Thursday, February 5, 2015

Le 5 février 2015. Le duplessisme fait un retour triomphal au Québec.



L'expérience est une lanterne qui n'éclaire que celui qui la porte.
- Louis-Ferdinand Céline.

Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi, et ceux qui résistent attireront une condamnation sur eux-mêmes.
- Romains 13 : 1-2
                                                                                                                                  
Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l'Eglise, qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l'Eglise est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l'être à leurs maris en toutes choses.
Ephesiens 5 : 22-24.

L'"imam" Hamza Chaoui est un personnage pittoresque, à la barbe fleurie, qui ne risque pas de gagner des concours de popularité vu son hostilité à la démocratie, sa promotion de l'amputation de la main des voleurs, son prêche de la soumission des femmes à un tuteur et ses diatribes visant les homosexuels…

Pour autant, cela n'habilite personne à appeler à la violation de la loi contre lui.

C'est pourtant ce qu'a fait nulle autre que Kathleen Weil, Ministre de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (et… ex-ministre de la justice!), qui a pris sur elle d'inviter les autorités municipales de Montréal à refuser à M. Chaoui un permis concernant le centre communautaire islamique que ce dernier avait projeté en ces termes : "mais je pense qu'ils doivent regarder cette question-là [au-delà] des questions d'architecture ou d'aménagement urbain. Il y a l'enjeu très profond des valeurs à véhiculer". Pis, Weil ose dire que la ville de Montréal ne doit pas "donner une tribune" à Chaoui.

Invitation acceptée.

On décrète, à l'avance, que M. Chaoui, qui n'a jamais violé quelque loi que ce soit, pose un risque à la sécurité publique - le maire Coderre tonne contre un "fomenteur de tensions sociales" et un "agent de radicalisation"- et qu'il n'a plus besoin de présenter une demande de permis, qui lui sera refusé de toute manière; on remanie les règlements de zonage de manière ciblée, et, comme si cela ne suffisait pas, le maire de l'arrondissement Hochelaga-Maisonneuve, Réal Ménard, annonce même sur les ondes qu'il tient compte de données "confidentielles" pour lui refuser une tribune.  

Le tout approuvé, bien sûr, par le premier ministre du Québec.

Au mépris d'un principe de base : en matière municipale, les permis sont accordés (ou refusés) selon des critères administratifs neutres, notamment en matière de zonage. Les fonctionnaires municipaux ne disposent d'aucune compétence pénale, encore moins du droit de préjuger une cause, surtout sur le fondement de prétendus éléments, tenus secrets (on sait ce qu'ils valent depuis l'affaire Dreyfus); il leur est interdit, précisément, d'aller "au-delà de l'architecture".

Dans un état de droit, chacun a le droit absolu de prendre la tribune que l'on veut. En cas d'infraction, c'est aux procureurs qu'il revient, le cas échéant, d'engager des poursuites, au pénal, dans le respect des droits de la défense.

Le plus choquant est l'outrecuidance de la ministre Weil et du premier ministre Couillard, qui invoquent les valeurs de la société canadienne. La ministre de… l'inclusion ne voit nul inconvénient à ce que des fillettes de 8 ans restent prisonnières du hijjab et que, à l'heure actuelle, les enfants hassidiques restent… exclus de la scolarité à laquelle a droit tout enfant québécois. Et quid de la dissémination, dans certains milieux, de messages hostiles visant les "mécréants"?… Et l'Opus Dei a toujours pignon sur rue… La seule condition est que tout se passe discrètement…

Et on l'ose parler de risque de corruption des jeunes?...

L'acharnement dont fait l'objet M. Chaoui constitue un cas de détournement de procédure et d'abus de pouvoir caractérisé. Voilà un festival d'illégalités qui pourrait aboutir à d'intéressants débats judiciaires.

Une importante consolation pour M. Chaoui : Philippe Couillard de l'Espinay, Mme Weil, M. Coderre et M. Ménard ont déjà plaidé sa cause : tous ont avoué avec une touchante candeur qu'il s'agissait bel et bien de le priver d'une tribune.

Donc de le faire taire.

M. Ménard a même lyriquement vanté l'"ingéniosité" de ses fonctionnaires dans la modification discriminatoire des règlements de zonage. L'avocat de l'imam n'aura qu'à faire du coupé-collé.

With enemies like that, who needs friends?

En France, l'on convoque au commissariat des enfants de 8 ans et l'on condamne des ivrognes pour apologie du terrorisme.

Le Québec est revenu au temps où Duplessis crucifiait les Témoins de Jéhovah.

Cependant, s'il y a dérapage, il est tellement grotesque que l'on peut se demander s'il n'est pas en fait contrôlé.

Les autorités municipales et le gouvernement Couillard peuvent-ils vraiment être aussi ignares? Et est-on vraiment censé croire que Me Weil, au moins, ne connaît pas la jurisprudence Roncarelli c. Duplessis? Une ancienne étudiante de l'université McGill de surcroît?...

Au contraire, faut-il voir dans toutes leurs gesticulations médiatiques une manœuvre de diversion? "Cheikh" Ibn-Couillard, grand ami de la famille royale saoudienne, cherche-t-il à gagner ses galons de combattant de l'intégrisme en s'assurant une couverture occultant du même coup l'intégrisme plus souterrain?

Somme toute, l'imam autoproclamé Chaoui peut remercier Couillard et ses larbins de l'avoir sorti de l'obscurité en lui offrant sur un plateau d'argent - ou plutôt de télévision - une… tribune journalistique inespérée… Et son discours pourrait se poursuivre devant le tribun-al…

Une convergence d'intérêts qui donne à réfléchir.

Mais foin des supputations pessimistes et concluons sur une note humoristique.

L'on vient d'entendre la reprise, en substance, la plaidoirie des bourreaux d'Alfred Dreyfus : il paraît que, dans ce genre situation, le public doit simplement "faire confiance aux élus".

Dixit M. Ménard. (Pince)Sans rire.

LP



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