Wednesday, January 30, 2019

Les enseignants québécois porteurs de signes religieux : la guerre des chiffres n'aura pas lieu.



Le 30 janvier 2019.

Ton Christ est juif, ta pizza est italienne, ton café est brésilien, ta voiture est japonaise, ton écriture est latine, tes vacances sont turques, tes chiffres sont arabes et… tu reproches à ton voisin d'être étranger!
- Julos Beaucarne.

En matière de port de signes religieux par les fonctionnaires, la tartufferie et la sottise vont de pair au Québec.

Selon la présidente de la Commission scolaire de Montréal, Catherine Harel-Bourdon, le ministère de l’Éducation a verbalement (et subrepticement) demandé à des commissions scolaires de la grande région de Montréal de "dénombrer" le personnel portant des signes religieux.

Le ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion du Québec, Simon Jolin-Barrette, nie la chose : il aurait simplement été demandé aux autorités scolaires de déclarer si ces statistiques existent déjà. Rien de plus. Pourtant, dans l'affirmative, on doit inférer que le gouvernement en aurait fait usage, puisque M. Jolin-Barrette déclare qu'il avait toute la légitimité pour faire cette demande, réitérant du même souffle la "volonté très claire" du gouvernement d’aller de l’avant avec l’interdiction des signes religieux chez les enseignants.

Comme on pouvait s'y attendre, les réactions ne se sont pas fait attendre.

Pour l'ennemie jurée des paradis fiscaux autoproclamée, l'éminente fiscaliste, et députée Marwah Rizqy, membre du parti libéral du Québec naguère dirigé par un éminent disciple du Dr. Schweitzer et jadis très comblé client d'une institution bancaire jersiaise, "sheikh" Philippe Ibn-Couillard, la demande du Ministère est constitutive de "profilage" :

"Une fois qu'on a répertorié le nombre, c'est quoi, la suite des choses ? Est-ce que c'est pour venir en quelque sorte banaliser en disant : "Écoutez, ça ne touche pas tant de monde que ça ?" Et si c'est ça, l'objectif, est-ce qu'il est aussi en train de nous dire que les droits fondamentaux, si vous êtes un petit nombre, vous n'en avez pas ? C'est de l'improvisation."

Observation piquante.

En effet, les opposants à l'interdiction promise par le gouvernement ont été les premiers à utiliser le slogan "une solution qui cherche un problème" afin de nier fondamentalement l'aspect quantitatif de la pratique en cause. Il faut en inférer obligatoirement que ces bonnes âmes s'appuyaient sur leurs propres chiffres, quoique commodément restés occultes. Et l'on s'offusque tout à coup d'une volonté de compter? Un revirement qui laisse médusé. Surtout de la part d'une professionnelle du chiffre.

On renverra dos à dos Madame Rizqy et M. Jolin-Barrette. Dans une certaine mesure, le jeune ministre, qui fait ses classes, est tombé dans le piège que se sont tendu les adversaires de la vraie laïcité. De toute manière, les chiffres n'ont aucune pertinence.

La seule question en jeu est le devoir qualitatif de l'Etat de protéger les élèves, malléables et captifs, contre toute forme de propagande idéologique, d'autant plus insidieuse qu'elle est non-verbale. Il s'agit tout simplement d'une pure question de principe : un seul porteur de signe d'appartenance politique in loco parentis dans la salle de classe - et même dans la cour de récré - est de trop, et il en va logiquement de même pour les signes religieux.

Cette controverse des chiffres est donc une tempête dans un calice de vin de messe.

La présidente de la Commission scolaire de Montréal a exprimé cette crainte :

"mais va-t-on commencer à vous ouvrir la chemise pour savoir si vous portez une croix? Où s’arrête ce genre de recherche? C’est une chasse aux sorcières."

Que soit rassurée cette brave Madame Harel-Bourdon, qui ne savait pas que le débat juridique - chiffré ou non - ne concerne que le port des signes religieux visibles. Au Québec, tout pénitent sado-maso restera entièrement libre de porter, si cela lui chante, devant ses élèves, mais sous ses vêtements :

a) une croix;
b) un cilice;
c) une ceinture de chasteté;
d) All of the above.

LP

Friday, January 11, 2019

Bienvenue au Canada, Rahaf!



Le 11 janvier 2019.

Penser, c'est dire non.
- Alain.

