Tuesday, January 30, 2018

Le "ticket" de Jean-François Lisée.



Le 30 janvier 2018.

Défense de mélanger les choses : tu ne laboureras pas avec un bœuf et un âne.
- Paul Claudel.

Le chef du parti québécois vient d'offrir dimanche dernier un coup de théâtre aux électeurs : il nomme Véronique Hivon au poste de vice-chef(fe?).

Elle deviendra donc automatiquement vice-première ministre en cas de victoire aux prochaines élections provinciales. Ce poste n'existe pas? Qu'à cela ne tienne : on le créée! Il existe dorénavant puisque les statuts du parti ne contiennent nulle interdiction à ce sujet. La solution était simple, mais il fallait y penser!

M. Lisée s'est ouvertement approprié une vieille tradition politique américaine, celle du "ticket" présidentiel - elle, quand même bel et bien prévue par la constitution - que l'on tente de "doser" dans l'espoir qu'il sera assimilable, aux yeux des électeurs, à une potion homogène plus facile à avaler.

Cependant, en l'occurrence, il faut quand même espérer que l'inspiration de cette démarche préélectorale n'a pas été puisée dans la stratégie du très conservateur Ronald Reagan qui, en 1976, briguait la candidature républicaine à la présidence contre le commandant-en-chef alors en exercice, Gerald Ford. L'ex-gouverneur de Californie, rompant avec la coutume, avait annoncé, avant la convention, qu'il désignerait comme colistier Richard Schweiker, un républicain progressiste (oui, à cette époque bien lointaine, cela existait encore, comme les ancêtres encore en vie s'en souviendront) dans l'espoir de ratisser plus large parmi les délégués.

Las! Selon l'affectueuse formule du suave Lyndon Johnson, chez Ford, la flatulence et le masticage de chewing gum étaient des processus intellectuels tellement complexes qu'ils ne pouvaient se dérouler simultanément. Pour autant, cela ne l'empêcha pas d'être adoubé par son parti.

Moralité : il ressort de l'échec de la manœuvre du "Gipper" que le mélange de l'huile et du vinaigre ne résulte pas forcément en une vinaigrette lisse.

LP

Sunday, January 21, 2018

Le Canadien Hassan Diab échappe au Golgotha.



Le 22 janvier 2018.
           
Ecce homo.
- Jean 19; 5.

Et voilà. En France, le dernier successeur des Dreyfus, Seznec, Richard Roman, Omar Raddad, etc. est
libre : les juges d'instruction ont prononcé le non-lieu relativement aux accusations délirantes visant Hassan Diab au sujet de l'attentat de la synagogue de la rue Copernic, à Paris, en 1980.

Cette issue constitue une impressionnante preuve de l'indépendance de la justice française. Tout est bien qui finit bien.

En effet, 28 ans après l'attentat, Hassan Diab est arrêté au Canada; les "enquêteurs" français engagent une procédure d'extradition contre lui; le ministre de la Justice canadien, Rob "Ponce Pilate" Nicholson, s'en lave les mains en 2012; l'extradé est finalement remis aux autorité françaises en 2014. Logiquement, les procureurs sont alors fin prêts pour le procès? Sauf que, dans cette bousculade… ils avaient simplement oublié un petit détail : ils ne disposent toujours pas d'un dossier avec une apparence de vraisemblance!

Mais ce n'était qu'un petit contretemps. Il s'en est suivi une détention dite "provisoire" de l'intéressé (3 ans), qui fut confiné 22 heures sur 24 dans sa petite Ile du Diable en France métropolitaine, pardon, mini-Guantanamo (il faut vivre avec son temps…). Un non-lieu quasi-impulsif?

Et tout cela financé, bien entendu, par le contribuable franchouillard (qui n'a toujours pas de compte bancaire aux Iles Cayman), ce qui vaut aussi pour l'appel interjetté de cette ordonnance en dépit de la libération du gibier et de son retour au Canada. Un baroud… d'"honneur"?

Mais voyons le bon côté des choses : il faut en déduire que, en France, il y a pénurie de vrais terroristes à se mettre sous la dent.

On invitera à l'indulgence les cyniques voyant dans tout procureur, surtout français, un impitoyable chasseur de primes. Il faut quand même se mettre un moment à leur place : un métèque qui a le toupet d'être innocent, c'est vraiment rageant. Et qui a osé résister à 3 ans d'emprisonnement en isolement, est-ce à dire de torture? C'est vraiment pas de jeu! (Et n'en déplaise aux bonnes âmes portées sur la sensiblerie, il lui fut épargné les fers imposés jadis au juif Dreyfus; le laxisme ne paie pas). Les érudits, puisant dans les grands classiques de la littérature, penseront immédiatement à la cruelle déception des fins limiers Dupondt, qui, dans "Les bijoux de la Castafiore", tenaient, pour une fois, les coupables parfaits avec les Tsiganes.

