Tuesday, July 22, 2014

Le 22 juillet 2014. The two-percent solution



"Revenge was good for the character: out of revenge grew forgiveness."
- Graham Greene


"C'est nuire aux bons que de pardonner aux méchants."     

Une certaine polémique entoure un article publié il y a quelques jours dans le journal italien La Repubblica rendant compte de l'entretien accordé par Notre Saint-Père le pape François, qui, en ce qui concerne les prêtres pédophiles de son institution, a notamment fait état du chiffre de 2%.

Quelques heures après la publication de cet entretien, le P. Federico Lombardi, directeur de la salle de presse du Saint-Siège a réagi et démenti que ce chiffre englobait les évêques et cardinaux. En effet, voilà une précision rassurante pour les fidèles : il faut avoir l'esprit mal tourné pour imaginer qu'il puisse y avoir des pédophiles ailleurs que chez les prêtres de base, plus jeunes et plus énergiques.

En effet, on peut supposer que, en ce qui concerne NSP le pape, Benoit XVI et leur entourage, toute tendance pédophile est de toute manière vouée à rester un vœu… pieux : à ce stade, même avec les bons offices de la pilule bleue, il est douteux qu'ils puissent concrétiser quelque fantasme que ce soit. Il arrive un moment dans l'existence où, comme celles du Seigneur, certaines voies deviennent impénétrables.
Détail piquant, le père Lombardi déclare voir dans cet amalgame une "manipulation" de la part d'un journal de gauche.

L'on peut inférer de cette indignation que l'on ne saurait voir quelque manipulation que ce fût dans la dissémination, depuis 2000 ans, de récits scrupuleusement historiques, depuis les évangiles, en passant par les hagiographies de saints et leurs prestations surnaturelles, jusqu'aux guérisons contemporaines de Lourdes, vérifiés selon des méthodes historique et scientifique rigoureuses; dans le même ordre d'idées, il ne faut surtout par voir non plus une simple opération de relations publiques dans les onctueuses déclarations de NSP en matière de tolérance à l'égard des autres religions, de l'homosexualité et même de l'athéisme, la volonté d'occulter un passé plus sinistre… notamment en ce qui concerne l'entrave systématique des autorités ecclésiastiques pratiquée dans les affaires de pédophilie.

Cela dit, puisque ce pourcentage émane du Vatican même, on peut tout de même déceler une tentative, bien humaine, de minimisation. Outre le fait que ce touchant aveu arrive un peu tard, il rappelle les dénégations du gouvernement turc en ce qui concerne le génocide arménien: si l'on rejette à Ankara l'étiquette de "génocide", ces derniers temps, on déplore, magnanimement, un maigre demi-million de décès attribuables à un malheureux concours de circonstances historiques. Un million ou un million et demi? Il ne faut tout de même rien exagérer…

D'ailleurs, ici au Canada, l'archevêque de Gatineau, Mgr Paul-André Durocher, va plus loin: sans rire, il relativise ce pourcentage, lequel tiendrait en fait compte des prêtres qui ont été impliqués dans des affaires de pédophilie remontant à plusieurs décennies! En l'occurrence, Son Excellence est manifestement plus catholique que le pape; de surcroît, il aurait fait des miracles en qualité de conseiller en investissements… L'art de… manipuler les chiffres. Une vocation ratée?

Mais tenons pour acquis, aux fins de la discussion, le chiffre de 2%.

A ce sujet, à Montréal, voici l'ineffable cardinal Turcotte, ex-archevêque de Montréal, qui goûte une retraite bien méritée, et qui, après avoir émis l'opinion, fort courageuse en 2014, qu'un seul prêtre pédophile en est un de trop, qualifie, au final, le phénomène de "marginal"; il ne faut tout de même rien exagérer… 

Son Eminence connaît ses limites. Il n'a jamais prétendu être un fin théologien et s'est toujours gardé de se livrer à de longs arguments sur le sexe des anges. Cela dit, ses vraies lumières, qui ne sont plus à démontrer, se rapportent aux questions de gestion, ce qui suppose une certaine compréhension des chiffres. Pour autant, il ne semble pas avoir compris que 2% de pervers sont en mesure de causer des dégâts substantiels. Avec 2% de ministres du culte vicelards, il y a nettement plus de 2% de leurs ouailles dont les orifices buccaux et anaux sont exposés à leurs assauts (pas forcément dans cet ordre). 

Le cardinal Turcotte, comme Mgr. Durocher, sont rompus à une certaine dialectique et savent se faire les avocats du diable. Au sens "propre" de l'expression. (Ce dernier ajoute, toujours sans rire, que le pape actuel "poursuit" (sic) le "combat" (sic) de ses deux prédécesseurs…)

On reconnaît là la cohérence de l'archevêque émérite de Montréal qui, naguère, a brutalement esquivé une question embarrassante d'un journaliste à la télévision au sujet des orphelins de Duplessis, et exigé que ces casse-pieds se contentassent tout simplement d'accorder le pardon à leurs bourreaux. Son Eminence aurait peut-être pu avoir la décence élémentaire de se rappeler que, pour y prétendre, il fallait, au minimum, le demander, publiquement, humblement, au nom de l'Eglise, en s'inspirant de Willi Brandt, qui, en 1970, à Varsovie, a imploré, pour l'Allemagne, le pardon concernant l'horreur nazie.

Il incombait donc à Mgr. Turcotte de suivre cet exemple.

Donc, de se mettre, à son tour, à genoux.

Comme les victimes.

LP

PS. Une image vaut mille mots:
http://www.hdg.de/lemo/objekte/pict/KontinuitaetUndWandel_zeitschriftSpiegelKniefallBrandt/index.html



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