Tuesday, September 29, 2015

Le 29 septembre 2015. Lettre ouverte à Alain Crevier : la couverture de l'actualité papale.



Alain Crevier
Journaliste,
Société Radio-Canada


Bonjour M. Crevier,

Je suis un téléspectateur assidu et inconditionnel de votre émission "Second Regard". Tous vos reportages sur les thèmes religieux et philosophiques captent mon entière attention.

A ce titre, j'ose croire que si j'exprime un bémol sur vos reportages concernant le Pape François, j'aurai droit à votre indulgence (sans jeu de mot) : vous devriez adopter un ton plus neutre, au lieu de vous en faire le thuriféraire.

En effet, le  pape, comme toutes les personnalités politiques, est un fin renard. A l'instar de Steven Harper, Barack Obama et François Hollande, il planifie avec soin son image médiatique avec l'aide d'un directeur des communications.

Plus précisément, lorsque vous avez évoqué l'affection de François pour les enfants - qu'il embrasse à droite et à gauche - laquelle ne saurait être feinte, selon vous, il y avait de quoi sourire. Ces chastes baisers, ses bénédictions aux prisonniers, ses rencontres avec quelques victimes d'abus sexuels triées sur le volet, tout cela est soigneusement chorégraphié pour la caméra; il faut une certaine dose de naïveté pour ne pas s'en rendre compte. Evidemment, un dir.com le moindrement compétent planifie une stratégie marketing qui correspond à la personnalité de son client : il tombe sous le sens que si son poulain a envie de vomir à moins d'un mètre d'un bébé, il lui recommandera une autre approche, plus compatible avec son tempérament.

Cela dit, il est exact que François joue peut-être son pontificat. Il est fort possible que les (plus) fanatiques de l'Eglise pourraient lui reprocher son laxisme apparent. Rien de nouveau en politique : il y a toujours eu des chefs d'Etat moins idéologues, disposés à "lâcher du lest" afin de préserver les acquits, au grand dam des jusqu'auboutistes. Cependant, on se rappellera le sort d'Alexander Dubček en Tchécoslovaquie en 1968: il eut l'audace de prôner le socialisme "à visage humain". Il ne dura qu'un printemps...

(Mais relativisons, M. Crevier : de nos jours, les purges et coups d'Etat derrière les murs du Vatican sont plus feutrés; on a fait du chemin depuis les Borgia.)

D'ailleurs, toute l'histoire de l'Eglise a consisté en l'alternance des périodes "good cop, bad cop". Il est indéniable que François, en ce moment, joue à merveille le premier rôle,  inspiré par ses plus débonnaires prédécesseurs qui ne condamnèrent pas systématiquement les Juifs à grésiller sur le bûcher…


("Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, il n'y a rien de nouveau sous le soleil" : Ecclésiaste 1:9.)

M. Crevier, si le pontife veut vraiment "changer les choses", comme vous le répétez inlassablement, qu'il suive l'exemple de Mikhael Gorbatchev, qui a aboli le communisme, de Frederik De Klerk, qui a aboli l'apartheid : qu'il avoue l'évidence, à savoir que l'Eglise raconte des contes de fées depuis 2000 ans, que les évangiles sont de virulents pamphlets antisémites, et qu'il dissolve l'Eglise.

Cordialement,

LP

Friday, September 18, 2015

Le 18 septembre 2015. Elections fédérales canadiennes : le débat sur l'économie.



I'm the first Biden in a thousand generations to get a college and a graduate degree.
- Joe Biden.

Why am I the first Kinnock in a thousand generations to be able to get to university?
- Neil Kinnock.

Are you better off today than you were four years ago?
- Ronald Reagan.

Avec le débat qui a réuni les chefs des trois principaux partis canadiens hier soir à Calgary, les électeurs ont eu essentiellement droit à une bataille de vagues chiffres, qu'une incessante cacophonie a rendu peu édifiante.

Tom Mulcair a réussi à contenir son tempérament rageur. Steven Harper, pour justifier son inaction envers les réfugiés syriens, a repris effrontément le conte de fées de la sécurité nationale, pourtant ridiculisé quelques jours auparavant par nul autre que l'ancien chef d'état-major de l'armée canadienne, le général Rick Hillier.

