus circonscrits…
Les fonctionnaires du
Mikado ont toujours l'option du harakiri, mais sur ce plan, le bon vivant et
honorable Burgaud ne leur sera d'aucun secours technique ni spirituel.
LP
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