Rahaf Mohammed al-Qanun, en fuite d'Arabie saoudite et de sa famille, via le Koweit puis Bangkok (Thaïlande), a obtenu le statut de réfugié au Canada.

Quelle émouvante épopée. Une courageuse jeune fille saoudienne, manifestement capable de raisonnement philosophique rationnel par ses seules facultés, c'est-à-dire de comprendre que la religion n'est que mensonges et contes de fées, le fumier où fleurit la plante carnivore de la tyrannie, sans même voir été exposée aux œuvres d'un Bertrand Russell, est maltraitée par sa famille pour avoir eu l'audace de se couper les cheveux et (horreur!) de rejeter l'Islam. Voilà qui confirme l'évidence : la religion (musulmane, hassidique ou chrétienne…) et le féminisme sont, par définition, antinomiques. Il n'y a que les états laïques, c'est-à-dire ayant retiré aux autorités religieuses leur pouvoir séculier de répression (le glaive cher à Luther), où les femmes peuvent trouver un minimum de respect et de dignité.

On tremble à l'idée qu'elle a failli connaître le sort d'une compatriote, Dina Ali Lasloom, qui, en transit à Manille en 2017, avait été remise de force dans un avion pour le Moyen-Orient, sacrifiée par les autorités philippines au nom de la raison d’Etat sur l'autel des relations diplomatiques. (Ca ne fait jamais qu'un meurtre de plus à mettre sur le compte conjoint de MBS et de Roberto Duterte.)

Voilà au moins une musulmane aspirant à la liberté, rejetant le statut d'éternelle mineure, qui ne sera ni torturée, ni flagellée, ni décapitée, ni découpée à la tronçonneuse, ni dissoute dans l'acide. (Suggestion de remake de film : The Saudi Chainsaw Massacre; les cinéphiles érudits comprendront la référence à un chef d'œuvre du 7ème art).

Evidemment, libre :

a) aux ignares;
b) aux Tartuffes,
c) à certains chroniqueurs (à la solde, ou non, de groupes de pression religieux),
d) all of the above,

de (feindre de) gober notamment la propagande (formulée dans une novlangue orwellienne) portant que la théocratie à laquelle est soumise le pays où règne, d'une main, pardon, d'un couperet de fer, la famille gardienne des lieux saints musulmans ne constitue pas le "vrai" islam. Et surtout, de croire que, dans les pays occidentaux, les musulmanes qui s'affublent d'oripeaux (pré)islamiques (hijab, niqab, burka…) le font en toute liberté, même si ce sont leurs maris ou frères qui le confirment.

Tout est donc bien qui finit bien pour Rahaf.

Cependant, on aimerait aussi pouvoir accueillir à bras ouverts dans la société canadienne les fillettes porteuses de voile de 9 ans, emprisonnées dans leur mini-ghetto portatif à ambiance plus ou moins saoudienne, même à l'école, ainsi que les enfants captifs des rebbes hassidiques, scolarisés en milieu familial (quoi de plus rigoureux sur le plan intellectuel?), et qui apprennent cette vérité confirmée par les sciences géologique et astronomique modernes : le monde a été créé il y a très précisément 5778 ans. Mais vu la relative passivité des autorités civiles, surtout scolaires, et chargées de la protection de la jeunesse (on se rappellera la sinistre affaire Shafia), c'est pas demain la veille.

Ils devront songer à solliciter la qualité de réfugié en France, où le mur de séparation de l'Etat et de la religion est étanche, alors qu'il est encore trop poreux au Canada.

LP

PS. L'impartialité impose une mise en garde. Un élément du récit des malheurs de Rahaf pose problème sur le plan de sa crédibilité : sa famille aurait voulu la marier de force. Pourtant, selon la loi islamique, une femme (oui, une femme) est nubile à l'âge de 9 ans et le compte à rebours commence inexorablement à ce moment. Or, Rahaf a 18 ans. Rien pour chauffer les sangs d'un bédouin normalement constitué. Mais soyons charitables : des récipiendaires du prix Templeton de 87 ans, gavés de comprimés bleus, lui trouveront peut-être de beaux restes. A la rigueur, si on ose dire.


Wednesday, January 9, 2019

Gilets jaunes en France : la cagnotte de Christophe Dettinger.



Le 9 janvier 2019.


Une erreur judiciaire est toujours un chef-d'œuvre de cohérence.
- Daniel Pennac.