Une fracassante révélation cependant.

Trudeau II se prend maintenant pour Ronald Reagan.

Il le plagie sans vergogne en lançant aux roturiers canadiens, qu'il invite à lui accorder leur onction électorale, cette question : Are you better off now than you were 10 years ago?

Il émule ainsi l'actuel vice-président américain Joe Biden qui, en 1988, puisa dans un discours du chef du parti travailliste du Royaume-Uni pour émouvoir l'électorat. Cependant, le prince héritier du Royaume du Canada sait aussi s'inspirer des grands acteurs comme l'ex-président Reagan et Tom Cruise.

Lui qui, il y a peu, annonçait son admiration pour la dictature chinoise censée être en mesure de faire face aux problèmes économiques par sa capacité de réagir au quart de tour (on a dime), il a fait hier soir l'éclatante démonstration qu'il peut faire croire au public qu'il parle en connaissance de cause en récitant scrupuleusement les répliques attribuées à son falot personnage par son scénario.

More than just a pretty face?

LP

Tuesday, September 15, 2015

Le 15 septembre 2015. Les hontes canadiennes.



Louis Bonaparte croit monter au trône.
- Victor Hugo (Napoléon le petit).

Ils doivent faire une drôle de tête les gens quand on les extirpe des oubliettes.
- Louis-Ferdinand Céline.

Le prince héritier, Trudeau II, fait maintenant appel aux caciques d'un autre âge. Le mignon petit Justin appelle à la rescousse les amis de papa, Paul "Canada Steamship" Martin (aussi fils de son père) et Jean Chrétien, qui est bien introduit dans la famille Desmarais (encore que l'on pourrait dire que c'est son gendre qui a ses entrées dans la famille Chrétien). Ils l'ont vu grandir, ils l'ont fait sauter sur leurs genoux jadis dans un salon du 24 Sussex Drive et ils sont censés convaincre les croquants canadiens que leur petit protégé incarne le changement. Le prétendant au trône promettait un vent de fraîcheur, mais il a plutôt opté pour les relents de vieilles croûtes verdies de moisissures.

M. Chrétien - l'ex-première potiche du Canada, bilingue dans les deux langues - a évoqué dans des lettres ouvertes - rédigées, on l'aura compris, par des "nègres" à la plume plus élégante - sa "honte" face à l'indifférence manifestée par Steven Harper à l'égard des réfugiés syriens.

Mieux, le "petit gars" de Shawinigan attribue aujourd'hui la promesse de M. Mulcair d'abroger la très obscure Loi sur la clarté à une volonté de racoler les électeurs québécois.

Voilà qui est piquant de la part l'ex-chef du parti quelque peu touché naguère par le scandale dit "des commandites" et qui se dit maintenant soucieux de la perte de prestige du Canada sur la scène internationale.

De surcroît, à l'époque où le gouvernement était dirigé par Trudeau premier, puis par lui-même (si l'on ose ce lapsus), un temps béni où, apparemment, Justin dévalait joyeusement les pentes de ski, le journaliste salvadorien Victor Regalado n'a pas vraiment été accueilli à bras ouverts par les kafkaïens bureaucrates de Citoyenneté et Immigration Canada.

Le parti libéral du Canada de beaux restes, mais, en matière de sujets de honte, M. Chrétien pratique comme pas un l'art de verser les faits dans un entonnoir. Et il a besoin de nouvelles lunettes.

LP

Monday, September 7, 2015

Le 7 septembre 2015. La répartition du malheur.



La guerre commence à me faire l'effet d'une ignoble tragédie, sur laquelle le rideau s'abaisserait et se relèverait sans cesse, devant un public rassasié, mais trop prostré pour se lever et partir.
- Louis-Ferdinand Céline. 

Depuis plusieurs années, sans s'abaisser à la hargne australienne, le gouvernement canadien conservateur manifeste son hostilité de principe aux réfugiés en prenant des mesures restrictives afin de satisfaire sa base électorale incompressible : les ventrus et tatoués rednecks, grands connaisseurs en bière, qui chassent le gibier le dimanche après-midi avec leur fusil dispensé (enfin!) d'enregistrement après avoir assisté à l'office dans leur église évangélique.

