- Jean Cocteau
« Les livres
ont les mêmes ennemis que l'homme :
le feu, l'humide, les bêtes, le temps,
et leur propre contenu.»
Le ministre de l'éducation du Québec vient de
lancer une idée brillante en ce qui concerne les priorités budgétaires des
commissions scolaires : il leur suggère de faire des compressions dans les
achats de livres, puisqu'il y en a suffisamment, si on compte surtout ceux qui
ont été achetés "il y a 20 ans", notamment en matière d'histoire, de
sciences et de géographie. Il ne faut jamais sous-estimer le Dr Bolduc. Nul ne
doit se laisser abuser par son visage poupon, ses lourdes paupières filtrant un
regard bovin, sa voix geignarde et sa lenteur verbale. Tout cela n'est que
trompe l'œil et cache habilement une remarquable vivacité d'esprit.
Comme il fallait s'y attendre, les réactions
indignées des prétentieux élitistes ont fusé.
Mais l'on comprend plus difficilement la
réaction défavorable de Philippe Couillard, baron de Jersey, même s'il a des
excuses : il s'agit un ancien élève du collège Stanislas, et qui affectionne
les citations de philosophes grecs. Pourtant, son subordonné, le Dr Bolduc, est
la preuve vivante que la lecture de ces penseurs fumeux est inutile pour
acquérir la dextérité qui lui a permis de traiter 1600 patients tout en étant
député, un mandat en principe à temps complet.
Manifestement, voilà une personnalité qui ne s'inscrit
pas dans la tradition des médecins hommes de lettres, qui a produit un Georges
Duhamel en France, un AJ Cronin en Ecosse, et un Jacques Ferron au Québec. Il
ne faut sans doute pas compter sur lui pour rédiger la version québécoise de "La
chronique des Pasquier". Mais quelle importance?
Saluons plutôt un ministre de l'éducation qui
a les deux pieds dans la glaise et qui a su concevoir une solution fort judicieuse et pourtant
si simple. Il suffisait d'y penser. Il n'y a que des intellos oisifs pour se répandre
en diatribes au sujet de la quantité disponible de documents chargés de signes
cabalistiques, sans intérêt pour les élèves.
D'ailleurs, pourquoi s'arrêter en si bon
chemin?
En cette période de disette financière, on
pourrait rationaliser l'espace occupé dans les bibliothèques scolaires, ou
municipales, en réduisant le nombres
de livres. Pour ce faire, quoi de mieux que les autodafés? Non, on ne meurt pas
d'une pénurie de livres, comme en témoignent les majestueux feux de joie nocturnes parrainés
par le Dr. Josef Goebels dans les années 1930, une belle formule carnavalesque
reprise plus tard par le général Pinochet.
Au final, les bibliothèques québécoises n'ont
besoin que d'un seul livre: "Fahrenheit 451".
LP
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