Les classes politique et policière françaises s'étranglent d'indignation parce que cet ex-boxeur professionnel, placé en garde à vue lundi matin pour "violences volontaires en réunion et sur personne dépositaire de l'autorité publique" bénéficie d'un soutien financier pour assurer sa défense devant la justice. Voici quelques morceaux d'anthologie.

Cela serait «choquant» selon la ministre française des Transports Élisabeth Borne, qui ajoute : "Est-ce que c'est normal de vouloir apporter un soutien à ce monsieur qu'on a vu frapper un policier à terre, qu'on a vu boxer un policier?"

Le secrétaire d'État français chargé du Numérique, Mounir Mahjoubi abonde dans le même sens : "Apparemment, ça rapporte de frapper un policier… Cette cagnotte est indigne".

Puis, le syndicat policier SCSI-CFDT opine que cela "démontre qu'une frange de la population légitime les violences des casseurs». Enfin les syndicats Alliance et Unsa-Police ont quant à eux évoqué "une cagnotte de la honte".

Belle hypocrisie typiquement française. Une indignation à géométrie variable, une hystérie soigneusement modulée.

Rappelons ce principe fondamental, mais largement ignoré en France, où il demeure une aimable plaisanterie confidentiellement confinée aux doctes traités de procédure pénale : la présomption d'innocence. Même si les faits reprochés ont été filmés, il ne s'agit, juridiquement, que d'allégations. Le droit à une défense pleine et entière demeure intact.

(Détail cocasse : lorsque sont filmées des brutalités policières, apparemment évidentes et incontestables, visant notamment des personnes plus ou moins basanées, on apprend soudainement que les images n'exposent pas tout le contexte et qu'il ne faut donc pas sauter aux conclusions. Ah, le (con)texte, il a beau dos…).

Par ailleurs, les Tartuffes qui s'indignent devant le soutien financier accordé à M. Dettinger sont la plupart du temps muets quand des armées de procureurs et juges d'instruction, qui se constituent un cv pour une éventuelle carrière politique ultérieure, affectent de considérables ressources puisées dans les fonds publics pour s'acharner contre les Richard Roman, les Jacqueline Sauvage, les Omar Raddad et les habitants d'Outreau. Côté oseille, nul ne trouve "choquant" le traitement dont jouissent un Fabrice Burgaud, promu il y a quelques mois à la Cour de cassation (fort discrètement, on se demande pourquoi…), ou encore un juge faussaire, Jean-Pierre Munier, expert ès pièces antidatées, et… jadis défendu à son propre procès pénal par ses collègues procureurs métamorphosés en… avocats de la défense, rétribués par l'Etat (il n'avait donc nul besoin d'une cagnotte de solidarité). On souhaite à ce dernier de couler une retraite paisible et bien méritée, apparemment prise le 31 mars 2018.

Quant au délire démagogique trumpesque de M. Mahjoubi, on répondra sobrement que la cagnotte controversée ne "rapportera" strictement rien à M. Dettinger : les sommes recueillies ne serviront qu'à sa défense; elles lui permettront simplement d'affronter à armes moins inégales les procureurs, qui, eux, disposent d'un riche arsenal, plus efficace que les poings... Vu la médiatisation de cette affaire, nul doute que le ministère public déploiera l'artillerie lourde.

Le grand public a le droit absolu, légal et parfaitement moral de soutenir, par ses libéralités, pour les bonnes et les mauvaises raisons de son choix, la cause de toute partie devant affronter le système judiciaire, que l'affaire relève du droit pénal, ou des droits de l'homme, de l'aide aux migrants, etc.. A chacun d'apprécier ses "héros" ou ses "terroristes". Et cela vaut aussi pour les "contrecagnottes" ouvertes en soutien aux forces de l'ordre, dont une sur Leetchi qui avait récolté mardi après-midi plus de 100 000 euros (152 200 dollars).

Voici deux exemples évidemment incompréhensibles en France : on peut parfaitement soutenir le droit à la liberté d'expression d'un Dieudonné ou d'un Robert Faurisson, persécutés par les procureurs, sans soutenir le racisme ou le nazisme.

On ne peut malgré tout que déplorer que la plateforme Leetchi ait cédé à l'intimidation exercée par une certaine plèbe enragée et annoncé que la cagnotte en faveur du boxeur n'acceptait désormais plus de contributions. Maintenant que le parquet connaît le "budget judiciaire" de M. Dettinger, soit 117 000 euros, il sait de combien il doit ajuster le sien en conséquence.

LP