Saturday, October 15, 2022

Charles III, roi du Québec.

Le 15 octobre 2022.

L’état, c’est moi.
- Formule attribuée à Louis XIV.
 

À l’heure actuelle, chaque député québécois nouvellement élu doit prêter deux serments avant d’entrer en fonction:

Il y a d’abord le serment d’allégeance au monarque prévu par l’article 128 de la loi constitutionnelle de 1867, qui est sans ambiguïté : 

Les membres...de l’assemblée législative d’une province devront, avant d’entrer dans l’exercice de leurs fonctions, prêter et souscrire, devant le lieutenant-gouverneur de la province...  le serment d’allégeance (suivant) : Je...  jure que je serai fidèle et porterai vraie allégeance à Sa Majesté la Reine Victoria. N.B. — Le nom du Roi ou de la Reine du Royaume-Uni de la Grande-Bretagne et d’Irlande, alors régnant, devra être inséré, au besoin, en termes appropriés. 

S’y ajoute le serment prévu par l’article 15 de la loi sur l’assemblée nationale : 

Je... déclare sous serment que je serai loyal envers le peuple du Québec et que j’exercerai mes fonctions de député avec honnêteté et justice dans le respect de la constitution du Québec.


Paul Saint-Pierre Plamondon, chef du parti québécois, qui a obtenu 3 sièges à l’assemblée nationale aux dernières élections, a annoncé que, conformément à sa promesse pendant la campagne électorale, lui et ses deux collègues ne se soumettront pas à l’article 128 lors de l’assermentation des députés le 21 octobre prochain : 

« La concomitance de deux serments, l’un envers le peuple québécois et l’autre envers la Couronne britannique, placent tant les élus que l’Assemblée nationale elle-même dans un conflit d’intérêt et de loyauté qui n’est pas tolérable en démocratie.   On ne peut pas servir deux  maîtres ».

 De surcroît : 

« Si la Couronne britannique, le gouvernement fédéral ou le procureur général du Canada veulent me poursuivre, eh bien, ils le feront, mais je pense que je peux rentrer au Salon bleu et faire mon travail. »

 Ce refus est sans précédent dans l’histoire québécoise.

 Il faut déplorer une certaine confusion dans son argumentaire, et notamment une erreur de droit : Charles III, en l’occurrence, n’est pas le souverain britannique, mais canadien, et même québécois (et ontarien, saskatechewanais, etc.). Maigre consolation, il est vrai. Mais les choses ne sont peut-être pas aussi simples que “pense” Me Saint-Pierre Plamondon. À moins qu'elles ne le soient encore plus.

Tout d’abord, même si est correcte la thèse du conflit d’intérêt, la formule sacramentelle du serment d’allégeance est incontournable et prévaut. Suprématie fédérale oblige.

La question qui se pose est donc celle de la sanction de l’article 128.

Première hypothèse, la plus probable : l’assemblée nationale refuse aux 3 députés réfractaires le droit de siéger. Dans ce cas de figure, la question de poursuites pénales ne se pose pas : ils n’auront pas de bureau, pas de temps de parole, et surtout, pas de salaire.

Deuxième hypothèse : l’assemblée nationale autorise, au mépris de la loi fédérale, par exemple, suite à une modification de la loi provinciale, les 3 mousquetaires à assumer leurs fonctions. Une telle modification sera nulle et non avenue et les autorités fédérales pourront alors intervenir sans forcément suivre immédiatement la voie pénale. Plusieurs possibilités s’offrent à elles; en vrac : envoi de membres de la maréchaussée interdisant physiquement l’accès au Salon bleu aux trois intéressés, demande d’injonction judiciaire en ce sens, et éventuellement, une demande de jugement déclaratoire constatant l’invalidité de l’ensemble de l’activité de l’assemblée nationale vu la participation illégale de 3 de ses députés.

M. Saint-Pierre-Plamondon propose un louable geste de désobéissance civile, mais il doit en peser et en soupeser les enjeux. Le glaive pénal apparaît plus nettement à l’horizon : si l’assemblée nationale devait accéder aux voeux de la trinité rebelle, l’affectation de ressources financières (salaires, équipements...) constituerait un détournement de fonds, tant pour les bailleurs de fonds que pour les récipiendaires. Mais que l’on se rassure : au Québec, il n’y aura pas de Bobby Sands. À suivre donc.

Follow the money.

LP


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