Du bout des lèvres, le premier ministre canadien promet désormais d'agir avec un peu plus de célérité. Les chiffres demeurent cependant modestes (encore que les objectifs du NPD ne sont pas particulièrement impressionnants) et... l'on veut donner la priorité aux "minorités religieuses". Une expression codée qui ne trompera que qui veut...

Fut beaucoup plus émouvante, il y a quelques jours, la réaction du premier ministre québécois Philippe Couillard à la noyade du petit Aylan : il déclare que sa province, elle, est prête à accueillir des milliers de victimes d'une cruelle guerre et annonce même qu'il est prêt à parrainer personnellement une famille syrienne. Cela est bel et bien, mais il faut peut-être rappeler que des pays riches dégoulinant de pétrole comme les émirats du golfe persique et l'Arabie séoudite restent bien silencieux face au spectacle qu'offre, par exemple, le million de réfugiés qui s'entassent dans le petit Liban.

Il n'y a que les démagogues pour invoquer l'inaction d'autrui afin de justifier leur propre refus de tout idée d''intervention. Dans tous les cas, le Canada peut, et doit, faire plus. Beaucoup plus.

Pour autant, on aimerait que "Cheikh" Philippe, ex-larbin de l'Arabie séoudite et toujours grand ami de la famille royale de ce pays, l'invitât publiquement à apporter sa modeste contribution au soulagement de la misère humaine qui règne en Syrie et en Irak et, pendant qu'on y est, en République démocratique (sic) du Congo (psstt! on chuchote que des milliers et des milliers de Négresses s'y font régulièrement torturer, violer et assassiner, mais l'on n'a pas encore les photos ni les vidéos). 

Peut-être préférera-t-il leur porter ce message plus discrètement la prochaine fois qu'il sirotera le thé au jasmin en la compagnie d'un de ses membres. Dans un pub de Jersey, par exemple.

LP


Thursday, September 3, 2015

Le 3 septembre 2015. Aylan victime de la bureaucratie canadienne?



Those who cannot remember the past are condemned to repeat it.
- George Santanya.

Le cadavre gonflé d'eau d'un enfant de 3 ans noyé sur la plage d'une belle station balnéaire est une tragédie qui symbolise les conséquences de la politique démagogique de résistance sournoisement bureaucratique, plus ou moins passive, du gouvernement Harper en matière d'accueil des réfugiés depuis plusieurs années.

Après 1945, le Canada était très accueillant, par exemple, pour les réfugiés blancs, chrétiens, et fuyant le communisme (l'actuel gouvernement hongrois semble avoir oublié les événements de 1956…). Aujourd'hui, les choses sont apparemment moins évidentes pour les Arabes musulmans, victimes en grande partie des atrocités perpétrées par leur propre président Assad. Les quelques Syriens acceptés au compte-gouttes, bien en-deça des objectifs fixés par le gouvernement canadien lui-même, en savent quelque chose.

(On aura la décence d'éviter de se donner bonne conscience en répliquant que les Etats-Unis n'ont, à ce jour, n'ont pour ainsi dire rien fait pour les victimes syriennes du conflit qui ravage leur pays et qui découle, ô ironie, de la création, par eux, du Frankenstein qu'est l'EI due à l'invasion de l'Irak.)

Cela dit, il faut rendre hommage au sens de la chorégraphie politique de Steven Harper que l'on aperçoit souvent lors de ses conférences de presse en campagne électorale en présence - comme par hasard - d'un Sikh au turban de couleur criante, ostensiblement placé à ses côtés sur l'estrade au premier rang en compagnie de quelques autres autres membres du parti au teint opportunément bistre; on signalera d'ailleurs à ce chapitre que depuis 2011, a été fort visible à la chambre des communes le député conservateur portant aussi un immanquable couvre-chef sikh, au siège bien situé - le hasard fait encore bien les choses - de sorte qu'il soit toujours capté par la caméra et apparaisse à la gauche de l'écran lors des interventions de son chef de parti.

Des mesures concrètes de la part du gouvernement en faveur des réfugiés seraient peut-être de nature à mieux convaincre le public de l'ouverture d'esprit du premier ministre en matière de communautés culturelles.