Que les procureurs concernés fassent contre mauvaise fortune bon cœur. Ils n'ont rien à craindre pour leur carrière au sein de l'appareil judiciaire français : leur éminent collègue Fabrice Burgaud le leur confirmera. Et s'ils nourrissent des ambitions politiques, il y aura toujours d'autres Diabs…

Au pays des suicidés par 5 balles dans le dos, et de l'inspecteur Clouseau, tout est possible.

Au Canada, le professeur Diab réclame maintenant une enquête publique concernant le processus légal qui rend possible la remise d'un citoyen canadien à un Etat à l'occasion tortionnaire sur la foi d'un dossier plein de vide. En effet, cette réflexion est le moins qui est lui est dû.

Et à ses compatriotes/contribuables.

LP

Thursday, January 11, 2018

La réédition des pamphlets antisémites de Céline en France.



Le 11 janvier 2018.


Il faut se battre pour essayer de ne pas répéter nos erreurs, elles sont faciles à retenir mais on les répète toujours.
- Jean-Claude van Damme.

L'enfer est plein de bonnes volontés ou désirs.
- Aphorisme attribué par Saint François de Sales à Saint Bernard de Clairvaux.


Information de dernière minute : André Gallimard vient d'annoncer la suspension "sine die" de la réédition des pamphlets de Céline. Traduction : il capitule sans conditions.

Les pleurnicheries susurrées par le pédégé ne peuvent dissimuler la sinistre réalité : il est une limace typiquement franchouillarde, il rampe et lèche les bottes, et sans sel.

Si les chiens aboient, la caravane doit, pour passer, contourner la France.

Voilà une défaite supplémentaire pour la liberté de parole en France, mais c'était sans doute prévisible dans le pays sous le joug de l'infâme loi Gayssot.

God bless America.

Les réflexions qui suivent ont été rédigées avant ce développement.
LP
(qui conserve précieusement son exemplaire des pamphlets acheté au Québec en 2012, sur le même rayon de bibliothèque que le Nouveau Testament).

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Avec pour toile de fond le projet de loi récemment annoncé par le président-philosophe de la république Macron concernant la répression des "fake news", une législation en vigueur dans des pays maghrébins et levantins, on apprend ces jours-ci que la veuve Destouches a autorisé la publication des pamphlets antisémites de l'auteur de "Voyageur au bout de la nuit", une annonce qui coïncide avec la prochaine sortie, dans toutes les bonnes librairies, du premier tome des mémoires de Jean-Marie Le Pen.

Le calendrier fait bien les choses.

Du haut de sa grandeur, le grand chambellan Edouard Philippe se prononce magnanimement en faveur de cette publication. Mais cette largesse est assortie de la condition qu'elle soit "soigneusement accompagnée".

Le préfet Frédéric Potier, délégué interministériel à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT, s'est permis d'envoyer le 12 décembre dernier un courrier, sur papier à en-tête du bureau du grand chambellan, aux éditions Gallimard demandant, avec une onctuosité bien franco-chanoinesque, "de m'éclairer sur les conditions d'élaboration de cette édition critique et sur les mesures prises (sic) pour en garantir (resic) la scientificité (encore sic! Le préfet voulait sans doute dire "rigueur scientifique", mais les lecteurs auront corrigé d'eux-mêmes, sans l'aide d'une note marginale) et la pluridisciplinarité" (non souligné dans l'original). On suppose que la lanterne de ce serviteur du ministère de la vérité fut éclaircie au cours de la convocation à laquelle répondit le docile toutou Antoine Gallimard le 19 décembre suivant, à qui il fut alors réclamé alors rien moins que des "garanties". D'aucuns pourraient voir dans cette démarche une tentative d'intimidation d'inspiration orwellienne…

Voilà une controverse qui serait surréaliste aux Etats-Unis, où l'on ne plaisante pas avec l'absolue liberté de parole protégée par le premier amendement de la Constitution, qui n'est pas lettre morte. Dans ce pays :

- les éditeurs ont le droit de publier ce qu'il veulent, selon la formule librement choisie;
- ils opposeraient un silence méprisant à tout rond-de-cuir qui oserait tenter d'exercer des pressions sur eux en usurpant le rôle d'un vertueux juge d'instruction, ou d'inquisiteur (évidemment, il arrive que certaines personnalités politiques en exercice crachent le feu et sont pris de furie lorsqu'est publié un ouvrage les visant personnellement, en dépit de leurs avertissements préalables, ce qui en stimule les ventes…);
- chaque citoyen a le droit de lire tout ouvrage et de se faire sa propre religion en toute indépendance et de décider, ou non, à en lire la préface, a fortiori, le cas échéant, l'appareil critique.

