Friday, September 26, 2014

Le 26 septembre 2014. Un Français décapité en Algérie.



"Si je ne crois pas en Dieu, je crois encore moins à l'homme".
- Balzac dans La messe de l'athée.

"En Scientologie, nous croyons que l’homme est fondamentalement bon".

" L’Homme il est humain à peu près autant que la poule vole."
- Louis-Ferdinand Céline.

Le martyre de journalistes anglais et américains n'a pas suffi.

Voilà que les disciples algériens de l'Etat islamique et du califat prennent le relais et assassinent (on évitera le terme et édulcoré et journalistique d'"exécution") le "sale et méchant" Françaoui Hervé Gourdel, un simple touriste, coupable d'être un amateur de randonnées de plein air.

D'aucuns se rassureront en rappelant que ce délire fanatique n'est pas représentatif du "vrai islam". Cela va sans dire, puisque l'Inquisition n'était pas le "vrai christianisme". En outre, le stalinisme, le maoïsme, le polpotisme et le hoxhaisme n'avaient rien, mais absolument rien à voir avec le "vrai socialisme". Les idéologues contemporains de tous acabits affectionnent la notion de détournement de doctrine, ponctué d'"accidents de parcours", parfois de longue durée…

Sans reconnaître Jésus comme le "vrai" messie, l'Islam y voit un grand prophète. Vu que lui-même déconseillait, en matière de guerre sainte, l'usage d'armes contondantes (je ne suis pas venu apporter la paix, mais le glaive : Matthieu 10: 34), nul doute que son enseignement a été pleinement intégré et demeure d'actualité. Les oecuménistes ont une bonne raison de se réjouir car le christianisme et l'islam ont au moins un point commun : le recours aux ustensiles tranchants pour éliminer les hérétiques.

Reconnaissons cependant la supériorité, à un égard, du christianisme classique, à l'époque pas si lointaine où il contrôlait des institutions séculaires, et guerroyait ouvertement : il disposait, avec le feu des bûchers, d'un arsenal plus diversifié.

L'abattage rituel du gibier humain continue sur l'autel de Moloch. La liturgie de l'horreur a toujours été célébrée sans temps morts.

Avec la même ferveur.

LP


Wednesday, September 10, 2014

Le 10 septembre 2014. L'héritage méconnu de George-Etienne Cartier.




 Que peuvent les lois, là où seul l'argent est roi.

A page of history is worth a volume of logic.
- Oliver Wendell Holmes

La politique, c'est comme l'andouillette, ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop.
 - Edouard Herriot


Il y a quelques jours, le premier ministre du Québec, Philippe Couillard de l'Espinay, baron de Jersey, a proclamé: "A l'aube du 150e anniversaire du Canada, les Québécois souhaitent que le pacte qui lui a donné naissance soit réaffirmé".

D'aucuns ont conclu que M. Couillard se préparait à signer, au nom du Québec, la constitution canadienne, en l'état, en 2017. 

Mais que l'on se rassure.

Il a remis les pendules à l'heure.

Il n'y a que les journalistes, ces béotiens, pour avoir sauté à une conclusion aussi fantaisiste. Il ne faut jamais tirer de conclusions hâtives, même quand on voit un féal faire les yeux doux à son suzerain, comme l'a fait, en l'occurrence M. Couillard au premier ministre canadien, à l'occasion de la commémoration du 200e anniversaire de naissance de George-Etienne Cartier, un ancien patriote de 1837 devenu père de la confédération.

Ces cérémonies auront au minimum une fonction didactique puisque, selon un sondage commandité par l'Association for Canadian Studies, seuls 11% des répondants ont reconnu en lui un intervenant clé de l'adhésion du Québec à la confédération (pis, un Québécois sur dix pense que Pierre-Elliott Trudeau en fut un artisan…). Voilà qui nous rappelle le point commun entre les fédéralistes et les souverainistes: une ignorance crasse des institutions et de l'histoire du pays qu'ils vénèrent ou qu'ils rejettent. Le droit de vote des Canadiens de naissance devrait être subordonné au passage d'un examen identique à celui que doivent réussir les immigrants qui prétendent à la citoyenneté canadienne. Mais ne rêvons pas…

M. Harper est fier d'être l'« héritier politique » de Cartier, mais sans signaler un épisode peu reluisant : le scandale du Pacifique…

En effet, ce grand patriote canadien n'a pas hésité à encaisser des pots-de-vin en 1872 dans le cadre du grand projet ferroviaire qui devait être une noble entreprise de construction du nouveau pays! On peut donc légitimement se demander si ses décisions pro-confédératives n'ont pas été emportées par de semblables marques de gratitude pécuniaires, surtout si l'on se rappelle que, en 1870, les responsables politiques de l'Ile-du-Prince-Edouard acceptèrent le statut de province canadienne au terme de festins et beuveries, gracieuseté d'Ottawa, qui eussent fait saliver Trimalchion; leur gueule de bois leur a fait oublier que les intérêts économiques de ce territoire commandaient plutôt le maintien de l'autonomie et de rapports commerciaux étroits avec les Etats-Unis. Le scandale des "commandites" s'inscrit dans une vieille tradition canadienne : les activités éminemment patriotiques donnent parfois aux malandrins des occasions en or de se sucrer. 

Il y a plus troublant. M. Couillard déclare que « George-Étienne Cartier témoigne de l'existence chez nous d'un sentiment national fort et du désir d'appartenance à un pays plus vaste..».

Un rappel des réalités historiques est de mise.

Contrairement à ce qui s'est passé, par exemple, aux Etats-Unis de 1776 à 1789, où des états indépendants ont librement renoncé à leur souveraineté pour former un nouveau pays, le Québec n'avait, avant 1867, aucune existence juridique : il faisait partie de la colonie, britannique, du Canada-Uni et l'indépendance n'a jamais été une option. La seule alternative à la confédération dont disposaient les responsables politiques bas-canadiens de l'époque était le statu quo. Confederation: Take it or leave it. Et d'ailleurs, la ratification fut déférée aux élus bas-canadiens car une consultation populaire aurait probablement abouti au rejet du "pacte"…

Dans la Gazette du 6 septembre 2014, Jack Jedwab se gausse de la vision nationaliste qui a dépeint Cartier comme un pantin des autorités coloniales en excipant de sa qualité d'ex-patriote de 1837. L'argument est un peu léger et inattendu de la part d'une telle sommité universitaire, qui semble ignorer que l'histoire politique est pleine de revirements de ce genre : Mussolini a commencé sa carrière politique comme socialiste; en France, Marcel Déat, un fondateur du Parti socialiste de France, devint l'un des derniers fidèles de Pétain… Et est-il possible d'oublier Pierre Laval?...

M. Couillard devrait peut-être songer à évoquer, d'ici 2017, la naissance juridique du Québec.

Quoique l'on pense de l'intégrité du processus qui aboutit aux institutions de 1867, il ne donna pas lieu à une simple "entrée" de la part du Québec : il y eut bel et bien "sortie", quoique très partielle. Le Québec ne céda pas de compétences à l'Etat central; au contraire, il en obtint.

Si notre mémoire est bonne, George-Etienne Cartier a déclaré en 1867: "Maintenant nous avons un état, disposant de certains pouvoirs". L'"appartenance à un pays plus vaste" était  donc le prix à payer pour la création d'un embryon d'état.

Faute de mieux?

Faut-il maintenant aspirer à un organisme plus développé?

Aux électeurs québécois d'aujourd'hui d'en débattre. Mais le débat ne doit pas s'inscrire dans la fiction révisionniste.


LP