Il n'est peut-être pas inutile de rappeler que lorsque les Juifs persécutés par les Nazis dans les années 1930 frappaient désespérément aux portes pour obtenir asile, on fit souvent, surtout aux Etats-Unis, la sourde oreille. Les Franklin Roosevelt et les Mackenzie King, et leurs administrations, susurraient que leurs pays ne pouvaient tout faire (d'autant plus que l'on ne tenait pas à prendre trop au sérieux les doléances d'un groupe ethnique honni que l'on taxait d'exagération de leurs petits tracas depuis 2000 ans…). M. Harper reprend aujourd'hui en substance, sinon littéralement, la formule du très socialiste ex-premier ministre français, Michel Rocard, qui, sans rire, déclara en 1989 à plusieurs reprises, à l'assemblée nationale et aux médias : notre pays ne peut accueillir et soulager toute (sic) la misère du monde.

Pour tenter d'en soulager au moins ne fût-ce qu'une parcelle, le Canada d'aujourd'hui  pourrait s'inspirer de l'Equateur qui, il y a plus de 70 ans, fut, relativement à sa population, la terre d'accueil la plus généreuse envers les Juifs, alors que les autorités canadiennes, elles, suivaient impitoyablement la politique résumée par un sinistre brocard.

"None is too many".

LP


Wednesday, September 2, 2015

Le 2 septembre 2015. Les destructions de merveilles archéologiques par Daech.



Les dieux ont une âme et un corps : l’âme c’est le démon, le corps c’est la statue.
-  Saint-Augustin.

Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait, c'est ce qui se fera, il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
- Ecclésiaste 1:9.

Comme un chien qui retourne à ce qu'il a vomi, ainsi est un insensé qui revient à sa folie.
- Proverbes 26:11. 

Le monde est horrifié, avec raison, par les déprédations infligées par les autorités de l'Etat islamique aux statues et anciens temples païens, mais il n'est peut-être pas inutile de rappeler qu'elles n'ont pas réinventé la roue.

Elle ne font que remettre à l'ordre du jour une tradition pré-islamique plus que millénaire et longtemps honorée (sans être très honorable). Dès que le christianisme devint la religion d'Etat de l'empire romain au IVe siècle de notre ère, les pouvoirs publics ont régulièrement ordonné ou avalisé la destruction des lieux et objets de cultes polythéistes - et parfois même chrétiens non-orthodoxes. Des orgies de vandalisme ont suivi pendant des siècles.

Le plus sinistre est que ces sauvageries ont une certaine cohérence sur le plan théologique : l'islam et le christianisme partagent cette croyance délirante que ces édifices et sculptures matériels abritent des êtres surnaturels démoniaques, d'où la nécessité de leur suppression. (Evidemment, par les temps qui courent, surtout dans le monde occidental, ces contes de fées sont, dans la mesure du possible… occultés (si l'on ose dire) par les hiérarchies religieuses dites "modernes", peur du ridicule oblige… encore que certains exorcistes reprennent à l'occasion du service pour combattre les esprits malfaisants, vaudous et autres, selon les latitudes…)

On a beau être monothéiste, il ne faut surtout pas prendre à la légère les démons.

Il est donc difficile de trop s'étonner aujourd'hui du dynamitage du temple de Bêl à Palmyre. Les religions totalitaires ont, par essence, vocation à l'iconoclasme, et gare aux mécréants lorsqu'elles s'emparent des leviers du pouvoir temporel. (En Malaisie, un membre à part entière de la communauté internationale, la destruction de temples hindous y est monnaie courante, ce qui ne semble pas émouvoir qui que ce soit).

En outre, comme le prouvent, par exemple, le lynchage de la mathématicienne et philosophe Hypatie en l'an de notre Seigneur 415, l'assassinat par l'Inquisition de Giordano Bruno en 1600 - brûlé vif sur le bûcher - et la persécution de Galilée, les théocraties ne dirigent pas leur haine uniquement vers les monuments de pierre, mais aussi vers les sanctuaires de l'esprit.

Sur le plan de l'horreur, l'EI ne fait que recycler des recettes qui ont déjà amplement fait leurs preuves par le passé.


LP