"Revenge
was good for the character: out of revenge grew forgiveness."
- Graham Greene
"Je connais
trop
les hommes
pour ignorer
que souvent
l'offensé
pardonne,
mais que l'offenseur
ne pardonne
jamais."
- Chilon
Une certaine polémique entoure un article publié il y a
quelques jours dans le journal italien La
Repubblica rendant compte de l'entretien accordé par Notre Saint-Père le
pape François, qui, en ce qui concerne les prêtres pédophiles de son
institution, a notamment fait état du chiffre de 2%.
Quelques heures après la publication de cet entretien, le
P. Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Saint-Siège a
réagi et démenti que ce chiffre englobait les évêques et cardinaux. En effet,
voilà une précision rassurante pour les fidèles : il faut avoir l'esprit mal
tourné pour imaginer qu'il puisse y avoir des pédophiles ailleurs que chez les
prêtres de base, plus jeunes et plus énergiques.
En effet, on peut supposer que, en ce qui concerne NSP le
pape, Benoit XVI et leur entourage, toute tendance pédophile est de toute
manière vouée à rester un vœu… pieux : à ce stade, même avec les bons offices
de la pilule bleue, il est douteux qu'ils puissent concrétiser quelque fantasme
que ce soit. Il arrive un moment dans l'existence où, comme celles du Seigneur,
certaines voies deviennent impénétrables.
Détail piquant, le père Lombardi déclare voir dans cet amalgame
une "manipulation" de la part d'un journal de gauche.
L'on peut inférer de cette indignation que l'on ne
saurait voir quelque manipulation que ce fût dans la dissémination, depuis 2000
ans, de récits scrupuleusement historiques, depuis les évangiles, en passant
par les hagiographies de saints et leurs prestations surnaturelles, jusqu'aux
guérisons contemporaines de Lourdes, vérifiés selon des méthodes historique et
scientifique rigoureuses; dans le même ordre d'idées, il ne faut surtout par
voir non plus une simple opération de relations publiques dans les onctueuses déclarations
de NSP en matière de tolérance à l'égard des autres religions, de
l'homosexualité et même de l'athéisme, la volonté d'occulter un passé plus
sinistre… notamment en ce qui concerne l'entrave systématique des autorités
ecclésiastiques pratiquée dans les affaires de pédophilie.
Cela dit, puisque ce pourcentage émane du Vatican même,
on peut tout de même déceler une tentative, bien humaine, de minimisation.
Outre le fait que ce touchant aveu arrive un peu tard, il rappelle les
dénégations du gouvernement turc en ce qui concerne le génocide arménien: si
l'on rejette à Ankara l'étiquette de "génocide", ces derniers temps, on
déplore, magnanimement, un maigre demi-million de décès attribuables à un
malheureux concours de circonstances historiques. Un million ou un million et
demi? Il ne faut tout de même rien exagérer…
D'ailleurs, ici au Canada, l'archevêque de Gatineau, Mgr
Paul-André Durocher, va plus loin: sans rire, il relativise ce pourcentage,
lequel tiendrait en fait compte des prêtres qui ont été impliqués dans des
affaires de pédophilie remontant à plusieurs décennies! En l'occurrence, Son Excellence
est manifestement plus catholique que le pape; de surcroît, il aurait fait des
miracles en qualité de conseiller en investissements… L'art de… manipuler les
chiffres. Une vocation ratée?
Mais tenons pour acquis, aux fins de la discussion, le
chiffre de 2%.
A ce sujet, à Montréal, voici l'ineffable cardinal Turcotte,
ex-archevêque de Montréal, qui goûte une retraite bien méritée, et qui, après
avoir émis l'opinion, fort courageuse en 2014, qu'un seul prêtre pédophile en
est un de trop, qualifie, au final, le phénomène de "marginal"; il ne
faut tout de même rien exagérer…
Son Eminence connaît ses limites. Il n'a jamais prétendu
être un fin théologien et s'est toujours gardé de se livrer à de longs
arguments sur le sexe des anges. Cela dit, ses vraies lumières, qui ne sont plus
à démontrer, se rapportent aux questions de gestion, ce qui suppose une
certaine compréhension des chiffres. Pour autant, il ne semble pas avoir
compris que 2% de pervers sont en mesure de causer des dégâts substantiels. Avec
2% de ministres du culte vicelards, il y a nettement plus de 2% de leurs
ouailles dont les orifices buccaux et anaux sont exposés à leurs assauts (pas
forcément dans cet ordre).
Le cardinal Turcotte, comme Mgr. Durocher, sont rompus à
une certaine dialectique et savent se faire les avocats du diable. Au sens "propre"
de l'expression. (Ce dernier ajoute, toujours sans rire, que le pape actuel "poursuit"
(sic) le "combat" (sic) de ses deux prédécesseurs…)
On reconnaît là la cohérence de l'archevêque émérite de
Montréal qui, naguère, a brutalement esquivé une question embarrassante d'un
journaliste à la télévision au sujet des orphelins de Duplessis, et exigé que ces
casse-pieds se contentassent tout simplement d'accorder le pardon à leurs
bourreaux. Son Eminence aurait peut-être pu avoir la décence élémentaire de se
rappeler que, pour y prétendre, il fallait, au minimum, le demander, publiquement,
humblement, au nom de l'Eglise, en s'inspirant de Willi Brandt, qui, en 1970, à
Varsovie, a imploré, pour l'Allemagne, le pardon concernant l'horreur nazie.
Il incombait donc à Mgr. Turcotte de suivre cet exemple.
Donc, de se mettre, à son tour, à genoux.
Comme les victimes.
LP
PS. Une image vaut mille mots:
http://www.hdg.de/lemo/objekte/pict/KontinuitaetUndWandel_zeitschriftSpiegelKniefallBrandt/index.html
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