Wednesday, January 9, 2019

Gilets jaunes en France : la cagnotte de Christophe Dettinger.



Le 9 janvier 2019.


Une erreur judiciaire est toujours un chef-d'œuvre de cohérence.
- Daniel Pennac.

Les classes politique et policière françaises s'étranglent d'indignation parce que cet ex-boxeur professionnel, placé en garde à vue lundi matin pour "violences volontaires en réunion et sur personne dépositaire de l'autorité publique" bénéficie d'un soutien financier pour assurer sa défense devant la justice. Voici quelques morceaux d'anthologie.

Cela serait «choquant» selon la ministre française des Transports Élisabeth Borne, qui ajoute : "Est-ce que c'est normal de vouloir apporter un soutien à ce monsieur qu'on a vu frapper un policier à terre, qu'on a vu boxer un policier?"

Le secrétaire d'État français chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi abonde dans le même sens : "Apparemment, ça rapporte de frapper un policier… Cette cagnotte est indigne".

Puis, le syndicat policier SCSI-CFDT opine que cela "démontre qu'une frange de la population légitime les violences des casseurs». Enfin les syndicats Alliance et Unsa-Police ont quant à eux évoqué "une cagnotte de la honte".

Belle hypocrisie typiquement française. Une indignation à géométrie variable, une hystérie soigneusement modulée.

Rappelons ce principe fondamental, mais largement ignoré en France, où il demeure une aimable plaisanterie confidentiellement confinée aux doctes traités de procédure pénale : la présomption d'innocence. Même si les faits reprochés ont été filmés, il ne s'agit, juridiquement, que d'allégations. Le droit à une défense pleine et entière demeure intact.

(Détail cocasse : lorsque sont filmées des brutalités policières, apparemment évidentes et incontestables, visant notamment des personnes plus ou moins basanées, on apprend soudainement que les images n'exposent pas tout le contexte et qu'il ne faut donc pas sauter aux conclusions. Ah, le (con)texte, il a beau dos…).

Par ailleurs, les Tartuffes qui s'indignent devant le soutien financier accordé à M. Dettinger sont la plupart du temps muets quand des armées de procureurs et juges d'instruction, qui se constituent un cv pour une éventuelle carrière politique ultérieure, affectent de considérables ressources puisées dans les fonds publics pour s'acharner contre les Richard Roman, les Jacqueline Sauvage, les Omar Raddad et les habitants d'Outreau. Côté oseille, nul ne trouve "choquant" le traitement dont jouissent un Fabrice Burgaud, promu il y a quelques mois à la Cour de cassation (fort discrètement, on se demande pourquoi…), ou encore un juge faussaire, Jean-Pierre Munier, expert ès pièces antidatées, et… jadis défendu à son propre procès pénal par ses collègues procureurs métamorphosés en… avocats de la défense, rétribués par l'Etat (il n'avait donc nul besoin d'une cagnotte de solidarité). On souhaite à ce dernier de couler une retraite paisible et bien méritée, apparemment prise le 31 mars 2018.

Quant au délire démagogique trumpesque de M. Mahjoubi, on répondra sobrement que la cagnotte controversée ne "rapportera" strictement rien à M. Dettinger : les sommes recueillies ne serviront qu'à sa défense; elles lui permettront simplement d'affronter à armes moins inégales les procureurs, qui, eux, disposent d'un riche arsenal, plus efficace que les poings... Vu la médiatisation de cette affaire, nul doute que le ministère public déploiera l'artillerie lourde.

Le grand public a le droit absolu, légal et parfaitement moral de soutenir, par ses libéralités, pour les bonnes et les mauvaises raisons de son choix, la cause de toute partie devant affronter le système judiciaire, que l'affaire relève du droit pénal, ou des droits de l'homme, de l'aide aux migrants, etc.. A chacun d'apprécier ses "héros" ou ses "terroristes". Et cela vaut aussi pour les "contrecagnottes" ouvertes en soutien aux forces de l'ordre, dont une sur Leetchi qui avait récolté mardi après-midi plus de 100 000 euros (152 200 dollars).

Voici deux exemples évidemment incompréhensibles en France : on peut parfaitement soutenir le droit à la liberté d'expression d'un Dieudonné ou d'un Robert Faurisson, persécutés par les procureurs, sans soutenir le racisme ou le nazisme.

On ne peut malgré tout que déplorer que la plateforme Leetchi ait cédé à l'intimidation exercée par une certaine plèbe enragée et annoncé que la cagnotte en faveur du boxeur n'acceptait désormais plus de contributions. Maintenant que le parquet connaît le "budget judiciaire" de M. Dettinger, soit 117 000 euros, il sait de combien il doit ajuster le sien en conséquence.

LP

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