Incidemment, si, au Canada, la liberté de parole comporte quelques lacunes, la publication par un éditeur québécois des pamphlets incriminés en 2012 y a eu lieu sans heurts, et dans la sérénité.

Précision intéressante en l'occurrence, Gallimard dirige deux collections, Folio, où sont publiées les œuvres telles quelles, et Folioplus classiques, dont voici la mission :

Aborder l’ouvrage par la lecture d’un tableau, d’une photographie, d’une sculpture ou de tout autre art : sous une forme inédite, Folioplus classiques présente aux élèves de collège et de lycée les plus grandes œuvres du patrimoine littéraire d'hier et d'aujourd'hui. Un dossier accompagne le texte et analyse notamment des points littéraires précis tels que le genre et le registre, le mouvement littéraire, la chronologie, etc. Classiques, mais aussi titres plus récents – Un long dimanche de fiançailles de Sébastien Japrisot, Le Lion de Joseph Kessel, Paroles de Jacques Prévert, Enfance de Nathalie Sarraute... – la collection vous propose également des anthologies riches et originales : Poèmes à apprendre par cœur, Le roman de Vautrin...

Le chef d'oeuvre du même Céline, "Voyage au bout de la nuit", est publié dans les deux collections. En voici la fiche Folioplus classiques : 

Dossier et notes réalisés par Stéfan Ferrari. Lecture d'image par Agnès Verlet
Collection Folioplus classiques (n° 60), Gallimard
Parution : 30-03-2006
Dans Folioplus classiques, le texte intégral, enrichi d’une lecture d’image, écho pictural de l’œuvre, est suivi de sa mise en perspective organisée en six points :

• Courant littéraire : Céline dans le paysage littéraire de l'entre-deux-guerres
• Genre et registre : Apprentissage et autobiographie
• L'écrivain à sa table de travail : Du théâtre au roman
• Groupement de textes : La nuit
• Chronologie : Céline et son temps
• Fiche : Des pistes pour rendre compte de sa lecture

Recommandé pour les classes de lycée.

Voilà qui laisse au lecteur la liberté entière de choix.

Serge Klarsfeld, exprimant son indignation à l'égard de la décision du grand chambellan déclare : "Nous (sic) ne laisserons pas republier de tels textes qui ont mené nos parents à la mort." On est perplexe quant à la source de son autorité pontificale d'accorder des "nihil obstat" ou d'inscrire des ouvrages dans un quelconque Index librorum prohibitorum.

Mais passons. L'on ne peut alors qu'inviter M. Klarsfeld et consorts à cesser de s'acharner de manière sélective sur des écrits contemporains, et à (re)lire et (re)goûter, conformément à leur propre logique, le texte fondateur de la haine visant depuis 2 millénaires le peuple taxé de déicide : le Nouveau Testament. Ce torchon, disponible dans toutes les librairies et bibliothèques (bonnes et mauvaises), avec ou sans annotations, est riche, outre les contes de fées, en vômissements déversés sur les Juifs; les invectives de Luther, de Voltaire, ou de Karl Marx, n'en furent que des gloses et "Mein Kampf" une vulgate récapitulative.

"Il est probable que le premier ministre n’a pas lu une seule page de ces abjects pamphlets anti-juifs". On peut donc en déduire que M. Klarsfeld, lui, en a lu un échantillonage comportant plus d'une page; de surcroît, on doit supposer qu'il a pourtant connaissance, par exemple, de cet éloquent verset (à saveur un tantinet satanique) : "Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants!  (Matthieu 27: 25).

Il a inspiré au très catholique écrivain Daniel-Rops ces profondes (mais hélas, rigoureusement exactes sur le plan historique) réflexions pendant les glorieuses années 1940 : "Le dernier vœu du peuple qu'il avait élu, Dieu, dans sa justice, l'a exaucé. Au long des siècles, sur toutes les terres où s'est dispersée la race juive, le sang retombe, et, éternellement, le cri de meurtre poussé au prétoire de Pilate couvre un cri de détresse mille fois répété". Et vu "l'obstination et la cautèle qu'on leur connaît" (le lecteur comprendra sans doute à qui se rapporte "leur" sans l'assistance d'une note marginale), il conclut doctement que "l’horreur du pogrom compense, dans l’équilibre secret des volontés divines, l’insoutenable horreur de la Crucifixion".

Du Céline sans la gouaille. Qui se lit aussi très facilement sans savantes explications exégétiques.

En effet, la shoah ne fut que l'inexorable réponse logique à la sainte exhortation lancée au monde par les évangélistes.

Il y a 2000 ans, "ça a débuté comme ça".

LP