Monday, April 27, 2015

Le 27 avril 2015. Génocide(s) et méthodologie historique.



La chasse aux Arméniens est le sport national turc.
- Gérard de Villiers.

L’Homme il est humain à peu près autant que la poule vole.
- Louis-Ferdinand Céline.

I was a child, but I had the same view of the world that I have today - one huge slaughterhouse, one enormous hell.
- Isaac Bashevis Singer.

A l'occasion du centenaire du génocide arménien, le président français Hollande a prononcé des paroles émouvantes.

La France n'a pas été en reste pour critiquer la Turquie qui refuse de reconnaître l'évidence, et qui instrumentalise l'art. 301 de son code pénal pour faire taire ses citoyens qui osent prononcer le mot tabou de "génocide". Les dirigeants turcs sont manifestement trop stupides pour comprendre que cette interdiction législative constitue, précisément, l'aveu pur et simple de la réalité de cet événement.

Corrélativement, en ce qui concerne l'Etat français, peut-on éviter de faire le rapprochement avec la loi Gayssot, laquelle réprime le délit de négationnisme de l'holocauste perpétré par les Nazis?

Si les deux lois sont aussi répugnantes sur le plan des libertés publiques, l'impact concret de cette dernière est moindre : son adoption fut précédée par des décennies de débats historiques libres, totalement absents de la sphère publique turque depuis 1918, soumise à une chape de plomb pseudo-juridique. 

En l'occurrence, la France se rattrape aux branches. Maigre consolation pour la science historique.

Pour autant, on frémit d'horreur en se rappelant que l'ex-président Sarkozy, candidat à sa propre succession, a tenté de racoler l'électorat arménien de France en promettant une loi tout aussi stalinienne réprimant, cette fois, le négationnisme de la tragédie arménienne. Cette manœuvre grossièrement électorale était un insulte à l'intelligence des intéressés qui, heureusement ne se sont pas laissé enjôler par cette sanguinolente tentative de récupération.

Le législateur respectueux de la liberté d'expression n'a pas l'effronterie de s'ériger en historien, pis, de jouer les papes se prononçant ex cathedra sur un point de doctrine. Est dogmatique, liberticide et scélérate toute loi pénale qui interdit, ou impose, des conclusions historiques allant dans un sens ou dans l'autre. Elle ne peut que donner lieu à des querelles… byzantines peu édifiantes.

Il n'y a que des Français - ou des Turcs - arrogants pour ne pas le comprendre, ou feindre de ne pas le comprendre.

Qui est le plus grand des Mamamouchis?

Cela dit, la France ne s'arrête pas en si bon chemin en matière d'instrumentalisation des horreurs. On ne peut que regretter que le président Hollande ait aussi voulu reprendre le flambeau d'une loi anti-négationniste, mais elle semble désormais exclue vu une jurisprudence de 2013 par laquelle la Cour européenne des droits de l’Homme a sagement décidé, conformément au bon sens le plus élémentaire, que si le génocide arménien peut être reconnu par l’Etat (suisse en l'occurrence), il ne saurait frapper sa négation de sanctions pénales; il faut espérer que cet enseignement aura un jour le même impact sur la loi Gayssot. Par contre, la France aura bientôt son propre Patriot Act, une belle couleuvre bien juteuse que nous mitonnent à la sauce française à l'heure actuelle les cuisiniers du gouvernement Valls, avec laquelle le pays de Jean Jaurès se rapproche encore plus du modèle juridique turc.

Les héritiers des Jeunes Turcs ont opté, tactiquement, pour d'insipides condoléances : on susurre quelques regrets pour les malheureux incidents qui n'ont produit, nous dit-on, sans rire, à Ankara, qu'un modeste demi-million de cadavres - dévorés par les chacals et les vautours dans le désert…

Il semble que ne soit pas encore né le Willy Brandt turc qui viendra s'agenouiller devant le mémorial Tsitsernakaberd à Erevan.

LP

No comments:

Post a Comment